Eric Dubois (3Suisses) "3 Suisses dévoile son nouveau modèle économique"

Nouveau visage, nouvelle politique, nouvelles ambitions... Le directeur général de l'enseigne détaille une stratégie que financeront 150 millions d'euros sur 2 ans.

JDN. Où en est 3 Suisses dans son processus de transformation ?

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Eric Dubois, directeur général de 3 Suisses © S. de P. 3 Suisses

Eric Dubois. 3 Suisses avait déjà repensé son organisation et revu sa logistique ainsi que son système d'information. La troisième étape consistait à transformer son business model. Aujourd'hui c'est chose faite : nous sommes passés d'un modèle de VADiste au modèle d'un pure player. Ce qui nous permet aussi de reprendre la parole au travers d'une toute nouvelle plateforme de marque, qui remet en scène les codes et l'ADN de 3 Suisses, mais en tant qu'e-commerçant.

Qu'est-ce que ce changement de modèle implique concrètement ?

Nous nous alignons sur les us et coutumes des e-commerçants de notre secteur. Par exemple, depuis cet été, la livraison est offerte en point relais pour les paniers supérieurs à 49 euros et les retours demeurent gratuits. D'autre part, notre nouveau site est "tablet-friendly" et sera responsive en novembre. Nous sommes par ailleurs passés au prix unique pour toutes les tailles, comme dans le retail.

Allez-vous accroître la fréquence de sortie des collections ?

Nous passons en effet à dix collections par an, soit cinq par saison, constituées à la fois de nos collections propres et des articles que nous sélectionnons chez nos marques partenaires, dont notre nouvelle maison-mère Otto. A l'arrivée, une offre diversifiée et renouvelée régulièrement pour coller aux tendances.

D'autre part, nous allons saisonnaliser bien plus qu'avant nos approches commerciales. Par exemple pour mettre en avant une certaine catégorie de vêtements chauds à l'approche de l'hiver. Nous ne partirons donc plus du fichier client mais du produit, ce qui permettra aussi de présenter une collection "rafraichie".

Mettez-vous fin également  à votre politique de promotions incessantes ?

Oui, nous désirons sortir du cycle infernal des réductions souvent associé aux VADistes. Désormais, nous travaillons le pricing pour l'adapter au marché. En pratique, cela signifie généralement une baisse des prix, qui étaient souvent décalés par rapport au marché afin de pouvoir supporter un rabais. Notre objectif consiste à réduire le niveau de démarque et à manier les promotions avec plus de sens et de pertinence, ceci dans des proportions moindres qu'auparavant.

Est-ce qu'adopter les mêmes pratiques que vos concurrents suffira à sauver 3 Suisses ?

Olivier Gimpel, directeur e-commerce et marque. Nous reprenons les meilleures pratiques et nous essayons de les améliorer encore. Par exemple, pour soutenir notre nouveau positionnement de marque et notre nouvelle identité visuelle, nous nous apprêtons à lancer une campagne de communication multiécrans très innovante, qui fait de la vidéo un apporteur de trafic. Nous avons conçu avec le département R&D de Google Dublin, qui ne savait même pas que c'était possible, un micro-écosystème dans Youtube qui permet d'être innovant en communication et efficace en business.

"Nos pre-roll interactifs multicliquables sont une première en France"

Nous avons créé des spots spécifiquement pensés pour être joués en pre-roll. L'actrice s'adresse directement à l'internaute, lui propose de passer l'annonce, puis présente ce qu'elle porte. Pendant ce temps, ses vêtements sont cliquables et renvoient vers la page produit correspondante sur 3Suisses.fr tout en mettant la vidéo en pause. Avec ces films interactifs multicliquables, nous dépassons les meilleures pratiques du secteur : c'est une première en France. Nous ne cherchons pas à nous lancer dans une course technologique, mais à concevoir une communication adaptée aux nouveaux usages.

Plus globalement, quel dispositif avez-vous prévu pour cette campagne ?

Olivier Gimpel.  Un "magalogue" est envoyé aujourd'hui, le 4 septembre. La campagne TV débute le 8 septembre au soir, avant d'être relayée sur les grandes plateformes Web jusqu'en décembre. Le 10 septembre, nous prenons la bannière masthead en page d'accueil de Youtube. Et la semaine suivante nous déployons nos spots de pre-roll. Enfin, nous sponsoriserons l'émission "Rising Star" qui débutera sur M6 le 25 septembre. Vous le voyez, 3 Suisses réapparaît sur la scène, sur toutes les facettes d'un dispositif innovant.

Vous avez annoncé en avril l'arrêt du catalogue de 900 pages. Mais avec votre magalogue, vous n'abandonnez donc pas totalement le papier...

Eric Dubois. Le papier est l'un des médias, l'un des écrans sur lequel se déploie le nouveau 3 Suisses. Nous avons conçu un magalogue au format unique en France, dont la vocation est d'inspirer et de drainer des clientes vers le site. Autrement dit, de faire du "papier-to-web". Mais ce n'est pas un catalogue : il n'est plus possible d'envoyer un bon de commande papier ou de commander par téléphone, même si notre service client aidera par téléphone celles qui le souhaitent à commander en ligne.

Après deux numéros d'été de 100 pages, l'un sur la déco et l'autre sur la rentrée des enfants, nous allons envoyer à toutes nos clientes un magalogue événement de 300 pages, qui présentera nos nouvelles collections et les sensibilisera à notre évolution. En outre, ce support a été créé pour que sa reprise sur Internet soit facilitée. On le retrouvera donc en ligne sous forme de lookbooks et à partir de novembre sur nos applications mobiles et tablettes.

"Nous investirons 150 millions d'euros sur deux ans"

En quoi est-il unique, dans la mesure où Asos, Zalando ou encore Net-a-Porter publient également des catalogues ou magazines papier ?

Asos et Zalando font la promotion de leurs marques partenaires et Net-a-Porter se positionne sur le luxe. Sur notre créneau, nous sommes les seuls à combiner les styles pour mettre en scène les collections de 3 Suisses et de quelques autres marques. C'est notre valeur ajoutée et c'est ce qui parle à toutes les femmes, de toutes les générations, qui désirent être non à la pointe de la mode mais dans l'air du temps. La segmentation par âge est révolue. Et il serait dommage de se priver du segment en forte croissance des seniors.

Asos semble pourtant cibler les "20-something" avec succès. Fait-il fausse route selon vous ?

Non, car la forte appétence de sa cible pour les marques et les looks correspond parfaitement à son positionnement produit. 3 Suisses emprunte une autre voie en se positionnant sur des marques plus globales et des combinaisons de styles. Nous n'écartons ni les moins de 25 ans, ni les plus de 55.

Face aux marques très mode que sont Asos, Zalando, Zara, etc, la marque 3 Suisses est-elle "déringardisable" ?

3 Suisses est effectivement une marque ancienne, mais neuf Français sur dix la connaissent. Lorsque nous interrogeons nos clientes, elles se rappellent les prises de parole de 3 Suisses et les qualifient d'audacieuses, féminines, parfois de prises de risque. Asos, Zalando et les autres ne se sont pas approprié ce terrain. Après plusieurs années de silence, forts de notre nouvelle ambition, nous allons le reprendre. Et renouer rapidement avec la rentabilité. Pour porter cette vision et nous hisser au rang de leader français de l'e-commerce de mode et de déco, nous investirons 150 millions d'euros sur deux ans.

"C'est en constituant notre propre assortiment que nous affirmons notre identité"

Vous avez fermé votre marketplace LeChouchou.com. Est-elle abandonnée ou intégrée à 3Suisses.fr ?

Lorsque nous avons lancé LeChouchou il y a deux ans, c'était le mini-laboratoire qui nous permettait de tester des choses avec les marques. Maintenant que 3 Suisses est un pur e-commerçant, LeChouchou n'a plus de raison d'être. Ce que nous y avons appris a été intégré au nouveau 3 Suisses. Toutefois, à l'exception de Boulanger sur le petit électroménager, aucune marque n'est chez nous en marketplace.

Pour quelle raison ?

Nous ne voulons pas que les marques poussent leurs références sur 3 Suisses et y déversent leur stock. Nous voulons aller piocher chez elles les articles qui correspondent à notre clientèle, y compris, parfois, en leur demandant de créer une collection spécialement pour nous, comme l'a fait Le Coq Sportif. C'est de cette approche sélective que vient notre différenciation et c'est dans nos "mix&match" que se trouve notre valeur ajoutée. C'est en constituant notre propre assortiment que nous affirmons notre identité et que nous pouvons offrir aux consommatrices de les guider dans la profusion de l'offre en ligne.

Eric Dubois est le directeur général de l'enseigne 3 Suisses. Diplômé en économie de l'Université de Lille et de l'Espace (groupeEdhec), il débute sa carrière en entrant en 1986 chez La Redoute, où il occupe divers postes pendant huit ans, aussi bien en France qu'au Portugal, en Espagne et en Suisse. En 2004 il est nommé managing director du groupe Redcats en Suisse, en Autriche et en Italie. En 2009 il prend la tête de Redcats Nordic,puis devient en 3013 directeur général de Redoute International. Il est nommé directeur général de 3 Suisses en janvier 2014.