Philippe Pinault (TalkSpirit) "Talkspirit mène plusieurs projets pilotes basés sur OpenAI"

Le CEO de la digital workplace française revient sur sa stratégie et sa feuille de route pour les mois et années à venir.

JDN. Où en est Talkspirit dans sa stratégie de développement ?

Philippe Pinault est CEO et co-fondateur de Talkspirit. © Talkspirit

Philippe Pinault. Talkspirit est né il y a plus de dix ans sous la forme d'un réseau social d'entreprise. Nous avons ensuite évolué plus largement vers une digital workplace ou plateforme de travail collaborative. En 2023, nous avons fusionné juridiquement nos deux principales plateformes : Talkspirit et Holaspirit. La première est notre offre phare centrée sur le collaboratif et la communication. La seconde est orientée vers la gestion des organisations, avec comme objectif de rendre les équipes autonomes autour de leurs différentes missions.

Sur 2024, nous sommes en train de faire converger les deux plateformes en une seule dans l'optique de développer une suite globale de communication et de collaboration, avec en support le nouveau mode de gouvernance d'organisation incarné par Holaspirit. L'objectif étant d'amener les organisations vers des modes de travail plus simples et plus efficients.

Quelle est votre feuille de route en matière de R&D ?

Au-delà de la fusion de Talkspirit avec Holaspirit, elle est centrée sur la montée en puissance de nos différentes briques et l'optimisation de leur ergonomie. Nous comptons une quinzaine d'applications, depuis le réseau social d'entreprise jusqu'à la communication, avec une emphase sur le chat, en passant par le drive, la gestion de projet, la gestion des objectifs et des indicateurs clés de résultat, etc. L'objectif est de regrouper à terme au sein d'un environnement unique 30% des fonctionnalités collaboratives utilisé dans 90% des cas. A cela s'ajoutera l'élargissement de notre offre en tenant compte des nouvelles opportunités au premier rang desquelles l'IA.

Intégrez-vous déjà des fonctions d'IA générative ?

Talkspirit mène plusieurs projets pilotes basés sur OpenAI auprès de certains clients. Nos annonces sur le sujet interviendront un peu plus tard dans l'année. Sur ce terrain, nous avons pour ambition de couvrir l'assistance à la génération de contenu, un accès facilité à l'ensemble des ressources hébergées par nos clients, et enfin l'assistance aux utilisateurs pour les aider à gagner en productivité via un bot.

La difficulté que nous avons en France et en Europe est de développer ces projets dans une logique de souveraineté. Nous souhaitons les mettre en conformité avec la qualification SecNumCloud (de l'ANSSI, ndlr) ou avec son équivalent européen EUCS. C'est d'ailleurs un chantier qui est mené sur l'intégralité de notre plateforme. Nous souhaitons garantir à nos clients la non-extraterritorialité des données qu'ils nous confient. Pour ce faire, nous avons d'ores et déjà dupliqué nos projets pilote en GenAI sur les LLM du français Mistral. Ce vaste chantier constituera un facteur clé de différentiation.

Quid de vos résultats financiers ?

Nos deux offres représentent au total 900 clients et 5 millions d'euros en vente de licences, dont 2 millions pour Holaspirit. Et ce, sachant que nous réalisons une croissance de 25% par an. Nous visons un taux un peu plus élevé pour les prochaines années, à savoir 40% de croissance. Ce qui nous amènerait à doubler de taille tous les deux ans. Nous considérons que l'atteinte des 15 millions d'euros de chiffre d'affaires représente une taille critique au-delà de laquelle la croissance s'accélère du fait de la confiance accordée par le marché et la visibilité acquise en termes marketing. C'est un objectif à court terme pour nous.

"Une levée de fonds pourrait nous permettre d'enclencher une logique de consolidation"

Nous ciblons prioritairement un marché de PME, c'est-à-dire des organisations qui vont de 300 à 3 000 collaborateurs. 40% de notre chiffre d'affaires est réalisé en Europe (hors de France, ndlr), notamment en Europe de l'Ouest sur les Pays-Bas, la Suisse et l'Allemagne. Holaspirit est déjà bien connu sur ces géographies, et la fusion avec Talkspirit amènera à améliorer le taux de pénétration de ce dernier au sein de ces marchés. Nous comptons une quarantaine de collaborateurs aujourd'hui.

Quel est le profil de vos clients ?

Nous avons une présence assez forte dans le secteur public via l'accompagnement de différents ministères, collectivités territoriales, et autres organisations publiques. Notre plus gros client est le CEA. Ils ont notamment eu recours à notre messagerie instantanée pour assurer la continuité des opérations pendant la phase de Covid. Nous travaillons aussi pour les ministères de la Transition écologique et de l'Intérieur. Mais nous souhaitons que la commande publique s'intensifie. Nous avons été surpris récemment de constater que la direction interministérielle du numérique développait sa propre suite numérique pour équiper les différents ministères et collectivités alors même que l'Etat nous pousse à développer nos offres.

Nous avons également une forte empreinte dans le secteur privé. Nous sommes présents notamment chez Decathlon, mais également au sein du groupe notarial Monassier ou encore chez Luminess, anciennement Jouve. En Europe, nous comptons également des marques comme Gucci ou Porsche parmi nos clients.

Pourriez-vous envisager de lever des fonds ?

Pas à court terme. Mais cette piste pourrait tout à fait être envisagée à moyen ou long terme. Le marché de la digital workplace est encore très morcelé. Une levée de fonds pourrait nous permettre d'enclencher une logique de consolidation. Notre ambition de compter parmi les acteurs européens du marché nous amènera assez logiquement à développer une réflexion en ce sens.

Proposez-vous des intégrations avec des applications tierces ?

Nous nous intégrons avec les Teams, les Slack, les Asana et autres applications, notamment par le biais d'Holaspirit. C'est un peu moins vrai du côté de Talkspirit puisque cette offre a pour but de proposer des alternatives à ces applications. Dans cette optique, l'intégration avec des briques open source est également centrale pour nous. C'est le cas par exemple dans la visioconférence, la bureautique, ou encore l'e-mail dont nous préparons l'intégration en lien avec un éditeur français. La finalité étant de permettre à nos clients de pouvoir, à terme, s'affranchir entièrement de la suite Microsoft 365.

Nous planchons en parallèle sur une brique d'annuaire d'entreprise. C'est-à-dire une alternative à Active Directory qui demeure un point d'encrage important des organisations dans l'écosystème Microsoft.

Entrepreneur français, Philippe Pinault est co-fondateur de Mandarina avec Olivier Ricard en 2004. Au sein du groupe Mandarina, il crée successivement BlogSpirit (plateforme de blogging) en 2004, puis Talkspirit (réseau social d'entreprise) en 2010 et Holaspirit (plateforme pour les organisations autogérées) en 2015. Philippe Pinault est diplômé de HEC et de l'IMT Mines d'Alès.