Vente en ligne et réseau physique : quelle stratégie cross-canal ?

En février 2012, le site Good e-Reader annonçait qu’Amazon envisagerait d’ouvrir une boutique physique à Seattle. Si la rumeur n’a pas encore été vérifiée, elle est révélatrice de la tendance actuelle où la frontière entre vente en ligne et en boutiques se fait toujours plus mince.

Les marques ont bien compris qu’une stratégie cross canal, rendant les coutures invisibles entre les canaux de distribution, était le meilleur moyen de capter (et fidéliser) les consommateurs. Comment allier les 2 stratégies ? Quels sont les différentes combinaisons de parcours clients à prévoir ? Quels sont les secteurs les plus enclins à mettre en œuvre une stratégie cross-canal ? Sur la base d’un récit illustré et concret, nous vous proposons de comprendre ce juste équilibre entre boutiques et e-boutiques.

Jusqu’ici les pureplayers avaient le monopole du e-commerce.

A priori, les pure players se taillent la part du lion en termes de vente en ligne, ebay, Amazon et Cdiscount étant les sites e-commerce les plus visités en France au 1er semestre 2011 selon la Fevad (Fédération du e-commerce et de la vente à distance). Par ailleurs, le taux de transformation sur les sites des pure players est en moyenne 20 % supérieur aux distributeurs disposant d'un site de e-commerce et d’un réseau de magasins « brick and mortar ». Cela s’explique sans doute par le nombre de références proposées par les pures players et par le fait que les e-boutiques sont ouvertes 24h/24 et 365 jours par an. Par ailleurs, le fait de disposer d’un réseau physique est à double tranchant : le client peut décider de venir voir le produit dans un magasin, d’être rassuré par un vendeur puis se rabattre finalement sur internet pour aller y dénicher le meilleur prix.
Lorsque l’on regarde le marché de la chaussure par exemple, Spartoo, Sarenza et Zalando réunissent en moyenne 2 000 000 de visiteurs uniques par mois. Dans le même temps, Minelli et Eram peinent à en réunir 100 000. Pour autant, les ventes en ligne de chaussures ne représentent que 4% du marché en 2011. Donc même si les pure players ont su adapter le modèle du e-commerce au marché de la chaussure, notamment en proposant la livraison et le retour gratuit, ils ne s’octroient qu’une petite partie du Chiffre d’Affaires global.

L’idéal serait donc sans doute de lier e-commerce et réseau brick-and-mortar ?
Une enseigne telle que la FNAC l’a bien compris puisqu’elle réussit à se classer 5ème des sites e-commerce les plus visités, tout en gérant plus de 80 points de vente. L’enseigne sait que ses vendeurs sont souvent considérés comme des experts et que les clients viennent les interroger sans pour autant acheter le produit.
La FNAC a conservé son image de référence du secteur, tout en développant un site e-commerce dynamisé par un marketplace, tirant les prix vers le bas et permettant aux clients de retrouver toutes les références tout en bénéficiant du service après-vente et des garanties FNAC, rassurantes lorsqu’on achète un produit HI-TECH. Par ailleurs, certains clients encore frileux préfèrent se rendre en magasin lorsqu’ils font des achats coûteux, afin de bénéficier de la sécurisation des moyens de paiement.
S’appuyer sur son réseau de boutiques physiques afin de développer ses ventes en ligne permet de créer plus d’interactions avec sa clientèle et de convaincre les derniers réfractaires à l’achat sur internet. Tout est fait pour faciliter la vie du client, lui éviter le stress des files d’attente ou des ruptures de stock. Le produit que vous avez commandé sur internet ne vous convient pas? Vous pouvez le rapporter directement en boutique. L’article que vous cherchiez n’est pas disponible en magasin? Commandez-le en ligne! Permettre au client de retirer son produit en boutique, et lui faire ainsi économiser les frais de livraison permet de réduire le taux d’abandon de panier. En effet, ajouter entre 5 et 10€ de frais à son panier est souvent un obstacle de plus à la finalisation de la commande par le consommateur, même si 82% des acheteurs choisissent encore de se faire livrer chez eux.

Allier réseau physique et site e-commerce permet 4 types d’interactions :
  • La recherche de produits et la vente dans le réseau de boutiques. Ce modèle tend à disparaître puisque les consommateurs recherchent de plus en plus d’informations sur internet avant d’acheter, spécialement s’il s’agit d’un achat important.
  • La recherche de produits sur internet et l’achat online : la logique pure Player. Dans ce cas, le consommateur est volatile et « promovore ». Il aura plus facilement tendance à être infidèle à une marque si un autre site propose des promotions plus intéressantes.
  • La recherche de produits online et l’achat dans les magasins en dur ou ROPO (Resaearch Online Purchase Offline). Cette combinaison est particulièrement utilisée dans le secteur de l’habillement, où l’on a besoin d’essayer. Une logique que certains pure players ont bien compris et qu’ils contrent en proposant un retour facilité et gratuit.
  • La recherche de produits off line et l’achat online. Le consommateur va se renseigner auprès de vendeurs professionnels, connaissant bien les produits puis tente de trouver le meilleur prix en ligne, en utilisant des comparateurs de prix par exemple. Ce scénario est idéal dans le cas d’un achat de produit Hi-Tech, par exemple.
Le « drive », le beau potentiel de cette solution hybride
Dans ce contexte, l’industrie alimentaire a inventé un nouveau concept : le « drive », qui permet au client de commander ses courses en ligne et d’aller les chercher en magasins ou dans un entrepôt. La formule est pratique pour le client et économe pour l’enseigne. Contrairement à la livraison à domicile, le client n’est pas contraint de rester chez lui pour attendre le livreur et il ne paie aucun surcoût (pas de frais de préparation de commande ni de frais de livraison). Cela explique sans doute le succès de cette formule.
Auchan a été pionnier dans ce domaine et possède aujourd’hui une cinquantaine de points de retrait. Mais il a été vite rejoint par ses concurrents, notamment Leclerc qui comptait 150 E.Leclercdrives à fin 2011 et en prévoit 400 en 2015. L’agroalimentaire n’a pas le monopole de la pratique puisque Cdiscount, pour sa part, utilise les magasins du groupe Casino (auquel il appartient) pour livrer ses produits.
Comment gérer sa stratégie cross canal ?
Évidemment, la multiplication des canaux engendre de nouvelles problématiques, tant au niveau de la gestion des stocks qu’à celui du Système d’Information. Des applications ERP ainsi qu’un CRM unifié permettent l’interconnexion entre réseau de boutiques et site e-commerce. Il est primordial d’unifier les données clients afin de proposer le même niveau de service partout. La marque doit en effet avoir la capacité de mettre en place une synergie entre les canaux afin de proposer à ses consommateurs une expérience client unifiée. Le programme de fidélité est un bon exemple de gestion délicate des données clients en cross canal.
Que le consommateur commande en ligne ou achète en boutique, sa rétribution doit être la même. L’enjeu est également de faire coopérer le site e-commerce, le réseau physique de vendeurs et le service client. Il est donc important d’avoir une vision globale de la répartition des stocks, des coûts et des effectifs avec des indicateurs transverses, même s’il est souvent difficile de comparer les données. Le développement du cloud et du mode SaaS facilite le transfert de ces données même si les enjeux organisationnels restent cruciaux et que les enseignes peuvent rencontrer des difficultés pour unifier les ressources, que ce soit en termes de gestion des stocks et des retours que pour le marketing.
La digitalisation du point, l’enjeu clé du commerce de demain ?
Un autre moyen de proposer une expérience unifiée au consommateur est d’installer des bornes interactives en magasins ou d’équiper ses vendeurs en tablettes. Ces technologies offrent une réponse intéressante aux nouvelles problématiques parce qu’elles permettent aux vendeurs d’accéder au même niveau d’informations que le consommateur.
Les vendeurs ne peuvent en effet pas connaître la totalité des fiches produits des références proposées en magasin. L’acheteur ayant longuement préparé sa visite sur internet avant de se rendre en boutique a bien souvent toutes les informations sur les produits et peut se trouver décontenancé et déçu fasse à un vendeur ayant finalement une moins bonne connaissance que lui d’une référence en particulier. Arnaud Wielgus, directeur Web de Conforama, précise que 40% des visiteurs du site préparent leur achat sur Internet avant d'acheter en magasin.
Les bornes reproduisent également l’expérience digitale en point de vente et permettent aux clients les plus pressés ou les plus accros aux nouvelles technologies d’accéder rapidement aux produits ou aux informations souhaités.
Les enseignes BUT ont testé les bornes tactiles en magasin. L’expérience est concluante puisqu’à mètres carrés égales, les bornes permettent aux vendeurs de proposer plus de références et donc d’augmenter le Chiffre d’Affaires. Le Chiffre d’Affaires des références non présentes en magasin a ainsi augmenté d’1,4%. Gagner des mètres carrés engage une réflexion pour repenser les points de vente et de réinventer le commerce de proximité grâce au digital qui permet de proposer des extensions de gammes. C’est particulièrement vrai dans le secteur de l’électroménager, gourmand en surface de vente.
Le smartphone, un push vers les boutiques ?
Comment parler de la vente cross canal sans évoquer les smartphones, qui révolutionnent les pratiques commerciales en rendant le consommateur connecté à tout moment. Le champ des possibles s’étend encore un peu plus…m-commerce, applications, géolocalisation. Afin de ne pas subir les nouvelles technologies, les enseignes ont tout intérêt à anticiper les besoins du consommateur connecté et à proposer de nouveaux services liés à l’utilisation des smartphones : identification lors de l’entrée en magasin ou du passage en caisse, QR code présents sur les étiquettes, réductions envoyées en push grâce à la géolocalisation…
Ainsi, boutiques et e-boutiques que l’on renvoyait dos à dos il y a encore quelques années en prétextant une concurrence frontale, trouvent finalement un positionnement complémentaire. Les marques disposant de ces deux canaux peuvent mettre en œuvre de vrais programmes de différenciation. La digitalisation des points de vente et du parcours client appelle à une nouvelle manière de vendre que les distributeurs historiques, grands et petits, généralistes ou spécialisés, déploient progressivement pour la plus grande satisfaction de leurs clients.