Vihan Sharma (Liveramp) "Les éditeurs ne veulent pas avoir à payer pour une solution d'identification"

Le directeur général Europe du spécialiste du CRM onboarding explique pourquoi il propose aux éditeurs d'intégrer gratuitement son infrastructure d'authentification.

JDN. Vous avez développé une infrastructure baptisée ATS, pour Authenticated Traffic Solution, qui permet aux éditeurs d'améliorer la connaissance de leurs visiteurs sans passer par des cookies tiers. Comment est-ce que cela fonctionne ?

Vihan Sharma est directeur général Europe de Liveramp. © Liveramp

Vihan Sharma. Nous proposons aux éditeurs de déployer cette solution d'authentification, via la dépose de cookies 1st party, pour permettre à leurs visiteurs de renseigner leurs informations de connexion lorsqu'ils y consentent. Ces visiteurs gagnent en visibilité sur la manière dont sont utilisées leurs données et peuvent décider de se retirer de la base de données en quelques clics. Cette solution va de pair avec la plateforme CMP que nous avons mis sur pied après le rachat de Faktor. Cela permet aux éditeurs, qui ne sont pas équipés pour, de collecter le consentement de l'utilisateur de manière claire et visible, en respectant toutes les régulations européennes en matière de données.

C'est une offre qui s'inscrit dans le prolongement de notre positionnement de tiers de confiance entre, d'un côté, les annonceurs, et de l'autres, les éditeurs. Liveramp est historiquement un spécialiste du CRM onboarding. Nous permettons aux annonceurs de connecter leurs bases de données CRM à l'écosystème digital. En d'autres termes, de retrouver leurs clients sur le Web. Ce travail repose, aujourd'hui encore, beaucoup sur les cookies tiers qui nous permettent de mapper le Web et alimenter notre ID graph.

Qu'est-ce qui vous fait croire que les internautes vont jouer le jeu ? Proposez-vous également des dispositifs pour les inciter à se connecter ?

Nous aurions pu réunir tous les éditeurs qui utilisent notre solution pour leur proposer de mettre en place des incentives communs. Nous y avons réfléchi mais nous avons vite vu que chaque éditeur préférait mettre en place sa propre stratégie, qu'il s'agisse de proposer des incentives ou de bloquer l'accès aux contenus si l'email est mal renseigné. Nous restons donc dans notre rôle, celui de l'infrastructure technologique.

L'annonce de Google condamnant les cookies tiers, il était donc également important pour le modèle économique de Liveramp de trouver une alternative…

La disparition des cookies tiers ne va pas changer grand-chose pour les walled gardens comme Google et Facebook mais elle va avoir un véritable impact pour tous les éditeurs de l'open Internet. Ils vont avoir besoin d'une solution d'identification leur permettant de mener des actions CRM et de monétiser la donnée associée à leurs internautes logués. On voit d'ailleurs que les éditeurs sont de plus en plus nombreux à mettre en place des registration walls en l'échange d'un accès à leurs contenus. Et c'est effectivement dans l'intérêt de Liveramp que ces éditeurs puissent s'appuyer sur une infrastructure leur permettant de véhiculer les informations de ciblage auprès des SSP avec lesquels ils travaillent. Tout simplement parce que ces SSP vont, à leur tour, relayer cet inventaire auprès des DSP que nos 800 clients annonceurs (dont une soixantaine en France) utilisent.

C'est aussi la raison pour laquelle votre solution est gratuite ?

D'autres acteurs ont décidé de faire payer pour des solutions de ce genre. C'est, selon nous, un trop gros frein à leur adoption par les éditeurs. D'abord parce qu'à mesure que les cookies disparaissent, ces derniers risquent de voir leurs revenus baisser et qu'ils vont donc regarder à la dépense. Mais aussi parce que toutes les solutions d'identification ne sont pas bien connectées à la demande et qu'elles ne sont donc, pour l'instant, pas capables de générer des revenus additionnels. C'est problématique tout de même.

Il est dans l'intérêt de notre solution de CRM onboarding que l'écosystème adopte massivement une solution d'identification pérenne. La gratuité est le meilleur des arguments en ce sens, les éditeurs s'évitant des freins d'intégration aussi coûteux que chronophage avec chaque SSP. Nous sommes d'ailleurs déjà en discussions avec quelques gros groupes médias français.

"Liveramp sera, à terme, moins un identity graph qu'une infrastructure permettant à plusieurs identity graph de cohabiter"

Comment cela fonctionne concrètement ?

Liveramp se charge de la réconciliation. Les emails hashés sont convertis en ID Liveramp via une technologie d'encryption, le matching avec les bases de données des annonceurs se fait ensuite. Les données collectées par ce biais sont utilisées par l'éditeur et l'éditeur seulement, au sein de son propre domaine. Liveramp n'exploite jamais cette information pour son propre compte, pas plus qu'il ne s'en sert pour nourrir son identity graph.

Beaucoup d'adtech jouent des épaules aujourd'hui pour faire grossir leur ID graph. Qu’adviendra-t-il du votre ?

Nous collectons encore de la donnée pour nourrir notre ID Graph. Mais cela va être compliqué à faire dans un monde sans cookies tiers. Et c'est sans doute l'occasion d'un repositionnement de ce produit. Je pense que Liveramp sera, à terme, moins un identity graph qu'une infrastructure permettant à plusieurs identity graph de cohabiter. Ce n'est pas, je pense, un problème de ne plus avoir de données propriétaires. Ce n'est d'ailleurs déjà pas le cas lorsque nous travaillons avec les annonceurs et c'est, finalement, logique de faire de même avec les éditeurs, en travaillant avec leurs données 1st party.

Diplômé de l'ESCP Europe, Vihan Sharma débute sa carrière en 2000 au sein de LSF interactive, en tant que sales manager Europe, chargé de la publicité sur les médias interactifs en Europe. En 2005, Vihan Sharma rejoint Ciao Surveys et devient panel development manager. Il intègre Acxiom quatre années plus tard et y sera, successivement, data content manager, director data content et acquisition Europe puis director product management Europe depuis juin 2012.  Il est, depuis le rachat de Liveramp, directeur général Europe du groupe.