Les opérateurs télécoms européens face aux défis des nouveaux usages

Entre 2008 et 2017, le chiffre d’affaires des opérateurs télécoms européens a diminué de 17 %. Ces derniers ne peuvent plus se contenter de vendre des offres de téléphonie, mais doivent diversifier leurs services afin de fidéliser leurs clients et d’améliorer ainsi leur profitabilité. Encore faut-il que ces services répondent aux nouveaux besoins des consommateurs en matière de contenu, de connectivité ou encore de fluidité de l’expérience utilisateur.

Les opérateurs européens font face à une baisse de rentabilité de leurs offres, notamment sur le mobile, où le revenu moyen par abonné a baissé de 52% en Europe entre 2008 et 2016, selon l'étude "Le futur de l’IT Telecom : quelle stratégie d’évolution des systèmes d’information", publiée par Sopra Steria Consulting. Le constat est le même pour le marché professionnel puisque les opérateurs doivent désormais partager le marché avec les acteurs OTT (offre hors du fournisseur d'accès à l'internet, ndlr) qui sont plébiscités pour leurs services par contournement à forte valeur ajoutée destinés aux entreprises : cloud, conférences audio et vidéo, IoT, etc.

Trois faits majeurs expliquent ces mutations, à commencer par la saturation du marché de la connectivité puisque 90% des citoyens européens disposent déjà d’un accès à internet fixe et/ou mobile. L’explosion de la demande en matière de services digitaux ensuite - paradoxalement entraînée par les offres très haut débit des opérateurs télécoms - pousse les utilisateurs à rechercher toujours plus de contenus, et les entreprises à adapter leurs usages grâce à de nouveaux services digitaux, notamment la visioconférence ou les services cloud. La virtualisation des réseaux d’entreprise, enfin, est en train de bouleverser les systèmes traditionnels.

En parallèle, deux menaces pèsent sur les opérateurs européens. D’une part, le développement progressif des cartes "e-SIM" directement implantées dans les téléphones et qui feront des constructeurs le point de contact principal pour toute demande d’abonnement. D’autre part, l’offre mobile Google Fi déjà lancée aux États-Unis pourrait arriver prochainement sur le marché européen de la connectivité. Elle permet notamment de masquer l’opérateur pour choisir de passer par le réseau qui fonctionne le mieux.

La nécessité d’adapter ses offres aux nouveaux usages des utilisateurs et entreprises

Pour les entreprises comme le grand public, le premier enjeu des opérateurs télécoms est de fournir des connexions de plus en plus rapides. Pour répondre à cette demande, en déployant la 5G par exemple, ils doivent investir massivement tout en améliorant leur rentabilité. Pour preuve, la couverture de 100 % de la population européenne avec des réseaux fixes à 1Gb/s nécessiterait 700 milliards d’euros d’investissement supplémentaire, alors même que les opérateurs ont déjà investi 150 milliards d’euros dans les réseaux au niveau européen entre 2010 et 2015, selon le rapport "Connectivity for a Competitive Digital Single Market" de la Commission européenne.

Le succès mondial de l’OTT repose sur la simplicité et la fluidité de l’expérience utilisateur, qui sont devenues la norme du marché. Certains opérateurs l’ont bien compris et misent déjà sur la convergence des offres. Orange a d’ailleurs constaté des taux de résiliation de 3 à 9 points inférieurs pour les clients convergents par rapport aux non-convergents.

Mais pour permettre cette diversification des services, les opérateurs devront trouver le juste équilibre entre innovation interne et partenariats. C’est ce qu’a fait NTT Docomo, 4ème opérateur mondial, en lançant sa stratégie "+d" pour diversifier ses services, en misant sur la co-création avec des partenaires. Ces services représentent aujourd’hui près de 15 % des revenus de l’opérateur.

Les opérateurs doivent transformer leur SI pour faire évoluer leurs offres

Historiquement, les opérateurs télécoms ont construit leur système d'information (SI) par itération, rajoutant des briques à chaque nouveau service lancé et créant ainsi des systèmes extrêmement silotés qui nuisent à l’expérience utilisateur. Quelques avancées sont à noter, avec l’apparition des offres convergentes qui ont surtout fait évoluer la présentation des portails clients et la facturation.

Certains opérateurs ont déjà tenté de transformer radicalement leur SI mais sans succès. La raison ? La difficulté de maîtrise du périmètre, la multiplicité des acteurs à synchroniser ou encore la difficulté à maintenir le niveau d’activités opérationnelles habituel.

Aussi, il vaut mieux se concentrer sur des transformations profondes inhérentes aux projets métiers structurants ce qui permettra de transformer par incrément l’organisation, à condition de coordonner les initiatives de transformation vers une cible concertée et cohérente.

Il faut également adopter une triple stratégie. D’abord, une approche top-down qui permet de tirer parti de la digitalisation de la relation client des opérateurs télécoms et de rénover la partie haute du SI. Ensuite, il faut s’appuyer sur la révolution permise par la virtualisation des réseaux et l’arrivée de la 5G pour rénover la partie basse du SI, stratégie dite Bottom-up et mettre en place une gestion découplée et homogène des différents services. Enfin, il faut également tirer parti des projets métiers structurants, par opportunité, pour rénover les stratégies du cœur de SI.

D’un point de vue technologique, le succès de la transformation passera par la capacité à casser ce couplage des applications entre elles, en adoptant les bonnes pratiques d’architecture de SI introduites par les grands acteurs OTT.

La bonne solution est donc d’adopter une gouvernancetransverse dédiée aux transformations et intégrée à la gouvernance des projets, qui a quant à elle pour mission d’accompagner, de superviser, de contrôler, tout en s’appuyant sur des relais dans les équipes applicatives.