Michel Van Den Berghe (Campus Cyber) "Le Campus Cyber créera de nouveaux cursus en cybersécurité"
Inauguré en février, le Campus Cyber réunit l'intégralité des acteurs de la cybersécurité sur un seul site. Un de ses objectifs : pallier le manque de ressources humaines via des formations labellisées.
JDN. Quels sont les objectifs du Campus Cyber ?
Michel Van Den Berghe. J'ai été mandaté en juillet 2019 par le premier ministre Edouard Philippe à la demande du Président Macron pour développer un campus cyber qui aurait plusieurs objectifs : tout d'abord faire rayonner l'écosystème de la cybersécurité français et promouvoir l'expertise nationale en termes de cybersécurité. Cela à l'image de ce qui se fait dans certains campus à Beer-Sheva en Israël, à Skolkovo en Russie ou encore à New York avec le Global Cyber Center. Deuxième objectif, rapprocher la recherche, l'innovation et les industriels pour faire émerger les licornes en cybersécurité. Le numérique hexagonal a vu éclore à peine 25 licornes et aucune dans le domaine de la cybersécurité. Alors que c'est un marché avec des taux de croissance autour de 20-25%. Et, quand on voit les investissements qui sont faits par Israël ou les Etats-Unis, on se dit qu'on a vraiment à travailler sur le sujet. D'autant que nous sommes un pays d'ingénieurs et avec beaucoup d'expertise en cybersécurité ! Enfin, dernier objectif, pallier le manque de ressources en travaillant sur deux sujets : le premier, créer de nouveaux cursus en cybersécurité et peut-être descendre d'un niveau car on a besoin de techniciens et techniciens supérieurs pour maintenir les solutions périmétriques en place, les Operation Center, etc. Le deuxième, travailler sur l'attractivité : l'image cyber est encore trop technique, avec quasi celle de cyber espion. On doit montrer que dans la cybersécurité, on a besoin de talents autour de la communication, du marketing produit, de la géopolitique, etc.
Comment la construction du Campus Cyber a-t-elle été financée ?
L'Etat supporte le projet avec une entrée au capital dans notre SAS à hauteur de 3,5 millions d'euros via l'Agence de Participation de l'Etat (APE). Ce qui représente 44% des 8 millions de capital. Le reste est détenu par nos actionnaires comme BNP Paribas, Bouygues, Alstom, etc. Nous avons également obtenu un financement de la BPI de 4,5 millions d'euros et, enfin, la région Ile-de-France qui a octroyé une subvention de 2 millions d'euros. Aujourd'hui nous avons nos 1 800 postes loués et 100 entreprises qui sont installés.
Y avait-il des contraintes fixées ?
Oui, dans le cahier des charges, il y avait deux pré requis, l'un fixé par l'Etat , l'autre par nos futurs résidents : Le premier était de faire un projet porté par des acteurs privés mais soutenus par l'Etat. Le second était relatif à la question immobilière, c'est-à-dire que l'emplacement soit "au top" dixit les dirigeants que nous avions interrogés, et que leurs ressources ne soient pas délocalisées. Donc éviter d'en faire un projet d'aménagement du territoire et faire quelque chose de facile d'accès. D'où le choix de La Défense au pied du métro. C'est un projet enthousiasmant qui a reçu un vrai et fort soutien du ministre du Numérique Cédric O et de Guillaume Poupard, directeur de l'Anssi. Tout le monde s'est complètement investi.
"On doit montrer que dans la cybersécurité, on a besoin de talents autour de la communication, du marketing produit, de la géopolitique, etc."
Quel est le modèle économique du Campus Cyber ?
Le business plan est construit autour de deux grands axes. Le premier concerne la partie immobilière qui consiste à louer les 26 000 m2 de l'immeuble, ce qui correspond à peu près à 1 800 postes de travail On a demandé aux gros de payer un peu pour les petits, à savoir payer un peu plus pour financer les espaces collaboratifs, un peu comme des parties communes. On est à l'équilibre dès qu'on est plus ou moins plein. 30% de locaux privatifs occupés par les grands industriels comme Thales, Capgemini, Atos ,Safran, etc., 25% pour l'Etat avec le ministère de l'Intérieur, l'Anssi, l'Inria, etc. 5% pour tout ce qui concerne les écoles et le reste pour les espaces collaboratifs et, enfin, 10% d'espaces événementiels. L'ADN du projet est de faire travailler ensemble, privé, public, écoles, industriels, startups pour sortir de ce qu'on appelle "les communs de la cyber". On a, par exemple, créé des groupes de travail autour de la formation pour savoir comment on peut créer une sorte de labellisation de formation Campus Cyber et comment attirer les jeunes vers des formations sur la cyberscurité. Le deuxième pan du modèle est la réalisation de livrables. Le 24 mars, nous en avons sorti un premier destiné à anticiper ce que pourra être l'Internet d'ici 4 ou 5 ans et savoir quels seraient les scénarios et les solutions de cybersécurité qu'on pourrait mettre en œuvre. Aujourd'hui on voit bien que chacun vient et se défend comme il peut. Mais il pourrait s'agir d'un Internet régulé par les Etats. Il faut donc savoir comment réagir en fonction de ça.
Quelle particularité vous distingue des autres campus ?
Nous aurons également la première plateforme d'intelligence artificielle dédiée à la cyber sécurité Elle sera hébergée sur le campus. Ce projet s'inscrit comme l'une des briques incontournables de développement de compétences et de technologies. Il s'agit d'une infrastructure d'IA mutualisée, gérée par le studio des communs de la cyber et qui sera un accélérateur pour les projets de recherche et développement, le développement industriel de solutions innovantes et la montée en compétence de l'écosystème cyber sur l'usage de l'IA à destination de la cybersécurité.
Quelles sont les prochaines étapes ?
On a réussi le projet de lancement de ce qui est vraiment une première mondiale de réunir tout ce monde. Nous avons une quarantaine de clients finaux qui ont mis des équipes au sein du campus pour participer. Maintenant, il nous faut créer et établir la marque Campus Cyber par les livrables, par les promotions, mais aussi par le développement sur les territoires avec un réseau pour créer un maillage de campus dans toutes les régions. L'idée est de ne pas faire un projet jacobin. Aujourd'hui, nous avons 20 salariés pour animer l'écosystème national et pourquoi pas, demain, à l'international.