Alexis Bonillo (Zenly) "Nous comptons franchir la barre des 10 millions d'utilisateurs début 2017"

Le cofondateur de l'application française de géolocalisation entre amis veut proposer de nouvelles fonctionnalités et vise le marché américain pour séduire plus d'utilisateurs.

Alexis Bonillo, directeur général et cofondateur de Zenly. © Zenly

JDN. Vous avez levé 22,5 millions de dollars fin septembre dernier, comment va évoluer votre application ?

Alexis Bonillo. Aujourd'hui notre positionnement est très technologique : nous permettons de géolocaliser vos amis de la manière la plus précise possible, en temps réel et sans vider la batterie trop rapidement. Nous voulons désormais nous focaliser sur l'expérience utilisateur, c'est-à-dire l'aider à répondre de manière instantanée à la question pour lui fondamentale "Où sont et que font mes amis en ce moment ?". Nous testons actuellement de nouvelles fonctionnalités comme par exemple un chat intégré, car les gens ont besoin de communiquer une fois qu'ils ont géolocalisé la personne qu'ils cherchent.

Qu'allez-vous en faire de cet argent ?

Nous ouvrons un bureau marketing à San Francisco, là où tous les géants des réseaux sociaux sont déjà. Les Etats-Unis sont aujourd'hui notre deuxième marché derrière le Japon. Viennent ensuite la Corée du Sud, la France, l'Allemagne, le Brésil, l'Indonésie et le Vietnam. Le marché américain pèse 310 millions d'utilisateurs potentiels qui en plus ne parlent qu'une seule langue, ce qui facilite le travail. C'est aussi une formidable caisse de résonance pour faire parler de nous.

"Nous ouvrons un bureau marketing à San Francisco, là où tous les géants des réseaux sociaux sont déjà"

Nous partons d'une notoriété quasi nulle car nous n'avons jamais fait de marketing depuis le lancement de la version bêta de notre app fin 2015. Il faut communiquer sur notre cœur de cible, à savoir les jeunes, et notamment les 13-18 ans. L'idée est de viser principalement les grands rassemblements, où il est souvent compliqué de retrouver ses amis dans la foule et où Zenly trouve tout son intérêt. Nous avons fait des tests en juin dernier sur le Weather Festival à Paris et en 3 jours nous avons enregistré 5 000 nouveaux inscrits, qui pour la plupart continuent à utiliser Zenly, grâce à un simple stand. Pour multiplier ce genre d'initiatives, nous avons levé près de 30 millions d'euros en 6 mois. Nous avons assez d'argent pour nous développer pendant plusieurs années.

Combien Zenly compte-t-il d'utilisateurs aujourd'hui ? Quelles sont vos perspectives de croissance ?

Nous avons atteint les 2,2 millions d'inscrits et nous comptons franchir la barre des 10 millions en début d'année prochaine. Notre croissance est actuellement de 6 à 8% par semaine et à terme nous visons les 2 milliards d'utilisateurs.

Quand pensez-vous être rentables ?

Nous ne prévoyons pas de dégager de revenus dans les 3 à 5 années qui viennent, ce n'est pas notre priorité. Nous ne voulons surtout pas ennuyer nos utilisateurs avec de la publicité ni monétiser le service de quelque manière que ce soit. On le voit avec Viadeo face à LinkedIn ou Dailymotion face à YouTube, chercher à monétiser Zenly serait le meilleur moyen de se laisser dépasser par des géants américains.

Comptez-vous développer votre propre système de cartographie ?

Nous allons améliorer le système de géolocalisation, pas dans sa précision car elle est déjà très bonne, mais dans le but de rendre nos algorithmes plus performants et réactifs. Nous voulons aussi trouver des alternatives pour localiser les smartphones autrement que par le réseau cellulaire.

"Nous allons améliorer le système de géolocalisation et rendre nos algorithmes plus performants et réactifs"

Pour y parvenir nous avons créé une équipe de data science et de machine learning. Nous sommes aujourd'hui 31 au sein de la société et une dizaine de profils techniques devraient nous rejoindre dans les prochains mois, en plus de l'équipe marketing aux Etats-Unis et de quelques autres sur nos principaux marchés. Mais nous souhaitons conserver un ADN à la WhatsApp, où ils n'étaient que 50 à travailler dans l'entreprise à sa revente.

Parmi vos investisseurs il y a Benchmark Capital, investisseur historique de Twitter, Instagram et Snapchat, notamment, et Peter Fenton, l'un des membres du conseil d'administration de Twitter. Est-ce que des partenariats avec de grands réseaux sociaux sont envisageables pour vous ?

Ils nous ont tous sollicités car ils sont intéressés par notre technologie de géolocalisation. Mais à nos yeux un partenariat est synonyme de perte de focus. De plus, nous n'avons pas envie de nourrir leur service. Nous ne proposons d'ailleurs pas de connexion avec Facebook ou n'importe quel autre réseau pour la création de compte sur notre appli, qui ne peut se faire qu'avec un numéro de téléphone. Notre volonté est de rester indépendants. Le jour où l'on estimera que cela devient intéressant pour nous, alors on y réfléchira. Mais ce ne sera pas dans l'immédiat.

"Un géant indonésien de la livraison de repas à domicile utilise Zenly pour informer les clients en temps réel sur la position de ses livreurs"

Des conducteurs de bus au Chili se servent de votre app pour partager leur position avec leurs passagers pour les prévenir de leur heure d'activité exacte. Pourriez-vous proposer des services BtoB ?

Nous avons aussi en Indonésie une grande entreprise de livraison de repas à domicile qui localise chaque jour avec Zenly une centaine de livreurs à scooter pour prévenir ses clients de leur arrivée en temps réel. Les usages possibles sont nombreux mais nous préférons laisser nos utilisateurs faire ce qu'ils veulent de l'application et ne pas se lancer dans le BtoB. C'est un canal de monétisation possible mais il est encore trop tôt pour le développer. Notre concurrent Glympse le fait car il n'a justement pas réussi à réaliser ce que nous faisons sur le BtoC

Nous ne visons pour l'instant que les fabricants de smartphones comme Wiko, avec qui nous préparons un partenariat pour préinstaller l'application sur l'un de leurs nouveaux modèles, et les opérateurs téléphoniques, qui pourront nous être utiles pour améliorer notre service.