OVH : l'incendie va-t-il aussi réduire en cendres son IPO ?

OVH : l'incendie va-t-il aussi réduire en cendres son IPO ? Le groupe a annoncé son intention d'entrer en bourse tout juste deux jours avant que le feu détruise un des quatre datacenters de son campus de Strasbourg, et en endommage un deuxième.

"OVHCloud a lancé le process en vue d'une potentielle entrée en bourse à Paris", confie lundi 8 mars un porte-parole du groupe à l'agence Reuters. Le surlendemain, à 00h47, un incendie éclate dans un des quatre datacenters du campus strasbourgeois du leader européen du cloud. L'infrastructure est entièrement détruite, ainsi qu'une partie du centre de données attenant. Par mesure de précaution, l'électricité est coupée sur toute l'implantation, impactant par ricochet les deux datacenters restant. 12 000 à 16 000 sont clients touchés. A l'heure où nous écrivons ces lignes, les salles serveurs encore opérationnelles sur le site n'ont pas été remises en fonction.

"Cet incident, même s'il est important, ne devrait pas empêcher OVHCloud d'entrer en bourse", estime Didier Raspaud, banquier conseil au sein de la banque d'affaires ABAC Partner. "Une fois de plus, OVH a réagi très vite. Mais aussi en toute transparence. Ce qui n'est pas le cas d'autres acteurs du secteur." L'entreprise d'Octave Klaba a publiquement communiqué la feuille de route de son plan de reprise, et détaillé la disponibilité (ou pas) des sauvegardes de données en fonction de l'offre souscrite. 

"OVHCloud doit rapidement apporter des réponses techniques suite à ce qui s'est passé"

Marc Oiknine, associé chez Alpha Capital Partners, pondère : "OVHCloud doit rapidement apporter des réponses techniques suite à ce qui s'est passé pour éviter une perte de confiance sur le plan commercial. C'est un point clé." Le groupe est engagé dans une véritable course contre la montre : à l'heure où les marchés financiers français sont en ébullition, avec un Cac 40 au plus haut, les conditions boursières sont, pour l'heure, des plus favorables.

Un actif français stratégique

L'entreprise de Roubaix peut également compter sur ses acquis. "OVHCloud compte 32 datacenters à travers le monde (et 1,5 million de clients revendiqués, ndlr)", ajoute Marc Oiknine. Quant à la structure financière de l'entreprise, elle est robuste. Fort de près de 2 500 salariés, OVH a généré 712 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2019. Rassurant pour les investisseurs, son modèle économique, basé sur l'abonnement à ses services cloud, génère des revenus récurrents. Après un investissement combiné de 250 millions d'euros en 2016, les fonds américains KKR et TowerBrook Capital Partners possèdent 20% de son capital. Les 80% qui reste demeurent sous le contrôle de la famille Klaba.

Autre point fort : l'écosystème tissé par OVHCloud depuis près de deux ans. Le groupe compte une centaine de partenaires. Parmi les plus importants, on relève Atos, Capgemini ou encore Orange Business Services. OVH a également signé un accord stratégique avec Google. Objectif affiché par l'entreprise : commercialiser et infogérer l'offre multicloud du géant américain (Anthos) sous sa coupe, en la portant sur ses propres infrastructures de cloud souverain en Europe.

"C'est à ce jour la seule licorne française et européenne à avoir atteint cette taille. Sa stratégie industrielle est robuste"

Didier Raspaud insiste : "c'est à ce jour la seule licorne française et européenne à avoir atteint cette taille." Il rappelle : "Sa stratégie industrielle est robuste. OVH construit lui-même ses serveurs. Il garde ainsi la maitrise de sa chaîne d'approvisionnement." Une politique qui lui a permis de continuer à répondre à la demande et à déployer de nouvelles machines lors de la rupture d'approvisionnement des serveurs en provenance de Chine au moment de la première vague du Covid. Tandis que d'autres acteurs du cloud, au premier rang desquels Microsoft, étaient pris au dépourvu.

A l'image de Scaleway, Orange Flexible Cloud ou encore 3DS Outscale, OVHCloud est devenu un actif français stratégique. La liste des sites web impactés par l'incendie le prouve une nouvelle fois. Ils vont de data.gouv aux sites d'Esri France (depuis remis en fonction), en passant par les sites de l'aéroport de Strasbourg ou encore du Centre Pompidou à Paris. "L'incendie de Strasbourg démontre la dépendance du web français vis-à-vis d'OVH", confirme Marc Oiknine.

Pour Didier Raspaud, l'événement aura par ailleurs permis à la société et à sa marque de gagner en notoriété. "Une fois la réponse technique établie et les clients rassurés, le principal pour OVH sera d'optimiser ses conditions d'introduction en bourse et séduire les investisseurs potentiels", poursuit Marc Oiknine. Compte-tenu de l'effervescence actuelle des marchés financiers, mieux vaut ne pas trop tarder. On ne sait pas de quoi demain sera fait... surtout en ce moment.