20 terrains de football : les coulisses du data center géant de NTT dans l'Essonne

20 terrains de football : les coulisses du data center géant de NTT dans l'Essonne Le centre de données devrait sortir de terre d'ici 2030. Il s'étendra sur une surface de 14,6 hectares.

Lancé par le géant japonais des télécoms NTT, le projet est à cheval sur les communes du Coudray-Montceaux et de Corbeil-Essonnes dans le département de l’Essonne, à environ 40 kilomètres de Paris. Il s’agit d’un centre de données qui s’étendra sur une surface de 146 000 mètres carrés, soit l’équivalent de 20 terrains de football. Le JDN a pu se procurer l’avis de la Mission régionale d’autorité environnementale (MRAe) d’Île-de-France sur la deuxième phase de construction de ce gigantesque campus informatique. Elle porte sur l’adjonction à un bâtiment déjà existant de deux nouveaux bâtiments de tailles équivalentes.

Le projet est pharaonique. Baptisée Data Village Paris-Essonne, l’infrastructure de NTT dont la mise en production complète est prévue pour 2030 représentera une puissance totale de 125 mégawatts (MW). Ce qui correspond à la capacité maximale que le site pourra mobiliser pour faire fonctionner ses équipements informatiques, systèmes de refroidissement, infrastructures techniques et bureaux. La consommation électrique annuelle à pleine charge est estimée à 996 gigawatt (GW) / heure par an, soit une moyenne de 113 MW en continu. A titre de comparaison, cette consommation dépasse celle de l’ensemble du secteur tertiaire de la communauté d’agglomération du Grand Paris Sud, qui s’élève à 914 GW / heure par an. Ce qui équivaut par ailleurs à la consommation électrique de villes comme Reims ou Rennes. Egalement basé dans l’Essonne, le data center de CloudHQ dont le JDN avait révélé l’existence en 2021, affiche quant à lui une puissance 148,8 MW.

62 groupes électrogènes de secours

Le site sera équipé de 62 groupes électrogènes de secours alimentés par du biocarburant (HVO) ou du fioul en cas de pénurie d’électricité. Du fioul qui sera stocké dans des cuves enterrées. Ces groupes afficheront 56 heures d’autonomie. Ils seront capables de fournir jusqu’à 198,4 MW d’électricité en cas de coupure, avec une puissance thermique totale de 527 MW. Couvrant une surface cumulée d’environ 4 300 mètres carrés sur le toit des bâtiments, une ferme de panneaux photovoltaïque est prévue. Mais sa production restera marginale : environ 0,9 GWh/an, soit moins de 0,1 % de la consommation totale du complexe.

Quant au PUE (pour power usage effectiveness), il est inférieur à 1,4. Ce qui est relativement performant pour un centre de données de cette envergure, la moyenne mondiale tournant autour de 1,6 à 1,8 selon les technologies et le climat. Le PUE représente l’indicateur d’efficacité énergétique d’un data center. Il mesure le ratio entre la consommation totale d’énergie du site (refroidissement, alimentation, éclairage, etc.) et celle utilisée uniquement par les équipements informatiques. Un PUE de 1,4 signifie que pour chaque kWh consommé par les serveurs, 0,4 kWh est utilisé pour les autres fonctions (refroidissement, alimentation tierces, etc.). Plus le PUE est proche de 1, plus le centre de données est performant énergétiquement.

Comprenant notamment un transformateur 225 kV / 24 kV, une sous-station électrique permettra la liaison électrique au poste source RTE du Chenet situé à proximité. Le raccordement au réseau électrique passera par la création d’une double liaison souterraine de 225 000 Volts, d’environ 2,4 kilomètres chacune.

Le refroidissement des serveurs sera réalisé par le biais de tours aéroréfrigérantes alimentées par l’eau de la Seine via des stations de pompage, ainsi que par des groupes froids localisés en toiture. Ils produiront des fluides frigorigènes à très bas pouvoir de réchauffement global.

Au total, l’étude d’impact estime à près de 60 000 le nombre de tonnes de CO2 émis par an. Ce qui équivaut à l’émission de CO2 de 30 000 voitures à essence (en partant sur une moyenne de 2 tonnes de CO2 par an et par véhicule).

En aval, il est prévu de valoriser la chaleur fatale produite par les serveurs. Le maître d’ouvrage s’est engagé à mettre à disposition la chaleur fatale aux collectivités locales et gestionnaires de réseaux intéressés. Cette chaleur est estimée à 327 GWh/an à l’horizon 2030, ce qui représente un potentiel suffisant pour chauffer plus de 32 000 logements. Un accord a été signé avec la Communauté d’agglomération Grand Paris Sud en ce sens. Il prévoit la mise à disposition gratuite de la chaleur, ainsi qu’une contribution financière d’un million d’euros pour le développement de deux réseaux de chaleur, notamment vers Coudray-Montceaux, Mennecy et Ormoy. Parmi les principaux enjeux : construire des canalisations isolées sur plusieurs kilomètres ainsi que l’engagement des communes concernées dans des schémas directeurs énergétiques. L’étude indique que la chaleur fatale disponible après un an de fonctionnement du data center sera au minimum de 10 MW.

"Le développement d’un réseau sur Coudray-Monceaux, Ormoy ou Mennecy est à étudier mais les distances, le faible nombre de bâtiments de logements collectifs dans ces communes et de logements potentiellement concernés ne permettent pas raisonnablement de voir dans ces propositions une solution sérieuse pour évacuer utilement la quantité gigantesque de chaleur produite", indique l’étude.

L’Autorité environnementale souligne que les collectivités n’ont pas encore défini de plan concret pour exploiter cette chaleur, "ce qui risque de la rendre inutilisée, notamment pour le bâtiment A déjà en fonctionnement". Le potentiel de récupération immédiate est estimé à 31 MW/h.

50 000 mètres carrés de salles informatiques

Le futur campus sera installé sur une friche industrielle (ex-site Altis Semiconductor). Au total, les salles informatiques et locaux techniques s’étendront sur environ 50 000 mètres carrés de surface bâtie. Ce qui représente plus d’un tiers de la surface globale du site. Les deux futurs bâtiments (sur le modèle de celui déjà existant) s’étendront chacun sur trois niveaux. Ces espaces seront dédiés à l’hébergement des serveurs, au stockage des données, et aux infrastructures techniques nécessaires à leur fonctionnement (refroidissement, alimentation électrique, sécurité). A cela s’ajouteront des zones annexes (bureaux, salles de réunion, poste de sécurité). Au final, la majorité de la surface bâtie sera donc consacrée aux salles informatiques. Le site comptera par ailleurs 300 emplois en pleine charge.

Le premier des trois sous-data centers du site (qui est déjà en production) a été autorisé par le préfet de l’Essonne le 28 octobre 2022. L’avis divulgué par le JDN vise à permettre la construction des deux autres prévus dans la demande initiale. "Le développement de data centers dans ce secteur géographique est notamment justifié dans le dossier par la volonté de compléter le maillage formé par ce type d’activités dans le sud de l’agglomération parisienne", indique l’avis. "Mais compte tenu du nombre très élevé de projets de data centers en Ile-de-France, l’Autorité environnementale estime nécessaire d’exposer les perspectives du secteur et les besoins pour justifier de cette nouvelle implantation, qui aura une incidence sur la disponibilité de certaines ressources (énergétiques notamment)."

Dans la foulée de l’avis de la Mission régionale d’autorité environnementale (MRAe) d’Ile-de-France sur cette deuxième phase du projet, une consultation publique a été lancée. Elle s’est tenue entre le 23 juin et le 23 juillet 2025. Dans la foulée, l’avis de cette participation publique a été publié sur le site de la préfecture de l’Essonne. Depuis, le permis de construire a été accordé par les deux communes concernées. Quant au préfet, il a donné son accord sur la mise en production de la nouvelle infrastructure après avoir étudié l’alignement du projet sur les critères environnementaux fixés par l’Etat français.