Isabelle Fraine (Google Cloud) "Google Cloud est entré dans l'ère de l'IA générative multimodale"

La directrice générale de Google Cloud France revient sur les dernières tendances du cloud dans l'Hexagone et dessine sa stratégie pour 2025.

JDN. Dans quels sens s'orientent les projets de vos clients en 2025 ?

Isabelle Fraine est directrice générale de Google Cloud France. © Google

Isabelle Fraine. En 2023, nos clients étaient en phase d'expérimentation sur l'IA générative. 2024 a été marquée, elle, par des projets d'implémentation. Désormais, les entreprises sont en attente d'une valorisation des projets de Gen AI. Des investissements ont été réalisés. Les retours sur investissement sont désormais attendus. En parallèle, le cloud public continue de progresser. Nous enregistrons globalement des croissances de plus de 30% en moyenne sur la dernière année écoulée. Sachant que cette tendance est perceptible dans tous les secteurs d'activité.

Nous observons par ailleurs une montée en puissance des besoins en matière de cybersécurité, notamment au niveau de nos clients de niveau CAC 40. Elle touche notamment à la détection et la protection contre les menaces. Le fait d'ajouter une couche d'IA à nos services dans ce domaine va permettre d'aller plus loin dans l'optique de décharger les équipes IT des tâches répétitives. 

Quid des premiers retours d'expérience de vos clients dans l'IA générative ?

Le laboratoire pharmaceutique Servier capitalise par exemple sur les modèles de Gen AI disponibles sur Google Cloud. Alors que la mise au point d'une nouvelle molécule implique historiquement 10 ans de travail, ce type de technologie leur permet de raccourcir le temps de mise sur le marché de nouveaux médicaments, notamment sur la partie R&D. Quant à Bouygues, il est passé d'un simple chatbot de service client à un assistant commercial qui propose des offres complémentaires en fonction de l'historique des demandes et des achats. Ce qui permet d'optimiser les ventes.

Sur le plan de l'IA d'un point de vue plus global, Louis Vuitton adapte désormais sa production en fonction des besoins. Ce qui lui permet de gagner 15 jours dans son process industriel. Autre client, CMA CGM, qui a commencé à utiliser nos technologies d'IA en juillet dernier, parvient d'ores et déjà à optimiser la gestion de ses conteneurs et de ses routes maritimes. Ce qui présente à la fois des impacts sur les coûts mais aussi sur l'environnement.

Qu'en est-il des tendances de l'IA générative d'un point de vue technologique ?

Google est entré dans l'ère de l'IA générative multimodale. Après le texte et les images, la gen AI va de plus en plus intégrer la vidéo. On le voit avec Veo 2 ou Imagen 3. Ces technologies nous placent bien au-dessus de nos compétiteurs. Veo 2, notamment, est de plus en plus utilisé. Et ce, pas seulement dans les fonctions marketing, mais aussi dans des dispositifs de production purement industriels en intégrant par exemple les images des schémas de montage.

Côté Gemini, nous avons souhaité que notre assistant gère les langues en natif. Et c'est le cas du français. Concrètement, il ne passe pas par l'anglais pour répondre aux questions et interagir, mais gère les échanges directement dans le langage d'origine. Ce qui a nécessité beaucoup de temps d'entraînement, mais pour un résultat plus qualitatif. Globalement, notre volonté reste toujours de soulager le salarié sur des tâches répétitives qui lui prennent du temps, pour lui permettre de se concentrer sur des actions à plus forte valeur ajoutée.  

Quels sont les premiers feedbacks de vos clients sur le plan des agents d'IA ?

Nous disposons d'une offre dans ce domaine que nous avons ouverte à un petit nombre de clients. Baptisée Agentspace, elle s'articule autour d'un moteur de recherche universel qui permet de généraliser l'accès aux informations de l'entreprise quel que soient leurs emplacements. Il ne sera plus nécessaire de passer par tel ou tel service pour avoir accès au contenu. Ce qui est particulièrement pertinent dans le cas d'une grande entreprise. En ouvrant un accès direct aux informations, l'objectif est aussi de créer un modèle qui sera de plus en plus vertueux. Un modèle qui sera auto-apprenant et gagnera au fil du temps en pertinence.

"Dans l'agentique, SFR utilise nos offres pour analyser le sentiment des clients"

A partir de là, il est envisageable de créer des agents plus pointus. Par exemple, un agent qui guidera les nouveaux arrivants au sein des processus RH en répondant à leurs questions. Comment poser ses congés ? Quels sont mes droits au regard de la convention collective en vigueur ? Dans l'agentique, SFR utilise déjà nos offres pour analyser le sentiment des clients et ainsi se donner les moyens de personnaliser les réponses à leur apporter. 

Quelle est la contribution de l'IA à la croissance de la région cloud de Google en France ?

Nous ne communiquons pas de chiffre sur le sujet. Mais il est évident que l'IA tire la croissance, y compris en France. Parmi nos services à plus forte croissance en France figurent évidemment Vertex qui compte plus de 200 modèles du marché aux côtés de ceux de Google. Au global, nous avons enregistré sur un an cinq fois plus de clients utilisant Vertex. Mais nous avons beaucoup d'autres services à forte croissance. C'est évidemment le cas de Bigquery sur le plan de la gestion de la data ou encore de Gemini Code Assist pour la génération de code. Un service qui est notamment utilisé en France par Valeo. Idem pour nos services d'infrastructure et de stockage.

Nous observons en outre une forte appétence pour notre assistant Gemini depuis qu'il est disponible au sein de Workspace. Plus récemment, nous avons aussi intégré NotebookLM à notre suite de productivité. Cette solution permet d'intégrer un RAG pour enrichir différents types de contenu multimodaux, des podcasts aux présentations. Au total, l'IA est l'un des principaux moteurs de la croissance de Google Cloud en France.

Pour répondre à cette demande dans l'IA, prévoyez-vous d'accroitre vos effectifs en France ?

La demande se concentre avant tout sur nos services cloud. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous tirons de nouveaux câbles sous-marins pour optimiser nos liens avec les autres continents. Nous ne prévoyons pas d'augmenter massivement les effectifs de l'équipe française de Google Cloud cette année. La dynamique est bonne et nous sommes pour le moment correctement dimensionnés. Si le marché poursuit sa croissance, nous pourrions évidemment prévoir de nouveaux recrutements. C'est une option que nous excluons pas. Nous continuons de recruter néanmoins au cas par cas, en fonction des opportunités. C'est le cas sur le plan de l'IA, à la fois sur la partie commerciale et technique.

Isabelle Fraine a été nommée directrice générale de Google Cloud France le 4 septembre 2023. Elle prend la place d'Anthony Cirot qui a été nommé vice-président de la zone EMEA Sud de l'entité. Précédemment, Isabelle Fraine était responsable de l'activité ISG (pour infrastructure solution group) au sein de Dell Technologies. Auparavant, elle a fait sa carrière chez IBM en travaillant sur différentes activités : retail, luxe, serveurs, analytiques, relations avec les intégrateurs...