Récit : comment YoPlanning s'est sauvé des flammes d'OVH
L'application savoyarde de gestion de calendrier d'activités sportives et éducatives a bien failli disparaître. Face à l'incendie d'OVHCloud, son équipe technique s'est démenée...
Editeur français d'un outil SaaS à destination du sport, des loisirs et du tourisme, Vakario fait partie des centaines d'acteurs ayant subi de plein fouet l'incendie des data centers d'OVH à Strasbourg le mercredi 10 mars 2021. A l'époque, sa plateforme est hébergée sur le service Private Cloud dans une salle du centre de données Strasbourg 1 (SBG1) entièrement détruite. L'application tombe dans la matinée. Vakario avait bien souscrit à l'option de backup d'OVHCloud mais la sauvegarde était stockée au sein de SBG2, data center d'où a pris le feu et qui a été ravagé par les flammes. Résultat : la sauvegarde n'est pas récupérable.
"300 organisations opérant alors quotidiennement sur notre application se sont retrouvées avec une page d'erreur"
En pleine saison de sport d'hiver, l'impact ne se fait pas attendre. Les centaines d'écoles de ski s'adossant à l'application pour gérer leurs activités se retrouvent le bec dans la neige. Sans compter des clients dans le fitness, la musculation, le yoga, le soutien scolaire, la musique, etc. Baptisé Yoplanning, l'outil de Vakario est taillé pour piloter toute prestation de service encadrée par un moniteur, guide, coach, éducateur ou professeur. Son spectre fonctionnel ? Il va de la planification de la réservation au paiement (via Stripe) en passant par la gestion du personnel associé.
"Le 10 mars au matin, 300 organisations opérant quotidiennement sur notre application se sont retrouvées avec une page d'erreur. Ce qui représente plusieurs dizaines de milliers d'utilisateurs impactés", estime Dorian Marcotte, chief marketing officer et cofondateur de Vakario. Les écoles de ski recourant à Yoplanning ne sont plus capables d'accueillir les vacanciers dans de bonnes conditions et les aiguiller vers leur groupe de niveau ou leur moniteur. "Il a fallu qu'elles reprennent les informations des clients systématiquement", regrette le CMO.
Une sauvegarde inespérée
En pleine troisième vague de Covid, les remontées mécaniques sont certes fermées mais les stations proposent des activités alternatives : promenades en raquettes, séances de ski de fond, de ski de randonnée... "Si nous avions été en période de vacances scolaires et hors-Covid, la situation aurait été catastrophique", résume Dorian Marcotte. "Nous étions conscients que notre backup était géographiquement dans la même zone. Mais nous ne pouvions pas deviner qu'il était hébergé dans un datacenter mitoyen."
Immédiatement, Vakario réagit. Ses développeurs et administrateurs travaillent jour et nuit pendant trois jours pour remonter l'application (dont le code avait été conservé en interne). L'outil est déployé sur une nouvelle infrastructure infogérée par un prestataire sur les data centers d'OVHCloud à Roubaix. "Nos équipes ont fait preuve de réactivité pour dénicher ce prestataire. Car OVH a été incapable d'honorer la commande passée pour la nouvelle infra", se rappelle Dorian Marcotte.
Dès le vendredi 12 mars en soirée, les utilisateurs de Yoplanning ont la possibilité de créer un nouveau compte à partir d'une nouvelle interface. Ils doivent reconfigurer intégralement leur espace : recréer des produits, des descriptifs, des tarifs, des plannings d'activités, des réservations, mais aussi renseigner les équipes de moniteurs, le plan comptable, etc. "Nous leur avons alors indiqué que les données de leurs clients avaient été perdues et qu'ils devaient par conséquent tout ressaisir", précise Dorian Marcotte. La gestion des ventes en ligne redémarre, elle, le dimanche 14 mars.
Vakario ne sait pas encore que ces informations existent toujours. Quelques mois auparavant, la start-up avait décidé de souscrire à un nouveau stockage sur des disques plus rapides (SSD), qui se trouvaient sur SBG3. Un environnement qui devait encore passer en production, et sur lequel la base de données avait été répliquée. La société savoyarde mettra plus de quatre semaines à la récupérer. "Suite aux communications d'OVH, on pensait l'avoir perdue. Ça nous a sauvé. Sans cette sauvegarde qui représentait 85% des data de nos clients nous ne serions probablement plus là aujourd'hui", affirme le CMO.
"C'est impossible pour nous de rester chez OVH. C'est comme une voiture dans laquelle on a failli mourir. On n'a pas envie de la garder"
L'espoir renait le 16 mars. L'état des services cloud est mis à jour sur la console OVH. Des disques de stockage SSD Private Cloud contenant la base tant espérée réapparaissent dans le data center SBG3 qui, lui, est resté intact. Elle est donc probablement récupérable. "Mais nous n'avions alors aucune certitude. Nous n'y avions pas encore accès (OVHCloud évoque des SSD à nettoyer un par un à la main, ndlr)", se rappelle Dorian Marcotte. Ce n'est que le jeudi 8 avril, soit 29 jours plus tard que les disques SSD sont de nouveau disponibles et la procédure de récupération communiquée par OVH.
Migration vers Google Cloud
De nouveaux comptes ayant été créés dans l'intervalle par les usagers avec de nouvelles données, Vakario s'attèle à migrer la base récupérée vers ces derniers. Les nouveaux plannings d'activités sont réalimentés en partant des contenus sauvegardés. "La structuration de la base de données en UUID (pour Universally unique identifier, ndlr) nous a permis de le faire. On se félicite de notre choix technique", lâche Dorian Marcotte. Quelque six mois après, la majorité des informations ont été rapatriées. Sachant que l'opération est toujours en cours pour certains utilisateurs. "Ils ont encore deux comptes : le nouveau qu'ils ont créé juste après l'incendie et leur ancien compte historique. Pour certain, ce n'était pas possible de réaliser la migration car ils avaient des réservations à cheval sur les deux. Ils ont dû opérer un double planning", détaille Dorian Marcotte.
Depuis, Vakario ne veut plus entendre parler d'OVH. Pour l'heure toujours hébergé dans les centres de données du groupe français, Yoplanning est en cours de migration vers la plateforme cloud de Google (Google App Engine). Un projet qui représente, selon Dorian Marcotte, entre huit et douze semaines de travail pour un ingénieur. "Après ce qui s'est passé, c'est impossible pour nous de rester chez OVH. C'est comme une voiture dans laquelle on a failli mourir. On n'a pas envie de la garder", illustre Dorian Marcotte. En parallèle, la société a revu ses procédures de sauvegarde pour bénéficier d'un backup multi-site.