La transformation d’Orange Business Services : quelle stratégie pour un marché fortement concurrentiel ?

Orange Business Services (OBS) a su se transformer. À partir d’une activité de spécialiste des télécoms et des services managés, l’entreprise s’est construit un statut de fournisseur de services IT et d’intégrateur avec des solutions bout-en-bout.

OBS a développé une stratégie produit solide s’appuyant sur l’acquisition de sociétés de services IT gérés, dont les plus récentes sont Business & Decision, Basefarm, The unbelievable Machine Company GmbH, Log’In Consultants et Secure Data, et Secure Link pour Orange Cyberdefense. Aujourd’hui, Orange souhaite renforcer sa présence sur le marché mondial des services IT en valorisant son expertise dans les domaines de l’Internet des objets (IoT), du cloud, de la data et de l’intelligence artificielle (AI), du développement d’applications et de la cybersécurité.

Dans le cadre de sa stratégie de développement en Europe, Orange s’est intéressé aux économies émergentes comme celle d’Europe de l’Est. La société a notamment racheté l’entreprise polonaise BlueSoft, présente sur le marché depuis 15 ans avec plus de 80 clients dans le monde. Les acquisitions faites sont également pensées de façon à gagner en compétence dans de nouveaux segments de service. Orange a par exemple augmenté sa présence dans le domaine de l’échange d’information entre acteurs de la santé (en France et à l’étranger) en faisant l’acquisition de la société française Enovacom, spécialiste de l'interopérabilité et de la sécurité des données santé.

Orange corrige sa vision du marché et ses activités pour les concentrer davantage sur le cloud, la cybersécurité, le smartphone et l’IA/l’analytique en suivant une approche fondée sur l’innovation. Au cours des cinq prochaines années, la direction prévoit notamment de faire passer son chiffre d’affaires de 60% télécom à 60% services IT en insistant sur capacité d’intégration en tant qu’opérateur mondial avec une perspective commerciale. Orange travaille à orchestrer les données sur toute la chaîne de valeur numérique pour aider ses clients à produire davantage de valeur. L’intention est de placer le client au cœur de toutes les initiatives.

La proposition de valeur de l’entreprise se fonde sur sa capacité à mobiliser pleinement la dorsale d’infrastructure télécom existante et à intensifier l’effort de co-innovation dans le numérique et les services IT avec ses partenaires et clients. Pour conforter sa position et compléter son activité télécom, Orange a fait plusieurs acquisitions ces dernières années et développé considérablement ses offres, comme le SD-WAN avec de faibles latences obtenues grâce à la technologie Cisco Viptela.

Orange a su témoigner de sa capacité de transformation auprès de certains clients prestigieux, dont DSM, une entreprise néerlandaise d’alimentation et de nutrition, et la marque de cosmétique française L’Oréal. Des multinationales ont également fait appel à ses services, comme un grand groupe de chimie européen, Siemens ou encore Sony.

L’écosystème des partenaires de co-innovation

La stratégie de partenariat d’Orange est souple. Tout en conservant et en perfectionnant progressivement le cœur de ses compétences, comme l’infrastructure réseau et à la connectivité, l’entreprise a cherché à innover en faveur de sa transformation et de celle de ses clients en collaborant avec des partenaires. Disposant d’une grande expérience du déploiement de technologies RPA (robotic process automation) et de l’automatisation appliquée à ses propres données, l’entreprise a développé une stratégie multi-cloud robuste. Fort de son intérêt pour la périphérie des réseaux d’entreprise, le fournisseur rend le Wi-Fi plus robuste et durable pour ses clients et s’intéresse de près aux projets de transformation Wi-Fi en Chine. L’objectif de l’entreprise est de passer d’opérateur télécom à entreprise du numérique, afin d’accompagner ses clients dans la recherche d’équilibre entre flexibilité, coût et valeur. L’écosystème des partenaires est donc décisif et Orange doit mettre en place une stratégie qui les valorise dans ses offres et privilégier les partenaires qui l’aideront à asseoir son positionnement sur le marché.

Orange mise sur l’innovation B2B et les évolutions de la 5G et du Edge computing. Pour exploiter au mieux ces opportunités, la société développe stratégiquement des activités distinctes :

La branche Consulting de la société connait une croissance de 25% depuis 2018 avec trois axes de développement : gestion de l’innovation, stratégie de transformation et amélioration de l’expérience client. Côté numérique, elle a créé une activité dédiée aux start-ups, consacrée aux PME, et développe des scénarios verticaux. Elle co-finance également des projets avec des clients dans le cadre de son programme d’innovation, réduisant le risque pour le client et encourageant les entreprises à développer des technologies innovantes.

Acteur majeur du marché français des télécoms, Orange tend à institutionnaliser les stratégies 5G pour créer de nouveaux écosystèmes B2B. L’entreprise redéfinit la chaîne de valeur numérique pour en faire un « Internet des entreprises ». Sa pratique de consulting vient étoffer ses capacités en vue de s’imposer comme un fournisseur important de services d’intégration de logiciels. Elle a aussi lancé une pratique dédiée à l’intelligence artificielle (IA) et équipe ses consultants d’outils du numérique (Digital Toolbox) afin qu’ils puissent accompagner les multinationales de l’idée d’origine jusqu’à la co-réalisation, avec des méthodologies, des outils et des pratiques. Le consulting technologique joue un rôle prépondérant dans la transformation d’Orange en fournisseur de services IT.

Orange Cyberdefense, le pôle cyber sécurité du groupe, développe ses opérations pour passer d’une présence nationale à la dimension mondiale et vise à court ou moyen terme un chiffre d’affaires d’un milliard d’euros dans la cyber défense. Outre ses plans de croissance en Europe, l’entreprise se déploie également dans des pays francophones d’Afrique via son hub Cyberdéfense au Maroc. Pour se positionner sur le paysage de la cybersécurité, le fournisseur se présente comme un expert européen de premier plan de la cyber défense et met en avant le fait d’être la seule entreprise privée à avoir participé à un exercice de cyberguerre de l’OTAN. De plus, l’Etat français a nommé le CEO de Orange Cyberdefense, Michel Van den Berghe, pour développer un cyber campus en France. Pour Orange, la cyber sécurité reste une activité faisant appel à l’humain, l’automatisation pouvant poser des problèmes de contextualisation des incidents. Pour rivaliser sur ce marché hautement concurrentiel, le fournisseur doit accorder davantage d’attention aux services à base d’IA dans ses acquisitions et pour le recrutement de data scientists.

Orange Cyberdefense propose une offre de sécurité cloud polyvalente. La moitié du marché cloud se compose d’offres de services. Dans ce contexte, le fournisseur investit massivement dans des centres d’opérations de cyber sécurité (SOC), développant en interne les capacités d’un pureplayer et mettant en place des partenariats pour contrer les risques et les menaces dans le cloud public. De plus, ses nombreuses fonctionnalités de sécurité (comme la visibilité des menaces, la réduction des alertes, la gestion de la détection des menaces, la gestion des vulnérabilités de cyber surveillance et les services de réponse aux incidents) composent une approche de sécurité de bout-en-bout permettant gérer les données sensibles des entreprises aux activités coûteuses.

La société a connu plusieurs succès dans les secteurs verticaux de l’énergie de la fabrication industrielle et du pétrole et du gaz, où elle a su répondre aux besoins d’infrastructure et d’applications et déployé des pares-feux virtuels de nouvelle génération pour Microsoft Azure en vue de sécuriser l’environnement du client. L’approche consultative du fournisseur aboutit à une vision unique pour le client en accord avec l’intelligence des menaces de son réseau. Ainsi, les clients peuvent optimiser et adapter leur stratégie de sécurité.

La stratégie Orange Cyberdefense consiste à racheter des entreprises qui ont une approche de sécurité nationale et localisée pour leur offre de services IT. Une stratégie solide de gestion de la sécurité réseau est importante. Considérant que la technologie opérationnelle de sécurité constitue la colonne vertébrale des fournisseurs de services, Orange a œuvré pour se positionner en précurseur sur ce marché. Et comme les technologies disruptives comme SecDevOps séduisent partout dans le monde, elle investit pour affiner ses services gérés et de consulting basés sur ces technologies.

Depuis quatre ans Orange développe son pôle Connectivité, surfant sur des tendances telle que la transformation SD-WAN (software-defined wide area network) des réseaux WAN définis par logiciels. L’activité de connectivité rapproche réseaux WAN et LAN (local area network). Elle permet aux clients de gérer des workloads en périphérie via des solutions SD-WAN et SD-LAN, tout en renforçant la connectivité avec des fonctionnalités 4G/5G. Orange présente ses services orientés IA comme l’un de ses principaux atouts et développe une stratégie visant un réseau basé sur l’IA. Pousser l’IA jusqu’à la périphérie est l’une des ambitions de l’activité Connectivité.

Plus les réseaux sont sophistiqués, plus le trafic gagne la périphérie, ce qui nécessite d’y décharger les services. Partant de ce constat, Orange crée une méthodologie visant à rendre la périphérie du réseau (LAN par exemple) plus intelligente. Il en ressort un réseau plus robuste et unifié. L’entreprise a pris l’exemple de deux clients japonais ayant tiré profit de sa solution de réseau unifié, fondée sur une solution de communications unifiées pour réseaux SD-WAN hybrides. Ces clients opéraient la migration depuis des réseaux conventionnels vers des réseaux intégrés et co-gérés.

L’activité Connectivité propose des accords de niveau de service (SLA) de bout-en-bout sur Internet dans 60 pays. Son offre VaaS (visibility-as-a-service) est l’un de ses principaux atouts : elle surveille l’expérience en cours de transformation, ce qui permet au fournisseur de service de réajuster le tir en cas de dégradation de l’expérience client.

L’intégration des services multi fournisseurs ou MSI (Multi-sourcing Service Integration)

L’intégration MSI est l’un des piliers fondateurs de la personnalisation de nouvelle génération. C’est un moyen d’optimiser les budgets pour les DSI et de conduire la transformation numérique. Son plan de services, robuste et pluridimensionnel, sous la forme d’offres individuelles ou groupées, prévoit un service de tableau de bord où Orange interagit avec différents fournisseurs pour le compte du client. L’intégration MSI se décline en plusieurs facettes, de type MSI for mobility ou MSI Essential, pour tenir compte des spécificités et gérer efficacement un écosystème de plusieurs fournisseurs depuis une interface de service unique. Des politiques d’engagement vis-à-vis de technologies disruptives, comme SD-WAN, sont également prévues pour permettre au client de mieux profiter de l’intégration MSI grâce à une meilleure connectivité clé en main. L’entreprise structure aussi plusieurs contextes hybrides en prévision de l’intégration MSI, par l’automatisation d’actions de routine permettant de gagner du temps et d’anticiper les pannes.

Au vu de l’état actuel de sa transformation et de ses nombreux effectifs télécoms, Orange a encore du chemin à parcourir avant d’atteindre son objectif de chiffre d’affaires généré par les services IT. Une question demeure : quelle réussite pour ses services non-télécoms ? Malgré sa forte croissance organique et non-organique en 2018, surtout pour l’activité Orange Cloud, l’entreprise saura-t-elle développer, synchroniser et vendre des services non-télécoms conjointement à des services télécoms, comme des services réseau/SD-WAN ou de connectivité ? Et saura-t-elle développer et distribuer ces services de façon autonome ? Ceci suppose de rationaliser l’offre et d’identifier une expertise locale, en plus des circuits de distribution et des services. Au fournisseur d’intégrer tout ceci dans son approche de mise sur le marché, puis dans une approche de distribution mondiale.

Au niveau local, les unités travaillent en partie de manière indépendante, pour pouvoir rivaliser avec d’autres fournisseurs de services IT, le fournisseur va devoir adopter une approche mondiale et standardisée. L’organisation commerciale va également devoir changer afin de traiter avec de nouveaux types de centres d’achat parlant une autre langue, surtout sur le marché français. Orange va donc devoir développer des systèmes de gestion des compétences pour toutes ses acquisitions hautement diversifiées. Or ceci s’inscrit dans le contexte actuel de course aux talents. Souvent, les acquisitions entraînent la perte des salariés les plus importants. Il s’agit donc de mettre en œuvre un plan d’action adapté permettant d’optimiser les potentiels internes et externes et les charges de la strategie actuelle. Ceci suppose une conduite du changement à la fois malléable et efficace pour les actuels collaborateurs spécialistes des télécoms. Il faudra également donner une direction aux stratèges en tenant compte des nouvelles fonctions métier et de service IT. C’est ainsi que l’on renforcera le cœur de la nouvelle marque IT, véritable centre d’expertise en termes de cloud, de cyber sécurité et de data science.

Orange va devoir soigner sa stratégie afin d’avoir la meilleure synergie possible avec ses acquisitions. Un workflow fluide ainsi que les capacités acquises et préexistantes permettront d’atteindre un niveau d’excellence des réseaux et des infrastructures indispensables pour permettre aux clients de réussir leur transformation. Pour de nombreux fournisseurs de services IT traditionnels, Orange apparaît comme un concurrent qu’il faut prendre au sérieux. ISG continuera de surveiller le positionnement d’Orange et d’analyser les tendances importantes au travers du programme ISG Provider Lens Program™.