Pourquoi l’essor du marketing mobile nous renvoie au web des années 90

Paradoxalement, s’il est recommandé de s’inspirer du web, il est primordial de ne pas traiter votre application mobile comme une extension de votre stratégie web.

En 1995, j’ai décroché mon premier emploi dans l’univers du web. A cette époque, peu de personnes en avaient entendu parler en dehors des campus universitaires. 4 ou 5 ans ont été nécessaires pour qu’internet explose en devenant grand public et soit adopté par les entreprises. En 1999, j’ai été embauché en tant que webmaster pour EDS (aujourd’hui HP). Le web était encore considéré comme une nouvelle technologie et personne n’était encore en mesure de prédire sa place et son utilité dans l’organisation de l’entreprise. Le réflexe dominant consistait à dire : «  tout le monde a un site internet, donc il nous en faut un aussi ». Mais personne ne savait vraiment pour quelle raison. Suivant cette logique, le web a longtemps été considéré comme un projet secondaire, dont le budget et les responsabilités étaient généralement affectés au service informatique. Malheureusement, la plupart de ces projets n’étaient plus vraiment suivis et restaient relativement statiques une fois qu’ils étaient mis en ligne.

Les vieilles habitudes ont la vie dure. Maintenant que je travaille dans le mobile, j’observe une évolution similaire. A mesure que l’entreprise s’interroge – quand se lancer sur le mobile ? combien investir ? n’est-ce pas simplement un effet de mode ? –, les budgets et les responsabilités sont disséminés entre de nombreux services.

Observons comment les entreprises sont en train d’approcher le marketing mobile comme elles l’ont fait avec le web il y a une vingtaine d’années. Quelles leçons pouvons-nous en tirer pour adopter le mobile de la manière la plus efficace.

Leçon 1 : Difficulté à aborder le mobile comme un média à part entière

Quand le web a commencé à émerger, les marketeurs ne savaient pas trop comment aborder cette nouvelle technologie. La réaction a donc été de le traiter de la même manière que ce qu’ils connaissaient déjà. A l’époque, ce qui se rapproche le plus du web, c’est le print. Il faudra un certain temps avant que les sites web ne soient plus conçus comme de simples affiches électroniques. Alors que l’un des avantages du web est d’être extensible et accessible via différents types d’écran, les développeurs web ont dû, pendant près de 20 ans, se battre contre les designers qui créaient des pages web ressemblant, au pixel prêt, à une brochure papier.

Alors que le web est à présent totalement adopté et que le mobile est la nouvelle coqueluche, beaucoup d’entreprises abordent ce dernier simplement comme du web adapté à un écran plus petit. En effet, deux écoles s’affrontent encore : les sites web adaptés au mobile et les applications nativement mobiles. Si l’utilisation de sites web adaptatifs parait logique pour naviguer sur le web depuis un smartphone, il existe des fonctions exclusives aux applications nativement mobiles. Les entreprises qui comprennent cette différence et traitent les deux canaux distinctement favorisent un engagement client – et un ROI – plus efficaces sur chacune des deux plateformes.

Leçon 2 : Difficulté à investir correctement

En 1999-2001, les entreprises avaient plus ou moins pris conscience l’obligation d’avoir un site web ; cependant, l’importance ou la finalité de leur présence sur internet était encore obscure. Pendant longtemps, la tendance consistait à investir le minimum d’effort dans la création et le lancement des sites web. Beaucoup d’entreprises, et même de responsables marketing, voyaient le web comme un gadget plutôt que comme un canal primordial pour l’image de la marque, la génération de leads et le chiffre d’affaires. Sans définir d’objectifs commerciaux clairs pour leurs sites web, ils ne pouvaient espérer qu’un très faible retour sur intérêt.

Le mobile semble suivre une route semblable. Les entreprises comprennent le besoin d’une application mobile, mais ne lui assigne pas d’objectifs spécifiques. Elles les créent à la hâte comme un projet secondaire, et quand le peu de succès attendu est au rendez-vous, elles stoppent leurs investissements. A ce titre, Adjust.com signale que plus de 25% des applications de l’App Store sont « mortes ». Pour que votre application soit un succès, vous devez être clair sur ce que vous souhaitez accomplir grâce à elle, quelle valeur ajoutée elle doit offrir à vos clients, et comment mesurer la réussite du projet. Créer une application juste pour le principe d’en avoir une est le meilleur moyen  d’échouer.

Leçon 3 : Difficulté à répartir les responsabilités au sein de l’entreprise

A la fin des années 90, le web était une technologie nouvelle. C’est pourquoi cette responsabilité incombait aux services informatiques. Ce choix semble logique, étant donné la nécessité de coder manuellement côté serveur. Cependant, la performance d’un service informatique se mesure souvent en fonction des économies réalisées, de la rapidité à résoudre les incidents, et de l’efficacité du réseau. Aucun de ces indicateurs de performance ne prend en compte l’objectif commercial du site web.

Il est à présent globalement reconnu que le service Marketing est le plus qualifié pour gérer le site web d’une entreprise. C’est une meilleure compréhension des enjeux et des objectifs du web qui a permis cette évolution des mentalités. Il a aussi été nécessaire d’adapter les outils pour permettre aux marketeurs d’administrer les sites eux-mêmes. Aujourd’hui, seuls des développeurs masochistes saisissent encore leurs codes sur un terminal UNIX. C’était pourtant la procédure standard dans les années 90. L’évolution des CMS (systèmes de gestion de contenus), des plateformes de gestion web et l’automatisation marketing ont permis aux marketeurs d’assumer la gestion du web.

Nous sommes à nouveau confrontés à une technologie nouvelle dont les objectifs et les indicateurs de performance relèvent du marketing ; mais dont la responsabilité est encore trop souvent attribuée au service informatique. C’est le manque d’outils adaptés et les lacunes de compréhension de sa valeur qui conduisent à cela. Cependant, si nous espérons que nos applications mobiles soient adoptées et qu’elles créent de l’engagement, elles doivent être prises en charge par le marketing.

Apprendre du passé

Winston Churchill a dit, « Ceux qui échouent à apprendre de l’Histoire sont voués à la répéter ». Les entreprises qui appliquent les leçons de l’évolution du web à leurs applications mobiles possèdent un net avantage sur leurs concurrents qui, eux, pourraient perdre les quinze prochaines années à revivre la même histoire.

Paradoxalement, s’il est recommandé de s’inspirer du web, il est primordial de ne pas traiter votre application mobile comme une extension de votre stratégie web. Vous devez lui définir un objectif précis et investir de manière appropriée pour atteindre le succès. Le service marketing doit être en charge de l’adoption et de l’engagement de l’application – et votre équipe marketing doit avoir accès aux outils nécessaires pour pouvoir réaliser ce projet.