Transformer l’information en savoir-faire : l’enjeu de l’évolution des centres de données

Pour prendre toute leur dimension, les centres de données doivent évoluer vers une véritable orchestration automatisée de la production, du pilotage et de la gestion du savoir-faire de l'entreprise.

Si les origines de l’informatique, au sens propre du terme, peuvent sans doute prêter à débat (on peut considérer que les algorithmes et théorèmes mathématiques datant de l’Antiquité constituent une élaboration systématique fondant et préfigurant les technologies de l’information), ses objectifs restent invariablement les mêmes : automatiser le traitement de l’information.

Aujourd’hui, les centres de données s’appuient sur des infrastructures et des outils puissants. Même si ces derniers continueront d’évoluer et de proposer des performances toujours plus avancées, c’est bien la donnée elle-même qui concentre le potentiel de valeur le plus important pour l’entreprise. C’est là tout l’enjeu des centres de données : donner du sens et de la valeur aux  "données techniques", pour les transformer successivement en "information", en "connaissance" puis en "expérience & savoir-faire". Ce patrimoine potentiel exigeant d’orchestrer une administration des systèmes d’information élaborée est fidèle à son dynamisme premier : l’art de produire, de piloter et de gérer.
 
Quelle est (ou devrait être) la première richesse d'une entreprise ? Sans doute son savoir-faire.
 
Or, qu'est-ce qui compose le savoir-faire d'une entreprise ? Comment une entreprise constitue-t-elle son savoir-faire, comment le fait-elle vivre et comment peut-elle l'exploiter au mieux pour soutenir son développement ? Les centres de données jouent naturellement un rôle essentiel en la matière. Pour prendre toute leur dimension, ils doivent à présent évoluer vers une véritable orchestration automatisée de la production, du pilotage et de la gestion du savoir-faire de l'entreprise.
 
Après l'ère des CTI (Centres de Traitement de l'Information) au cours de laquelle les efforts se sont successivement portés sur le développement de la puissance de calcul et des capacités d'entrée et de sortie, c'est la donnée elle-même qui est à présent placée au coeur des attentions dans le contexte des justement nommés "centres de données".
 
Tout part donc de la "donnée technique". Si celle-ci est évidemment nécessaire, elle ne saurait être suffisante en tant que telle. Avant son élaboration en "savoir-faire", la "donnée technique" - isolée, en première instance - doit tout d'abord acquérir un sens, afin de passer au stade "d'information" structurée. Dit autrement, il s'agit du passage de la syntaxe à la sémantique : on va donner un sens contextuel à la donnée technique. ITIL, surtout dans sa troisième version, va pleinement dans ce sens, en classifiant l'information en partant de la donnée technique.
 
L'étape suivante est un pas essentiel vers la "connaissance acquise", une connaissance qui devra être partageable pour acquérir pleinement son statut, enfin, de "savoir-faire". Pour aller plus loin, une fois que l'on a donné du sens à la donnée technique et que celle-ci est devenue "information structurée, mise en contexte, et donc valorisable", l'objectif consiste ensuite à associer à cette information une expérience plus large. L'information, désormais structurée et pourvue du sens, doit pouvoir être mise au service de situations de plus en plus élaborées.
 
L'information prend alors d'autant plus de valeur qu'elle est mise en relation dynamiquement, sous forme d'une connaissance partagée et valide. C'est là que la connaissance est transformée en savoir-faire, et c'est là tout l'enjeu de l'évolution des centres de données : l'art du croisement et de la mise en relation, l'art de la valorisation... et ce, de manière automatisée en regard des volumes exponentiels constatés depuis 15 ans.
 
Pour résumer, la donnée technique doit donc passer au stade d'information puis de connaissance partagée, pour constituer en dernière instance le savoir-faire de l'entreprise. Ce processus constitue un enjeu d'autant plus important qu'il va permettre à l'entreprise (en particulier les Fournisseurs de Services Gérés, en anglais MSP) de proposer - et de tenir ! - de plus forts engagements commerciaux et une meilleure qualité de services rendus dans un contexte à valeur ajoutée croissant.
 
Quelle est la traduction de tout cela en termes d'infrastructure, d'automatisation et de capacité d'administration des systèmes d'information ?
 
Tout d'abord, il faut rappeler en quoi consiste l'administration d'un centre de données. Dans un premier temps, il s'agit de garantir les activités de production (génériquement : produire), de piloter les systèmes d'information et de gérer les organisations opérationnelles. Il s'agit ensuite d'articuler entre elles ces trois activités, ce qui est loin d'être simple !
 
L'automatisation de la première de ces trois activités - "produire", au sens de l'infrastructure qui produit grâce à l'exécution d'opérations de traitement de l'information de manière déterministe  - demande des compétences en ingénierie et en intégration d'outils "automates" les plus adaptatifs possibles - à ce niveau, on pourra introduire la notion "d'allocation dynamique de ressources".
 
Leur pilotage consiste à concevoir, structurer, organiser, maintenir ou encore prévoir leur comportement et leur utilisation. L'ensemble de ces actions doit être aligné aux processus "métiers" des entreprises et permet en théorie d'apporter des réponses à tous les types de situation ; le degré d'agilité des technologies de l'information, mais également des organisations opérationnelles, en constituant un indicateur caractéristique majeur - on pourra rechercher un "pilotage sur objectifs" pour une "allocation dynamique de ressources" optimale.
 
La troisième activité - "gérer" - renvoie à la gestion des personnes, des compétences et à la notion de travail collaboratif. Or, un système informatique n'est jamais autant efficace que lorsqu'il incite au développement de démarches collaboratives et qu'il permet l'organisation des équipes entre elles - à ce niveau, la recherche "d'outils d'aide à la décision, en contexte planifié ou instantané", combinant "allocation dynamique de ressources" et "pilotage sur objectifs" avec ouverture à toute situation fonctionnelle ou opérationnelle "inattendue", sera un plus.
 
Une administration des centres de données peut ainsi s'appuyer sur ces trois métiers complémentaires, articulés et orchestrés entre eux. Cet objectif se complique d'autant plus lorsque, les fluidifier, les coordonner voire les simuler - en contexte partiellement ou complètement assisté,  voire automatisé -, exigerait une sorte "d'hyper automate multi-activités" (activités telles que décrites ci-dessus). Envisageable technologiquement, ce type de dispositif innovant ne l'est peut-être pas autant d'un point de vue culturel (les automates faisant toujours l'objet d'une méfiance plus ou moins consciente). 
 
En tout état de cause, l'orchestration de ces trois activités doit avant tout faire face au niveau de complexité généré par les environnements distribués et hétérogènes, aux interdépendances complexes ; auquel s'ajoutent le nombre de plus en plus important de composants matériels et logiciels utilisés, physiques ou virtuels.
 
Pour conclure, nous avons vu le cheminement théorique qui, partant de la donnée brute, permet à l'entreprise de constituer dans le temps un patrimoine à valeur ajoutée. Ce principe d'enrichissement partagé, qui fait vivre dynamiquement le savoir-faire d'une organisation, peut sans doute être assimilé au principe fondateur des centres de données de nouvelles générations participant au renouveau des infocentres ou des banques de données, chers aux années 1970, sous la forme de centres d'informations et de centres de la connaissance, d'expertise & de savoir (des référentiels issus de la culture ITIL devraient donc émerger sous la forme d'Information Centers, de Knowledge Centers et de Wisdom Centers).
 
Mais ces principes fondateurs constituent également, dans le même temps, tout l'enjeu de ces centres de données, car il exige une organisation et une orchestration complexe. L'orchestration organisationnelle et opérationnelle des trois élans actifs que sont "produire", "piloter" et "gérer", dynamise ainsi  l'administration des centres de données avec des exigences très fortes en termes d'outils, d'expertise et d'expérience.
 
D'inspiration industrielle et technologique, cette orchestration précède quant à elle la gouvernance orchestrée des entreprises et des organisations économiques, publiques et privées, à l'aide d'indicateurs de pilotage et de gestion à forte valeur informationnelle.