Plateformes numériques : qui respecte les nouvelles obligations de transparence ?

Plateformes numériques : qui respecte les nouvelles obligations de transparence ? Depuis le 1er janvier 2018, les marketplaces doivent informer les consommateurs quant à leur mode de fonctionnement. Pourtant, les leaders répondent encore peu à ces exigences légales.

Amazon, eBay, Airbnb, Booking et tous les opérateurs de plateforme en ligne, qui mettent en relation des tiers, doivent désormais montrer patte blanche. Depuis le 1er janvier 2018, deux décrets leur imposent de nouvelles obligations de transparence et de loyauté vis-à-vis des consommateurs, conformément à la loi pour une république numérique de 2016 et aux articles L111-7 et L111-7-2 du code de la consommation. "Ces textes obligent les plateformes numériques à communiquer les informations précontractuelles indispensables sur leur fonctionnement. L'objectif est la protection et la bonne compréhension des cyberacheteurs", explique Loïc Tanguy, directeur de cabinet à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Aux places de marché et comparateurs donc d'expliquer les conditions de référencement et de mise en avant des tiers dont elles affichent les offres. Autre sujet clé, le traitement et les modalités de publication des avis de consommateurs.

Presque deux mois après l'entrée en vigueur des décrets, les plateformes numériques leaders ne sont pas toutes en conformité avec la loi.  Au 06 mars 2018, les bons élèves étaient Booking, Cdiscount, Darty, OUI-Sncf, PriceMinister et Carrefour (via Rue du commerce). Sur les douze places de marché ou plateformes de mises en relation les plus importantes du top 15 e-commerce en audience*, seuls ces six acteurs ont satisfait à l'obligation de créer une rubrique complète qui recense les modalités de référencement, de déréférencement et de classement des offres ou services. Cette dernière doit être "directement et aisément accessible à partir de toutes les pages du site", selon le décret. Cdiscount la nomme "Référencement et classement des offres". OUI-Sncf opte  pour "Conditions de présentation des offres sur le site www.oui.sncf". Rue du commerce joue la carte de la sobriété avec son "Classement des offres". Chez PriceMinister, c'est "Fonctionnement du service", chez Booking, "Le fonctionnement de notre site" et chez Darty "Découvrez la Marketplace Darty".

Qui respecte les nouvelles obligations légales de transparence au 6 mars 2018 ?
Oui Booking, Cdiscount, Darty, OUI-Sncf, PriceMinister-Rakuten, Carrefour (Rue du commerce)
Non Airbnb, Amazon, eBay, Fnac, Groupon, La Redoute

Dans chacune de ces rubriques que l'on retrouve le plus souvent en bas de page du site concerné, le consommateur retrouvera nombre d'informations qui doivent permettre de le rassurer quant au service proposé. Tout d'abord, les conditions de référencement des offres, avec notamment la qualité des vendeurs tiers présents. Par exemple, des partenaires, des fournisseurs d'hébergement, des professionnels ou des particuliers. Les plateformes doivent également détailler leurs conditions de déréférencement. PriceMinister explique notamment les différents cas de retrait d'une offre : le non-respect de ses CGU, l'erreur dans une fiche produit, un compte vendeur suspendu ou encore le rappel du fabriquant. Egalement, les plateformes doivent indiquer tout lien capitalistique ou rémunération susceptible d'influencer le référencement de l'offre d'un tiers, notamment via une mention de type "sponsorisée". La relation contractuelle qui lie la plateforme de mise en relation aux partenaires doit elle aussi être explicitée. Combien leur facture-t-elle son service de mise en relation et quels sont les éventuels frais additionnels à la charge du consommateur ?

La plateforme doit dire comment elle classe par défaut ses contenus

Les conditions du contrat passé entre la plateforme et le cyberacheteur doivent aussi être claires. Quelles sont les modalités de paiement ? Quelles sont les assurances et garanties proposées ? Quelles sont les modalités de règlement des litiges ? Enfin, la plateforme doit dire comment elle classe par défaut ses contenus : selon le prix ? Les horaires ? Les meilleures ventes ?

Un bon point pour les plateformes sur les avis : les douze acteurs étudiés respectent l'obligation d'afficher la date de publication et le critère de classement des avis de consommateur. Ils ne sont, en revanche, pas tous aussi diligents en ce qui concerne l'obligation de détailler la procédure de contrôle des avis. Seuls Amazon, Booking, Cdiscount, Darty, OUI-Sncf, PriceMinister, et Rue du commerce la communiquent clairement et totalement, via une citation à proximité des avis et un renvoi vers une rubrique dédiée, sur la manière avec laquelle ils procèdent au contrôle des avis et sur le délai de traitement. 

Les six grandes plateformes qui ne sont pas encore à la page ont toutefois pour excuse le calendrier très serré qui leur a été imposé. "Ces textes publiés fin septembre 2017 et applicables en janvier 2018 ne pouvaient pas plus mal tomber, pile dans la période qui correspond à un pic d'activité dans l'e-commerce avec le Black Friday, Noël puis les soldes d'hiver", rappelle Marc Lolivier, délégué général de la Fevad. Le secrétaire d'Etat chargé au numérique, Mounir Mahjoubi, entend l'argument mais met en avant l'intérêt du consommateur. "Certes, la date ne tombe pas très bien pour certains mais nous ne pouvions pas attendre plus longtemps."

Celles qui ne respectent pas le décret risquent une amende administrative de 15 000 euros

Que les retardataires se rassurent, la DGCRF sait faire preuve de mansuétude… Enfin pour l'instant. "Nous laissons un peu de temps aux entreprises pour appliquer ce règlement. Mais passé cette phase d'adaptation, nous lancerons les premiers contrôles sans attendre décembre", avertit Loïc Tanguy. Celles qui ne respectent pas le décret risquent une "légère" amende administrative de 15 000 euros. Bien plus, si une volonté délibérée de tromper le consommateur est détectée par la DGCCRF. Le manquement peut alors devenir un délit pénal et la peine de prison maximale encourue atteindre deux ans et 1,5 million d'euros d'amende.

*Méthodologie :

Le top 15 du e-commerce en audience compte douze places de marché ou plateformes de mises en relation. Il s'agit d'Amazon, Cdiscount, OUI-Sncf, Fnac, Booking, eBay, Rue du commerce, PriceMinister, La Redoute, Airbnb et Groupon. Pour chacune de ces plateformes numériques, nous avons relevé si elles respectent bien les principales obligations de transparences imposées par les décret du 29 septembre 2017 n° 2017-1436 relatif aux obligations d'information relatives aux avis en ligne de consommateurs  et n°2017-1434 relatif aux obligations d'information des opérateurs de plateformes numériques.

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