Développeurs freelance, comment fixer vos tarifs

Développeurs freelance, comment fixer vos tarifs Expertise, expérience, localisation, durée de la mission… Un grand nombre de paramètres intervient pour déterminer le taux journalier moyen. Voici quelques conseils d'experts pour calculer au mieux ce fameux TJM.

Le désir d'indépendance a encore augmenté avec la crise sanitaire. Volonté d'être plus autonome, d'atteindre un meilleur équilibre vie personnelle-vie professionnelle ou tout simplement de gagner plus, les raisons qui poussent les développeurs à sauter le pas de l'indépendance sont nombreuses et variées. On compte environ un million de freelances dans les métiers du numérique selon une étude de la plateforme d'intermédiation Comet.

Un des premiers défis qui se pose au nouveau freelance est de parvenir à fixer sa grille tarifaire, pour qu'elle soit suffisamment attractive sans pour autant dévaluer son expertise. Avec le risque de verser dans l'excès inverse. "Beaucoup de jeunes développeurs pensent qu'ils ont des compétences pénuriques et demandent des tarifs exorbitants", déplore Eric Didier, CEO de Comet. "Un jeune qui s'est formé pendant quelques mois dans une école de code ne peut décemment pas exiger 600 euros par jour."

Si le tarif à l'heure est généralement pratiqué dans les pays anglo-saxons, le TJM (pour taux journalier moyen) est l'unité de valeur retenue en Europe. Certaines prestations sont proposées au forfait, comme la refonte d'un site, mais c'est bien le TJM qui fait loi. Avant de le fixer, il est grandement conseillé d'évaluer l'état de la concurrence en allant consulter les profils de freelances hébergés sur les plateformes d'intermédiation comme Comet, Mindquest, LeHibou, Free-Work ou Malt. Malt propose également un baromètre et un outil de simulation.

Expérience et expertise, les critères clés

La définition du TJM dépend d'un grand nombre de paramètres. Pour Eric Didier, le nombre d'années d'expérience reste le critère le plus impactant. "Si je dois me faire opérer, je vais demander à un chirurgien plutôt qu'à mon médecin de famille. Quand on sort de l'école, on ne connaît pas tout. Pour être freelance, il faut avoir un peu de bouteille et une connaissance du monde l'entreprise. Entre Kanban ou Scrum, les pratiques agiles diffèrent d'une organisation à l'autre", indique l'intéressé.

Le TJM reflétant cette expérience, un débutant démarrera logiquement en bas de la grille. Dans son business plan, le développeur doit tenir compte des frais fixes (loyer, internet, assurance RC pro…) et des frais variables (mobilier, matériel, logiciels, déplacements…) qui seront mécaniquement plus importants la première année.

D'autres facteurs vont modérer à la hausse ou à la baisse ce TJM. Le type de prestation pèse, bien sûr, lourd dans la balance. Le développement d'un site WordPress ou d'un site sur mesure, d'une application mobile ou d'une application métier ne nécessitent pas le même niveau d'engagement de la part du freelance. Cela se traduit dans les tarifs pratiqués sur le marché (voir tableaux cidessous).

TJM d'un développeur Back/Front end
Années d'expérience Paris Région
Junior (0-4) 500 480
Confirmé (4-7) 580 520
Expert (7+) 650 550+
TJM d'un développeur mobile iOS/Android
Années d'expérience Paris Région
Junior (0-4) 530 500
Confirmé (4-7) 600 550
Expert (7+) 650 600+
Les TJM moyens des développeurs chez Malt par spécialité
Back- end Front-End Mobile WordPress
556 euros 528 euros 540 euros   Entre 340 et 539 

La rareté de l'expertise technologique est un autre paramètre clé. Si les développeurs PHP sont pléthore sur le marché, la maîtrise d'un langage plus exotique comme Go crée une réelle différence. La connaissance sectorielle se monnaie également. "L'expertise dans l'automobile embarquée est très différente de celle attendue dans une banque", rappelle Eric Didier. Les certifications éditeurs jouent également. Accrocher une certification AWS, Microsoft Azure ou Google Cloud crédibilise le profil d'un développeur cloud.

L'intérêt même de la mission

Autre critère : la durée des missions et leur fréquence. Un freelance sera plus enclin à faire un effort si une entreprise s'engage sur le long terme. "Certaines entreprises proposent systématiquement des missions de trois mois renouvelables, d'autres d'un an d'office", note Camille Maillard, directrice community France de Malt. La modulation tarifaire peut aussi tenir compte de la taille du client, une PME n'ayant, a priori, pas le même budget qu'un grand compte.

La nature même de la mission peut changer la donne. Maintenir une application métier obsolète ou développer une application mobile de dernière génération ne présente pas le même attrait pour un indépendant. "Des freelances nous disent qu'ils ne travailleront pas, par convictions personnelles, pour une entreprise pétrolière ou une banque", observe Eric Didier. A l'inverse, certains baisseront leur TJM s'il s'agit d'une mission à impact sur le plan sociétal ou environnemental.

De l'importance du nombre de jours télétravaillés

La localisation est un autre élément à prendre en compte. Chez Malt, qui compte 450 000 freelances en France, l'écart tarifaire entre Paris et les régions est en moyenne de 20% environ mais peut varier significativement en fonction de l'attrait ou non de certaines métropoles régionales. Toutes ne sont pas aussi dynamiques et séduisantes que Lille, Lyon, Toulouse ou Bordeaux.

Ce qui pose la question du télétravail. 41% des demandes sur Malt proposent ainsi du "remote". Si les entreprises sont plus enclines au format hybride, "un freelance peut, en fonction du caractère pénurique de son expertise, négocier du full remote", juge Camille Maillard.

"Les grands groupes demandent au moins un ou deux jours sur site pour sociabiliser avec les équipes", note, de son côté, Eric Didier. "Les rituels agiles exigent du présentiel, le langage du corps est important." Le freelance peut négocier la prise en charge des billets de TGV et des frais d'hôtel. En revanche, une entreprise basée à Lille acceptera difficilement des tarifs indexés sur ceux de Paris.

Réactualiser régulièrement ses tarifs

A la question de savoir s'il faut proposer deux ou trois devis différents avec des niveaux de services plus ou moins élevés, nos deux experts le déconseillent. "Il ne faut pas transiger avec son TJM", tranche Eric Didier. Filant la métaphore, il avance qu'un chirurgien ne va pas proposer trois tarifs différents à son patient. "Si un prospect trouve son TJM trop élevé, le freelance peut, par exemple, proposer de travailler quatre jours et demi", ajoute Eric Didier.

Il convient, par ailleurs, d'être toujours à l'écoute du marché et de réactualiser régulièrement ses tarifs à l'occasion d'une nouvelle mission ou d'un renouvellement de contrat. "Le TJM augmente de 3 à 4% par an, sans compter le saut de séniorité", informe Eric Didier. Enfin, les plateformes d'intermédiation peuvent, comme leur nom l'indique, servir d'entremetteur. "On peut envoyer des sondes, voir comment client réagit à une proposition tarifaire", conclut l'expert qui se voit comme "un agent de carrière".