Décentralisation : le pari risqué de Lecornu pour réorganiser l'Etat

Décentralisation : le pari risqué de Lecornu pour réorganiser l'Etat Le chef du gouvernement promet l'ouverture rapide de consultations avec les élus et les citoyens, alors que les précédents rapports sur l'organisation territoriale sont restés sans suite.

La décentralisation revient dans l'agenda gouvernemental. En prenant ses fonctions, Sébastien Lecornu a placé la réorganisation territoriale parmi les premières priorités de son mandat, dans un paysage politique marqué par l'empilement des compétences et l'essoufflement des réformes précédentes.

Une réforme plusieurs fois repoussée

Dans un entretien accordé à la presse quotidienne régionale, relayé par Le Monde le 15 septembre 2025, le nouveau Premier ministre déclare vouloir présenter "un grand acte de décentralisation, de clarification et de liberté locale", avec des consultations prévues dès la semaine suivante. Il dénonce un système où "trop d'acteurs interviennent sur les mêmes sujets, alors qu'il n'y a qu'un seul contribuable qui finance le tout".

Le sujet n'est pas nouveau. En 2023, Emmanuel Macron avait confié à Éric Woerth une mission sur l'organisation territoriale. Le député Renaissance de l'Oise avait remis son rapport en mai 2024. Sans suite. En parallèle, un autre rapport, conduit par Boris Ravignon, maire de Charleville-Mézières, chiffrait à 7,5 milliards d'euros par an le coût des chevauchements entre l'État et les collectivités.

Toujours selon Le Monde, ce projet avait continué à "cheminer à bas bruit". Michel Barnier, alors chef du gouvernement entre septembre et décembre 2024, n'avait pas eu le temps de s'en emparer. Son successeur, François Bayrou, envisageait une relance, sans qu'aucune mesure ne soit engagée.

Une annonce qui divise les élus locaux

La relance du débat intervient à six mois des élections municipales prévues en mars 2026. Interrogé par Le Monde, Christophe Bouillon, président de l'Association des petites villes de France, se montre prudent : "On ne veut pas de grand soir, on en a soupé. Ce qu'on attend, c'est que l'État lâche la bride aux collectivités locales." Il ajoute que les élus s'inquiètent moins de l'architecture territoriale que de leurs marges de manœuvre budgétaires.

Dans Les Échos, l'Association des maires de France salue le signal politique, mais insiste sur la nécessité d'une action immédiate face aux décisions nationales qui, selon elle, entravent l'autonomie des collectivités.

Sébastien Lecornu, de son côté, estime que "traiter la décentralisation maintenant, c'est donner de la visibilité aux futurs élus et aux électeurs". Il affirme que le moment est "idéal" au regard du calendrier électoral jusqu'en 2028.

Des pistes évoquées, sans arbitrage final

Les différents rapports consultés par le gouvernement proposent de nouvelles règles de financement. Il est envisagé d'attribuer aux communes une part des frais de notaire, aux départements une fraction de la CSG, et aux régions une portion de l'impôt sur les sociétés, en fonction des compétences exercées.

Certaines figures politiques locales appellent à aller plus loin. Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France, a publié sur X : "Chiche ! Osons la décentralisation et la suppression des doublons comme armes décisives pour diminuer les dépenses de l'État", une réaction relayée par Les Échos.

Le Sénat pourrait jouer un rôle clé. Lecornu souhaite que la chambre haute devienne "le moteur du débat", une orientation qui rejoint les positions de son président Gérard Larcher.