Aux Etats-Unis, les républicains préparent une "super-loi" pour des maxi dépenses
Possédant la présidence et les deux chambres du Congrès, les républicains veulent imposer dès le début de l'année un paquet législatif cumulant baisses d'impôts, dérégulations, coup de pouce aux énergies fossiles et renforcement de la frontière sud.
Durant sa campagne, Donald Trump a promis dérégulations et baisses d'impôt tous azimuts (il est allé jusqu'à suggérer la suppression pure et simple de l'impôt sur le revenu) afin de redonner du pouvoir d'achat aux Américains et de stimuler la croissance.
Son administration pourrait s'y atteler dès sa prise de pouvoir, en janvier prochain, avec la préparation d'un paquet législatif contenant les priorités fiscales des républicains. Ce paquet viendra prendre le relais du Tax Cuts and Jobs Act. Passé en 2017 au début de la première administration Trump, il a introduit un grand nombre de baisses d'impôt sur les entreprises et les particuliers, dont la plupart arrivent à expiration à la fin de l'année prochaine. Aux Etats-Unis, il est en effet courant que les lois fiscales et budgétaires expirent automatiquement passé quelques années.
15% d'impôt sur les sociétés ?
Le paquet législatif sur lequel planchent les républicains devrait pérenniser au moins une partie de ces baisses d'impôt mises en place il y a bientôt huit ans. Si la droite américaine s'accorde pour alléger la pression fiscale sur les foyers et entreprises américaines, elle se divise cependant en deux factions. L'une s'inquiète du poids de la dette, qui atteint des niveaux records, et souhaite donc imposer une certaine limite aux baisses d'impôts, ou au moins les compenser par une baisse concomitante des dépenses, ainsi que par une hausse des recettes.
D'autres, dont Donald Trump semble faire partie, cherchent avant tout à stimuler l'économie sans trop se soucier de la dette, et souhaitent donc reprendre l'intégralité des mesures instaurées par le Tax Cuts and Jobs Act de 2017, voire introduire de nouvelles baisses d'imposition. Il est notamment question d'abaisser encore l'impôt sur les sociétés, déjà ramené de 35 à 21% en 2017, jusqu'à 15%.
Lors d'un audit réalisé en mai 2024, le Congressionnal Budget Office, une agence fédérale, estimait que la prolongation du Tax Cuts and Jobs Act dans son intégralité coûterait aux finances publiques américaines 4 600 milliards de dollars.
Plus de taxes sur les pourboires
Durant sa campagne, Donald Trump a en outre promis tout un panel de baisses d'impôts supplémentaires qui ne figuraient pas dans la loi de 2017. Parmi celles-ci, figure notamment une défiscalisation des pourboires, idée qu'avait également brandie la candidate démocrate, Kamala Harris. Aux Etats-Unis, les pourboires représentent en moyenne 20% de l'addition et comptent pour une part non négligeable des revenus du personnel de la restauration. Leur défiscalisation coûterait entre 150 et 200 milliards de dollars sur dix ans.
Le président fraîchement réélu propose par ailleurs de défiscaliser les heures supplémentaires, ainsi que de permettre aux ménages de déduire les intérêts payés sur leur crédit automobile ou pour l'achat d'un générateur de leurs impôts. L'ensemble de ces mesures pourrait coûter 3 000 milliards de dollars supplémentaires sur dix ans, selon le Wall Street Journal, portant le coût d'une loi maximaliste à 7 600 milliards sur la prochaine décennie. A tout cela s'ajouteront sans doute encore, dans le paquet législatif, des dépenses visant à renforcer l'étanchéité de la frontière sud des Etats-Unis, afin de réduire l'immigration illégale, l'une des grandes promesses de Donald Trump.
Renflouer les caisses : un pari impossible ?
Pour ne pas faire exploser le déficit, la droite américaine devra également trouver des pistes pour compenser toutes ces baisses d'impôts par des recettes supplémentaires. Durant la campagne, Donald Trump a brandi les tarifs douaniers comme une recette miracle susceptible de financer son généreux programme, et même de renflouer les caisses chemin faisant. De nombreux économistes sont toutefois sceptiques quant à la capacité des tarifs à combler le déficit, notamment parce que l'argent qu'ils rapportent est compensé par une baisse de la croissance et une riposte des pays ciblés, qui instaurent généralement leurs propres tarifs en guise de représailles.
Malgré sa majorité aux deux chambres du Congrès, il n'est par ailleurs pas certain que Trump parvienne à imposer les hausses massives de tarifs douaniers qu'il compte mettre en place, de nombreux élus républicains demeurant favorables au libre-échange. Il n'est pas non plus certain que Trump lui-même se montre aussi vindicatif dans la mise en place de tarifs douaniers qu'il l'a annoncé. S'il vient d'affirmer qu'il instaurerait des tarifs de 25% sur tous les produits importés du Canada et du Mexique, ainsi que des tarifs supplémentaires de 10% sur les produits chinois, il a aussi choisi Scott Bessent pour diriger son Département du Trésor. Ce dernier est un républicain conventionnel, partisan d'une politique pro-business, qui prône une approche prudente et graduelle en matière de tarifs douaniers. Il est donc possible que les annonces de Trump soient plutôt des menaces grandiloquentes qui visent à obtenir des accords bilatéraux avantageux avec les différents pays ciblés.
"Nombreux sont ceux qui pensent que ces tarifs peuvent être amenés à changer et faire partie de négociations sur différents sujets, comme la sécurité de la frontière, ou encore des régulations plus efficaces sur les composants chimiques du Fentanyl", affirme Jim Franklin, professeur de finances à la Western Governors University d'Austin, au Texas. Lors de l'annonce de ses nouveaux tarifs, Trump a en effet accusé le Mexique de ne pas jouer le jeu pour sécuriser la frontière, et l'empire du Milieu d'être responsable de l'exportation vers les Etats-Unis du Fentanyl, un opiacé qui y cause des ravages sanitaires.
Large victoire mais marge réduite
Parmi les autres pistes évoquées pour faire des économies, figure l'annulation de certains crédits d'impôts accordés par l'Inflation Reduction Act, une loi mise en place par Joe Biden pour convertir l'économie américaine au renouvelable. Donald Trump a notamment suggéré qu'il pourrait supprimer ou réduire les crédits d'impôts à l'achat d'un véhicule neuf électrique. Mais là encore, il pourrait rencontrer une opposition au sein de son propre parti. Darin LaHood, élu républicain de l'Illinois à la Chambre des Représentants, qui compte une usine de production de véhicules électriques dans sa circonscription, s'est par exemple exprimé contre la suppression de ces crédits d'impôts.
Tout cela montre que, malgré sa confortable victoire, Trump ne peut pas en faire qu'à sa tête. Il bénéficie actuellement d'une majorité de 53 élus républicains au Sénat, contre 47 démocrates. A la Chambre des Représentants, tout n'est pas encore joué, mais la majorité républicaine devrait aussi être de quelques sièges maximum. Chaque voix comptera donc, et la majorité républicaine ne peut pas se permettre de mécontenter une partie de ses troupes, sous peine de voir son paquet législatif rejeté.
Les républicains seront ainsi sans doute amenés à faire des choix difficiles, selon Jim Franklin. "Pour réussir, les Républicains ont besoin de la quasi-unanimité au sein de leur parti. Ils vont donc devoir trouver des compromis sur un certain nombre de sujets qui ont traditionnellement constitué des lignes de division au sein de leur famille politique, ce qui inclut le déficit budgétaire, les mécanismes de déduction d'impôts au niveau local et étatique, et les subventions aux énergies propres. Leur capacité à résoudre ces conflits va déterminer à quel point ils vont pouvoir baisser les impôts, et quelles mesures vont prévaloir sur les autres."
Outre l'aspect budgétaire, le paquet législatif devrait également s'attaquer à une autre grande promesse de Donald Trump, celle d'autoriser le forage de pétrole sur les terres fédérales. Une mesure qui vise à baisser les coûts de l'énergie aux Etats-Unis afin de renforcer la croissance et la réindustrialisation.