Vincent Redrado (Digital Native Group) "Le bien-être, la santé, la maison et l'enfance sont propices à l'essor des DNVB"

Le fondateur du cabinet expert du modèle DtC analyse les évolutions et tendances du marché ainsi que le positionnement des marques françaises dans un monde post-pandémie.

JDN. Le panorama 2022 de Digital Native Group met en lumière la croissance des DNVB françaises. Quelles sont les verticales à fort potentiel de marché actuellement ?

Vincent Redrado, CEO de Digital Native Group. © Digital Native Group

Vincent Redrado. On constate une croissance globale de l'e-commerce et les DNVB qui représentent les marques de demain tirent naturellement profit de cette croissance. Les consommateurs sont par ailleurs en demande de nouveaux modes de consommation et les DNVB sont en mesure de répondre à ces attentes. On l'observe, les catégories bien-être, santé, maison et enfance notamment, constituent des tendances de marché fortes et propices à l'essor de marques sur ces verticales. Deux sous-catégories, la cosmétique à partir de CBD et le business lié aux plaisirs intimes, se révèlent aussi mais comptent encore peu d'acteurs. Les marques qui choisissent ces verticales sont animées par la volonté de briser les tabous sur ces sujets et de proposer de nouveaux usages.

Il faut également noter qu'il est de plus en plus difficile de créer une marque à succès qui enregistre beaucoup de volume, mais il est de plus en plus facile d'en créer une à partir de solutions dédiées aux DNVB comme Shopify par exemple.

Les acteurs traditionnels sont de plus en plus nombreux à créer leur propre marque. Comment les DNVB peuvent-elles continuer à se démarquer ?

On a souvent tendance à opposer les grands groupes aux DNVB alors que leurs approches peuvent être complémentaires. Chez Digital Native Group, nous nous sommes beaucoup intéressés aux clés de succès des DNVB. Celles-ci excellent sur des volets où les grands groupes sont à la peine, et inversement. Je pense notamment à l'agilité digitale des marques qui n'est pas innée chez les grands groupes. Or, le juste milieu se situe non pas du côté de la DNVB ou à travers la stratégie du grand groupe mais entre les deux. 

Les DNVB doivent davantage grandir, se consolider et faire de la croissance pour déstabiliser les grands groupes. Ces derniers accumulent des années d'expérience mais doivent apprendre à collaborer avec les jeunes marques. Cela signifie potentiellement mener des investissements et des rachats ou encore des accords commerciaux et du co-branding. Les grands groupes doivent mieux comprendre le fonctionnement des DNVB pour capter une nouvelle génération de consommateurs. Ils disposent d'actifs importants que les DNVB n'auront jamais ou dans un très long moment, comme une stratégie retail établie par exemple. Finalement, DNVB et grands groupes sont beaucoup plus proches qu'ils ne le pensent. 

Avec la pandémie, les discours englobant la transparence sur la fabrication et la composition des produits se sont généralisés. Dès lors, que devient la légitimité des DNVB sur ce sujet ? 

Effectivement, les marques digitales se retrouvent concurrencées sur ce sujet mais il faut également préciser qu'un discours marketing n'est pas compliqué à mettre en place en soi. En revanche, un discours vrai et authentique qui fait sens à la fois pour le fondateur et les collaborateurs, et in fine pour les consommateurs, est une tâche plus ardue. Et sur ce point, les grands groupes éprouvent plus de difficultés que les DNVB à asseoir leur crédibilité. De leur côté, les consommateurs distinguent de mieux en mieux une marque commerciale d'une marque engagée.  

Le metaverse et les NFT sont l'une des grandes tendances à suivre cette année. Comment les DNVB françaises peuvent-elles s'en emparer ?

A ce stade, ce n'est pas encore un sujet pour les marques DtC françaises. En France, la tendance est suivie de près par notre écosystème start-up, mais globalement, les consommateurs français ne sont pas au fait des usages du metaverse et des NFT. C'est un sujet qui peut intéresser les DNVB françaises, familières de la technologie. Aux Etats-Unis, certaines marques s'engagent dans cette voie comme la marque de céréales Off Limits qui a lancé son NFT de céréales. Avant toute chose, je crois que la marque doit s'appuyer sur une forte notoriété et bénéficier d'une légitimité suffisante pour justifier l'achat d'un NFT par sa communauté de consommateurs. A l'heure actuelle, rares sont les DNVB françaises à jouir d'un tel statut. 

Quels sont les trois prérequis pour lancer sa DNVB en 2022 ? 

La marge brute reste un prérequis fondamental et immuable qui devient de plus en plus compliqué à gérer en raison du coût des matières premières notamment. Une marque doit être capable d'enregistrer une marge supérieure à 75-80%. Par ailleurs, l'omnicanalité est devenue un enjeu clé depuis la pandémie. Une marque ne peut plus seulement évoluer en ligne. L'omnicanalité doit être pensée dès le départ en termes de marge brute, de typologie de produit, de prix, de packaging. Enfin, les coûts d'acquisition augmentant très fortement, l'audience sur les réseaux sociaux se réduit pour certaines marques et la pandémie a vu apparaître encore plus d'acteurs sur les plateformes sociales. Par ailleurs, les trackings sont de plus en plus difficiles à identifier et analyser. Il est donc primordial que la marque maîtrise ses propres actifs comme son taux de conversion, le temps de chargement de son site, le panier moyen, la marge brute. Aujourd'hui, plus que jamais, les marques doivent réduire leur dépendance aux réseaux sociaux.

Vincent Redrado est le Fondateur & Président de Digital Native Group, le spécialiste des marques Direct-To-Consumer. Entrepreneur depuis 10 ans, sa première société, thetops, était une marketplace de DNVB revendue en 2017. Depuis, Vincent se passionne pour les modes de consommation de demain. Passionné par l'entrepreneuriat, Vincent a co-écrit un livre sur l'entrepreneuriat jeune : Jeunes, Créez votre entreprise aux éditions Dunod.