Le capteur IoT, un objet connecté à coût variable

Le capteur IoT, un objet connecté à coût variable Le prix d'un capteur varie de quelques euros à plus de 100 euros. Pour maîtriser leur budget, les entreprises doivent calculer le ROI qu'elles attendent avant d'effectuer un déploiement IoT à grande échelle.

L'industrialisation de l'IoT se précise, selon les acteurs du secteur, mais pour que les projets se concrétisent, le coût des capteurs doit être abordable. Ce paramètre fait partie des arguments qui freinent les déploiements à grande échelle, selon l'étude IoT Signals réalisée en août 2019 par Microsoft. Dans le choix des entreprises de recourir ou non à des objets connectés, le prix des capteurs demeure en effet déterminant. A l'unité, un device représente une dépense oscillant d'une dizaine à une centaine d'euros. "Pour déployer des capteurs à grande échelle, les entreprises devront généralement débourser plus d'un million d'euros, un budget qui explique leur réticence", résume Samir Djendoubi, CEO et stratège IoT chez IoTBox, distributeur français de solutions d'IoT industriel.

Les déploiements ont tout de même été facilités ces dernières années par une chute de la valeur du microcontrôleur sur le marché. Selon une étude publiée en juin 2019 par GP Bullhound, banque internationale d'affaires et de conseil dans le secteur technologique, le coût par unité, établi à 1,3 dollar en 2004, se chiffrera à 0,4 dollar en 2020. "Pour un fabricant, le coût de revient d'un capteur de température, par exemple, est aujourd'hui de 10 dollars, avec la plasturgie fixée à 3 dollars et ses marges, l'appareil sera commercialisé à partir de 15 dollars", précise Laurent Rousseau, PDG d'Oceasoft, concepteur français de capteurs intelligents et connectés pour l'industrie.

"Un capteur de mesures environnementales revient à plusieurs dizaines d'euros"

Pour maîtriser le budget d'un projet IoT, le premier élément qu'une entreprise doit définir porte sur le choix des fonctionnalités. "Un accéléromètre ne coûte pas plus d'un euro, un capteur de mesures environnementales – température, CO2, etc. – revient à plusieurs dizaines d'euros, tandis qu'un capteur fonctionnant en edge computing coûtera une centaine d'euros puisque le microcontrôleur sera remplacé par un microprocesseur", explique Thierry Roy, architecte solutions clients chez Altyor, groupe français spécialisé dans la conception et la fabrication d'objets connectés. Ce dernier rappelle que le montant varie aussi en fonction de la précision de ces fonctionnalités, puisque les composants sélectionnés ne seront pas les mêmes. Les capteurs dotés de GPS figurent quant à eux parmi les plus chers.

L'usage influe également sur le tarif : un capteur de consommation d'énergie pour le grand public par exemple sera moins robuste qu'un appareil industriel puisqu'il n'y a pas de contrainte mécanique. Son prix sera ainsi plus accessible. "En moyenne, le prix d'un objet connecté grand public en sortie d'usine représente un quart du montant auquel il est commercialisé", indique Thierry Roy, chez Altyor.

Une demande croissante source de pénuries

Avec les déploiements à grande échelle, l'achat de capteurs en grand volume permet de faire baisser la facture. "Dans son choix de capteur, il faut aussi distinguer les solutions sur étagère des solutions sur mesure. Ces dernières demandent en général dix mois de travail et un budget de développement de 200 000 euros mais sont meilleures marchés à grande échelle", ajoute Valérie Balavoine, CEO de Connit, intégrateur de solutions IoT.

Autre point de vigilance : les ruptures de stock. "Avec les demandes importantes, il faut faire attention aux risques de pénuries de matériaux", met en garde Laurent Rousseau, PDG d'Oceasoft. Un problème auquel a été confronté la start-up Aveine dans la production de son aérateur connecté de vin : "Face au manque de composants électroniques, nous avons dû faire appel à d'autres fournisseurs, ce qui nous est revenu plus cher et a engendré des retards de livraisons. Certains composants électroniques nécessitaient 48 semaines d'approvisionnement", se remémore Matthieu Robert, cofondateur d'Aveine, qui a mobilisé depuis le début du projet plus de 2 millions d'euros.

Le LTE-M, protocole le plus cher

Au-delà de l'acquisition du hardware, les entreprises doivent prendre en compte l'ensemble de la chaîne de valeur. "Un objet connecté ne peut pas fonctionner sans connectivité et sans l'analyse des données. Il faut aussi songer à l'abonnement aux serveurs et à l'électricité", souligne Joël Rubino, CEO et cofondateur de Cartesiam, éditeur de logiciel spécialisé en machine learning embarqué dans les microcontrôleurs. Concernant les réseaux, les modules Wi-Fi et Bluetooth sont les moins onéreux. "Les réseaux LPWAN, un peu plus chers – notamment en raison de la licence à payer à l'Alliance LoRa pour les réseaux LoRaWAN – reviennent à 3 euros par an et par capteur en général. Le LTE-M représente actuellement le protocole le plus onéreux, à plus de 15 euros", analyse Diego Vega, head of engineering chez WiredScore, entreprise spécialisée dans la labellisation de connectivité Internet pour les immeubles de bureaux. "Le coût de connexion d'un objet connecté est passé entre 2007 et 2014 de 40 000 à 100 dollars", complète Guillaume Bonneton, partner chez GP Bullhound.

"Les solutions SaaS permettent aux clients de calculer leur retour sur investissement avant de déployer de l'IoT"

Pour l'ensemble des acteurs interrogés, la batterie est l'élément le plus cher de la chaîne de valeur. "Son remplacement est à anticiper dès le début du projet", prévient Laurent Rousseau, d'Oceasoft. Pour Altyor, la sécurité représente aussi un élément essentiel dans le développement d'un produit connecté. "S'il faut ajouter un secure element à l'objet pour que l'objet puisse crypter les informations transmises, cela implique forcément un surcoût. Dans la démocratisation d'objets connectés destinés au grand public, beaucoup n'ont pas intégré la sécurité dès le départ. Pour les capteurs industriels destinés aux entreprises, c'est un élément critique", observe James Newton, directeur commercial d'Altyor.

Pour éviter les coûts cachés, des entreprises comme Koovea proposent leurs solutions en SaaS. "Cela permet aux clients de calculer leur retour sur investissement avant de déployer de l'IoT et d'éviter les surprises provenant de la maintenance, de la sécurité ou de la formation d'informaticiens", assure Adrien Content, président et cofondateur. Pour Olivier Pagès, président et fondateur de l'entreprise ffly4u spécialisée dans le suivi d'actifs industriels, l'avantage pour les grands groupes d'un abonnement mensuel à la place d'un investissement en interne, en opex, est d'éviter une chute de leur Ebitda. Le ROI est le point clé qui détermine le succès d'un déploiement, assure le fabricant Editag : "Peu importe le coût de la solution, si elle offre un ROI en six mois et apporte des améliorations concrètes, cela fera toute sa valeur."