Sébastien Ricard (LumApps) "LumApps compte devenir une licorne dès 2025"

Le CEO et fondateur de la digital workplace française revient sur sa stratégie et sa feuille de route en matière de recherche et développement pour les mois à venir.

JDN. Quelle est la stratégie de LumApps ?

Sébastien Ricard est CEO et cofondateur de LumApps. © LumApps

Sébastien Ricard. LumApps a été fondé (en 2012, ndlr) sur le principe qu'il manquait un portail social et corporate dans les galaxies Google Workspace et Microsoft 365. Et ce en ayant notamment en tête que le portail Microsoft Sharepoint est une brique d'Office très compliquée, qui implique beaucoup de développement spécifique. Parallèlement, nous avions un rêve dès le départ : créer, depuis la France, une société avec une stature internationale. Nous nous sommes très rapidement positionné aux Etats-Unis où nous réalisons désormais 45% de notre chiffre d'affaires. Nous sommes au même niveau en Europe. Le reste est issu d'Asie.

Quels sont vos objectifs financiers ?

Globalement, nous visons en fin d'année les 80 millions de dollars de chiffres d'affaires annuel récurrent (souscription sous forme d'abonnement SaaS, ndlr). Nous sommes rentables depuis trois trimestres. Avec une croissance qui s'élève à 25%, notre bénéfice avant intérêts et impôts représente 15% de nos revenus. Ce qui nous permet d'être aligné sur la règle des 40. Et sachant que nous avions levé 100 millions en décembre 2019, il nous reste beaucoup de trésorerie. Nous n'avons par conséquent pas besoin de relever des fonds.

Au premier trimestre 2025, nous avons pour objectif de passer la barre des 100 millions de dollars de chiffre d'affaires annuel récurrent. LumApps compte ainsi devenir une licorne dès 2025. Au-delà de ce défi, notre ambition est de faire rayonner la tech française à l'international. Notre croissance est équivalente quelle que soit la plaque géographique. On est en train de se renforcer en Angleterre et en Allemagne, aux US, en Asie.

Où est basé votre centre de R&D ?

Notre centre de R&D qui compte 200 ingénieurs (sur un effectif de 350 personnes au total, ndlr) est basé à notre siège de Tassin la Demi Lune, dans l'agglomération de Lyon, ainsi qu'à Sophia-Antipolis. Notez que nous avons un second siège basé à Austin au Texas.

Quels sont les besoins qu'expriment vos clients en matière de digital workplace en 2024 ?

Aujourd'hui, les besoins sont évidemment très axés sur l'IA. Ils s'expriment par exemple chez des clients comme RAPT, FM Logistic, Proximus ou encore Just Eat. Dans cette optique, nous avons beaucoup investi dans l'IA générative, que ce soit pour faciliter la création ou la gestion de contenu. Nous exploitons les LLM du marché comme ceux développés par les clients si besoin.

Techniquement, nous réalisons de la recommandation de contenu en nous basant sur des algorithmes de machine learning. Nous gérons en parallèle du deep learning pour booster les contenus, tout comme du natural language processing et de l'IA générative pour gérer les conversations au travers des digital assistants que nous proposons. Nous insistons beaucoup sur la sécurité. Les informations partagées dans les prompts resteront la propriété du client et ne vont pas servir à entrainer les LLM publics. Les données demeurent chez le client sur des environnements Microsoft 365 ou Google Workplace sécurisés.

LumApps est une plateforme française souveraine. Est-ce que cet aspect est un argument de vente ?

Je crois beaucoup à la tech française dans un environnement international. Mais notre caractère souverain nous a permis, il est vrai, de séduire un certain nombre de clients hexagonaux (que ce soit dans le secteur public ou dans celui des organisations d'importance vitale, ndlr). Nous comptons par exemple France Travail (ex-Pôle Emploi, ndlr) parmi nos clients. Deuxième exemple, nous avons signé le mois dernier avec la région Rhône-Alpes. En parallèle, notre offre est aussi utilisée par la branche nucléaire d'EDF.

Quel est le profil de vos clients ?

Il s'agit avant tout de grands comptes avec en large majorité plus de 5 000 salariés. Mais nous sommes capables de cibler des clients dépassant les 50 000 utilisateurs. C'est l'une de nos principales spécificités. On opère par exemple l'ensemble du groupe LVMH, qui représente 220 000 employés.

Autre exemple : Leclerc. C'est un client chez lequel nous adressons 120 000 collaborateurs. Chez eux, LumApps s'est substitué aux catalogues papier qui étaient utilisés pour agencer les produits. Dès lors, LumApps est exploité en interne pour mettre en place et suivre l'ensemble des gammes de produits par filières : boulangerie, boucherie... Notre plateforme permet d'annoncer les lancements de produits, les promotions, d'accéder en temps réel au revenu sur les opérations en cours, mais aussi d'être informé sur les produits à rappeler ou à retirer. Ce n'est pas un exemple isolé. LumApps est très utilisé dans le retail. C'est le cas au sein de la chaîne de magasins de sport Finish Line aux Etats-Unis, de Decathlon en Espagne ou encore de Deliveroo.

Quels sont les principaux cas d'usage ?

Le premier cas d'usage de LumApps consiste à connecter tous les collaborateurs pour fournir des informations sur la stratégie de l'organisation, créer des communauté d'expertises métier, mais également fournir des données centrées sur l'employé telles que les congés, le rechargement de la carte de cantine ou le suivi des échanges pour l'organisation de process en trois-huit. A la RAPT, LumApps permet par exemple d'échanger ses huit heures avec un autre collaborateur. Pour gérer les Jeux Olympiques, nous travaillons par ailleurs main dans la main avec eux pour leur permettre d'encaisser la surtension à laquelle ils vont devoir faire face.

Quelle est la fonctionnalité de LumApps la plus plébiscitée ?

Il s'agit de notre environnement de développement de micro-apps, qui permet d'intégrer des applications métier au sein d'app mobiles. Il peut s'agir aussi bien de logiciels financiers ou de gestion des congés que de services météo. Notre philosophie est de proposer une couche taillée pour accéder à l'expertise simplement. Partant de là, LumApps se définit comme une digital front door, c'est-à-dire une porte d'entrée unique pour accéder à l'univers digital de l'entreprise.

Par le biais de ces applications mobiles, vous ciblez les collaborateurs de terrain. Quelle est la part des front line workers parmi vos utilisateurs ?

Elle s'élève à 25%. Decathlon Espagne par exemple s'adosse à notre offre pour former ses vendeurs en magasins sur l'utilisation des produits. Ce qui passe par notre plateforme de micro-learning et de micro-coaching. C'est l'une des fonctionnalités les plus plébiscitées chez les front line workers avec l'accès à des communautés métier d'expertises.

Quels sont les principaux cas d'usage de votre assistant intelligent Companion ?

Via Companion, il s'agit pour le collaborateur de bénéficier du contenu et de l'expertise dont il a besoin de manière personnalisée. Et ce, en s'appuyant sur trois piliers : la collaboration-communication, les informations métier par le biais des micro-Apps, et enfin le micro-learning. Companion se présente sous la forme d'un assistant accessible en langage naturel permettant d'accéder à ses contenus, ses applications et ses communautés d'expert. Notre objectif est ainsi, encore et toujours, de simplifier l'accès à l'hypercomplexité du système d'information d'une grande entreprise.

L'un des points clés de Companion réside dans sa capacité à pousser de l'information quel que soit le canal, que vous soyez dans Teams, dans Google Workspace, dans Slack, etc. Ici, le défi est d'aller chercher l'utilisateur là où il se trouve.

Vous développez aussi le concept de Journey...

Il s'agit de simplifier le dispositif de recrutement. Si je prends l'exemple d'Airbus, ce groupe embauchait 12 000 personnes par an et il en perdait dans le même temps entre 10% et 15%. Pourquoi ? Parce que l'accueil des collaborateurs était mal conçu. D'où le déploiement de LumApps. Résultat : le processus est fluidifié. En amont, le futur salarié reçoit des informations sur l'entreprise puis des conseils sur les RH. Dès son entrée dans l'entreprise, on lui transmet des recommandations sur son matériel, etc. Il s'agit ainsi de dessiner un chemin digital pour onboarder les salariés. C'est une autre brique de Companion dans la mesure où elle pousse ou recueille de l'information en se basant sur des règles de timing ou des évènements métier.

Quelle est votre feuille de route en matière de R&D ?

Notre objectif est d'aboutir d'ici la fin de l'année à une super app. C'est-à-dire proposer une plateforme, avec nos piliers communication, Companion et learning, sur une seule et même application. Et pour 2025, la finalité sera de renforcer les fonctionnalités d'IA générative et de proposer à travers cette brique une porte d'entrée simple à tout le système d'information. Ce qui est très complexe à réaliser en termes de marketplace. Le défi est d'atteindre entre 300 et 1 000 connecteurs dans la plateforme Companion, par exemple pour ADP, SAP, SuccessFactors, Workday, Cegid, etc.

Diplômé de l'Epita, Sébastien Ricard est un serial entrepreneur. Avant de créer LumApps en 2012, il a fondé en 2009 gPartner, un expert des solutions Google.