Zoomdle, Selectionnist, Wheretoget... Ces applis qui inventent le fashion-to-mobile

Zoomdle, Selectionnist, Wheretoget... Ces applis qui inventent le fashion-to-mobile Flasher la photo d'un magazine, consulter la fiche du produit présenté et le commander... Un service aussi évident que nouveau, sur lequel se ruent de nombreux acteurs.

Que ce soit au travers des publicités ou des contenus éditoriaux, les magazines suscitent l'intérêt de leurs lecteurs pour les produits qu'ils évoquent. Et une fois que Biba ou Vogue ont vanté les mérites de la dernière crème Vichy ou d'une pièce de la nouvelle collection Stella McCartney, il paraît absurde de laisser les consommateurs se débrouiller avec leurs questions, leurs envies et leurs frustrations. Une ribambelle d'applications mobiles se sont donc donné pour mission de devenir les Shazam de la mode. L'utilisateur "flashe" une photo dans un magazine (ou une publicité dans la rue), l'application lui renvoie une fiche produit. Zoomdle, Selectionnist, Asap54, Smartsy, Wheretoget... les nouveaux services fleurissent et ne se ressemblent pas toujours.

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Axel Canus, DG de Zoomdle © S. de P. Zoomdle

Lancé en janvier 2014, Zoomdle est conçu comme une application de m-commerce, qui ne se contente pas d'accompagner l'utilisateur du print au digital mais inclut une marketplace lui permettant de concrétiser l'achat immédiatement. La start-up revendique aujourd'hui 17 magazines intégralement flashables. Des titres Lagardère, Prisma, Mondadori et des indépendants, qui lui transmettent leur maquette en amont de leur publication. "Zoomdle stocke sur ses serveurs les images auxquelles la technologie de reconnaissance visuelle qu'interroge l'application compare la photo uploadée par l'utilisateur pour retrouver celle qui lui correspond", explique son directeur général Axel Canus. Zoomdle a établi des partenariats avec 350 marchands qui lui permettent de couvrir environ 90% des produits présentés dans les magazines et de les référencer sur sa marketplace, adaptation mobile de la solution Iceberg. Pour les 10% restants, deux acheteuses se chargent d'approcher les marques.

La société se rémunère donc comme n'importe quelle marketplace par une commission sur les ventes, de 20 à 30% dans la mode, moins sur la décoration, la culture ou les produits électroniques. Et rémunère les magazines pour le trafic qu'ils lui apportent. "Nous leur versons même davantage en cas de conversion, donc les magazines, déjà satisfaits d'apporter cette valeur ajoutée aux lecteurs, jouent vraiment le jeu", se réjouit Axel Canus. Résultat : 1 flash toutes les 3 minutes sur l'ensemble des titres partenaires et un taux de transformation de 6 à 10%, bien supérieur à l'e-commerce classique. 

Les modèles économiques se cherchent encore

Le premier grand chantier de Zoomdle cette année : mettre en place une stratégie cross-device en permettant aux utilisateurs d'acheter à partir des versions tablettes des magazines, ainsi que de retrouver leur panier ou whishlist sur une version Web du service. Le second grand projet 2015 fera le pont avec le commerce physique. La start-up a en effet pour actionnaire principal la Compagnie de Phalsbourg, qui opère une quinzaine de centres commerciaux. Zoomdle veut pouvoir proposer de réserver l'article flashé dans le point de vente de l'enseigne abritée par l'un de ces centres. Puis, plus tard, d'offrir ce service de mobile-to-store aux enseignes indépendamment de la Compagnie de Phalsbourg, en lui incluant geofencing et autres enrichissements adaptés. Et bien sûr, la start-up travaille sur l'amélioration de sa technologie pour ajouter de la reconnaissance 3D, qui lui permettra de sortir du print et de flasher des articles portés, en vitrine...

Prolonger les relations presse des marques

De son côté, Selectionnist se positionne davantage comme un média. "Lorsque les lectrices consultent un magazine, elles veulent se connecter avec les produits, par exemple les mettre de côté, mais pas nécessairement les acheter", estime la cofondatrice Lara Rouyrès. Qui a donc commencé par ouvrir début 2014 un site agrégeant des fiches pour tous les produits de la trentaine de magazines partenaires, ainsi qu'un moteur de recherche acceptant les requêtes du type "chaussures à talon bleu Biba". Pour compléter cet usage différé, Selectionnist s'est doté en novembre d'une application mobile. L'utilisateur peut flasher une page de magazine et voir remonter tous les produits qui y figurent, consulter plus d'informations à leur sujet, les placer dans une wishlist et voir où les acheter. Mais on peut aussi rechercher l'inspiration en suivant des magazines (et bientôt des marques) et en navigant de produit en produit, façon nouvelle de les feuilleter.

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Lara Rouyrès, cofondatrice de Selectionnist © S. de P. Selectionnist

Le business model que teste Selectionnist est donc très différent : peu d'affiliation et aucun moyen de tracker les ventes. "Une bonne manière de rassurer les éditeurs soucieux de l'indépendance éditoriale de leurs sélections, affirme Lara Rouyrès. Nous rémunérons les magazines pour les flashs qu'ils nous apportent (un toutes les 15 minutes fin décembre) et nous vendons aux marques ce prolongement de leurs relations presse : l'assurance d'avoir un référencement optimal et les bonnes informations produits sur Selectionnist, ainsi qu'une visibilité sur le versant inspirationnel." Les éditeurs peuvent informer leurs lecteurs qu'ils peuvent retrouver les produits sur le site de Selectionnist... qui peut aussi présenter sur le site des magazines les produits du moment, enrichis de contenus distincts de la version papier. En amont de la publication, la start-up intègre donc aussi les photos fournies par les éditeurs, ajoute du contenu éditorial et renseigne où les références sont commercialisées, information communiquée par les marques partenaires ou recherchées par la start-up elle-même.

Les axes de développement de Selectionnist ne sont pas non plus les mêmes que ceux de Zoomdle. La société de Lara Rouyrès et Tatiana Jama va également améliorer sa technologie de reconnaissance visuelle mais le 3D n'est pas prévu dans l'immédiat. Il s'agit d'abord de rendre l'application meilleure lorsqu'elle est utilisée dans de mauvaises conditions (peu de réseau, photo mal prise...) et de lui ajouter une brique de géolocalisation. Qui permettra en outre à Selectionnist d'alimenter le package de données qu'il compte commercialiser auprès des marques et aux éditeurs partenaires. L'international ne devrait pas tarder non plus, à commencer par les pays enregistrant une excellente pénétration des smartphones et des QR Codes (d'usage proche...) : Royaume-Uni, deux ou trois autres pays européens et Etats-Unis, puisque l'un des fonds actionnaires est américain.

La reconnaissance des produits peut aussi être crowdsourcée

A côté de ces deux modèles, marchand et média, existent d'autres applications encore. Asap54 par exemple ne fait pas du magazine son seul point d'entrée et permet aussi de photographier vêtements et accessoires dans la rue. Il ajoute une bonne dose de communautaire, puis se rémunère à la performance via des partenariats d'affiliation avec les marchands. Quant à Wheretoget, il pousse l'appel à la communauté encore plus loin puisqu'elle remplace entièrement la technologie de reconnaissance de ses concurrents : ce sont les regards acérés des autres fashionistas utilisateurs du réseau social qui indiquent en deux temps trois mouvements où trouver l'article recherché ou un produit similaire. Le service, qui a dépassé il y a plusieurs mois le million de membres entre les Etats-Unis et la France, affiche des taux de réponse très honorables : les demandes reçoivent en moyenne une réponse en moins de 24 heures et une question sur trois est traitée en une demi-heure. Pour se rémunérer, Wheretoget a imaginé une curation d'articles renvoyant vers des marchands partenaires, moyennant une commission. Son trafic qualifié alimente déjà plus de 10 000 marchands.

Marques et marchands aussi ajoutent la reconnaissance de produits à leurs applis

Et comme si cela ne suffisait pas, ces start-up spécialisées dans la reconnaissance d'articles de mode sont loin d'être les seules à vouloir se positionner sur ce créneau. D'abord, leur grand frère à toutes, Shazam, ne cache plus ses intentions de diversifier ses activités au-delà de la reconnaissance sonore. Or naturellement, le retail et les éditeurs de contenus seront les premiers dans son viseur. En outre, les grands e-marchands proposent depuis longtemps des fonctionnalités de reconnaissance de produits dans leurs applications mobile, à l'instar d'Amazon ou d'eBay.

Enfin, les marques et les distributeurs eux-mêmes s'y sont mis. Louis Vuitton se contente d'apporter des informations, sans vendre. Mango ou La Redoute permettent de scanner leurs publicités pour retrouver la fiche produit des articles présentés, ce qui a là aussi le mérite de ne pas dégrader le visuel avec un QR Code. Celio et Zalando se sont également engouffrés dans la brèche avec des solutions présentant les produits de leur catalogue les plus semblables aux articles flashés. Et bien sûr, les éditeurs de presse peaufinent eux-aussi leurs applications de reconnaissance d'image. Une fonctionnalité que Conde Nast est par exemple en train de déployer sur ses titres, à commencer par Vogue. Même Madame Figaro s'est lancé.