Quelles sont les pistes évoquées pour taxer le patrimoine des plus fortunés ?
"Les élus doivent nous taxer, nous les super riches, nous serions fiers de payer plus", déclarait il y a un an Marlene Engelhorn, héritière du géant allemand de la chimie BASF et représentante du collectif "Tax me now", au nom de 260 grandes fortunes. En France, pour amorcer le redressage des comptes publics, le gouvernement doit faire un effort budgétaire de 50 milliards d'euros, dont 30 milliards d'économie et 20 milliards de recettes supplémentaires. Avant la censure du gouvernement Barnier, l'idée de taxer les plus aisés de façon plus importante et proportionnelle avait déjà été évoquée, avec la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR), introduisant un impôt minimum de 20% pour les plus fortunés. François Bayrou s'est engagé à maintenir provisoirement la CDHR, qui vise près de 25 000 foyers : les couples dont le revenu fiscal dépasse 500 000 euros, 250 000 pour un célibataire.
Exit le capital ?
Mais selon un rapport rendu en octobre par Charles de Courson, rapporteur général du Budget auprès de la Commission des Finances de l'Assemblée, la CDHR est une "parade aux stratégies permettant de limiter l'imposition effectivement due sur les revenus perçus par les contribuables les plus aisés", dont le revenu total provient essentiellement des revenus du capital. "Elle ne répond pas à la question de la réduction de l'assiette taxable des revenus des personnes les plus aisés". Les plus fortunés ont souvent recours à des sociétés holdings pour leur patrimoine financier professionnel, qualifiées de "réserve d'épargne défiscalisée", permettant de passer le taux d'imposition de 46% pour les 0,1% des plus riches à 26% pour les 0,0002%. Pour collecter ce "déficit fiscal", François Bayrou évoque "un nouveau dispositif pérenne de lutte contre une injuste optimisation". Cette nouvelle taxe, qui pourrait toucher le patrimoine, devrait rapporter environ 2 milliards d'euros. Bercy envisagerait un taux à 0,5% selon Le Figaro, sept ans après la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF).
L'exonération des biens professionnels
Ce mercredi 22 janvier, une proposition de loi déposée par les députées Eva Sas et Clémentine Autain, du groupe Écologiste et Social, vise à instaurer dès le 1er janvier 2026 un impôt plancher sur la fortune (IPF) de 2% sur le patrimoine des "ultra-riches". La proposition de loi viserait les contribuables dont le patrimoine est supérieur à 100 millions d'euros, soit environ 4000 personnes. Concrètement, si l'addition de tous leurs impôts et prélèvements n'est pas égale à au moins 2% de leur patrimoine, ils devront payer la différence. Le 25 octobre dernier, un amendement LFI avait été voté. Celui-ci était similaire, à la différence que l'impôt de 2% s'appliquait à la fraction de patrimoine qui dépassait 1 milliard d'euros. Ce texte doit être voté à l'Assemblée nationale le 20 février prochain. À l'échelle mondiale, cette mesure rapporterait 200 à 250 milliards d'euros, selon l'économiste français Gabriel Zuckman, qui avait présenté une "taxe Zuckman" similaire, défendue par Bruno Le Maire devant le G20 en février 2024. En France, celle-ci devrait rapporter de 15 à 25 milliards d'euros, soit dix fois plus que ce qu'espère le gouvernement.
L'une des différences majeures entre l'IPF et l'ISF est que les biens professionnels ne soient pas exonérés. Par exemple, les parts de Bernard Arnault dans LVMH étaient exonérées d'ISF, alors qu'elles seraient soumises à la "taxe Zuckman". La proposition de loi prévoit la possibilité d'échelonner le paiement de l'IPF sur 5 ans pour les redevables dont le patrimoine serait "principalement granulaire et liquide". "En dix ans, les 500 plus grandes fortunes de France ont vu leur richesse augmenter de 1000 milliards d'euros, de 200 à 1200 milliards d'euros. Sur cette période, leur patrimoine a augmenté de 8 à 10% par an. […] Il faut aller chercher les nouvelles recettes là où elles sont : dans le patrimoine des plus riches", ont déclaré Eva Sas et Clémentine Autain.