Christophe Clément-Cottuz (SBA) "Les économies d'énergie vont faire entrer le numérique dans les projets de smart hospital"

A l'occasion de l'IoT Day ce mercredi 5 avril, Christophe Clément-Cottuz, co-président de la commission Smart Hospital de la Smart Building Alliance, revient sur la création du cadre de référence dédié aux bâtiments hospitaliers et les enjeux liés à l'IoT pour le secteur.

Christophe Clément-Cottuz, co-président de la commission Smart Hospital de la SBA. © Christophe Clément-Cottuz

JDN. A l'occasion de l'IoT Day, vous présentez une conférence sur le cadre de référence développé par la Smart Building Alliance (SBA) pour le Smart Hospital. En quoi consiste-t-il ?

Christophe Clément-Cottuz. Ce cadre de référence, appelé Ready2Services 4 Care, a pour objectif de faire émerger un référentiel de certification destiné au parc hospitalier et une méthode pour bien concevoir un bâtiment intelligent dans ce secteur. La SBA a déjà développé un référentiel, Ready2Services (R2S), pour le tertiaire et le résidentiel, mais le contexte bâtimentaire hospitalier est particulier : un centre hospitalier regroupe une multitude de bâtiments avec de nombreux espaces spécialisés (par exemple, Les Hospices Civils de Lyon regroupent 13 hôpitaux publics de la métropole de Lyon, ndlr). Quand on observe le marché, on se rend compte que les nouveaux chantiers se rêvent tous en hôpitaux intelligents, mais il y a des erreurs d'évaluation, un manque de budget et finalement peu d'exemples en France. Ce cadre de référence vise ainsi à sensibiliser les maîtres d'ouvrage et à proposer une méthode pour savoir comment bien intégrer le numérique dès le départ. Car intégrer la technologie après coup revient plus bien cher.

Comment le cadre de référence est-il structuré ?

Il se veut une plateforme de services qui conjugue numérique et développement durable. Nous y détaillons trois socles. Le premier porte sur le réseau, pour déterminer quelles connectivités choisir, comment connecter le bâtiment et les équipements, quelle architecture réseau mettre en place pour avoir une disponibilité 24 heures sur 24, comment interfacer les objets connectés entre eux, etc. Le deuxième socle concerne le management responsable, comprenant l'engagement qualité ou la politique RSE. Et le troisième socle est dédié à la sécurité, celle du bâtiment et la cybersécurité. Ce sont sur ces trois socles que peuvent s'appuyer le développement de services. Nous en avons identifié cinq majeurs : les services énergétiques, la géolocalisation de matériel, le pilotage du bâtiment, la gestion des présences et de l'occupation des espaces et la connexion du smart hospital à la smart city.

Le thème 2023 de l'IoT Day traite des économies d'énergie. Que représente-t-il pour le smart hospital ?

En France, le smart hospital n'en est qu'à ses débuts. Le réglementaire, poussé par les besoins d'économies d'énergie, va faire entrer le numérique dans les projets. Deux exemples : le décret BACS du 20 juillet 2020, pour "Building Automation & Control Systems, impose aux bâtiments tertiaires de mettre en place une GTB de classe A, c'est-à-dire un système d'automatisation et de contrôle des bâtiments d'ici le 1er janvier 2025 si le système de chauffage ou de climatisation a une puissance nominale supérieure à 290Kw. De même, le décret tertiaire prévoit, pour tout gestionnaire de bâtiments tertiaires de surface plancher supérieure ou égale à 1 000 m², de réduire leurs consommations d'énergie de 40% avant fin 2030, ce qui ne peut se réaliser que par l'aide de la technologie. Ces deux règlements vont forcer la connexion de milliers d'objets connectés pour réaliser des économies d'énergie, et cela va faire évoluer le smart building. 

Comment les objets connectés sont-ils perçus dans le monde hospitalier ?

Le capteur représente une révolution pour le système bâtimentaire. C'est par cet objet connecté que l'on peut gérer les services énergétiques ou assurer les services de géolocalisation pour savoir où se trouvent des pousses-seringues ou des fauteuils roulants dans le bâtiment. Ils deviennent liés à la pratique, avec les dispositifs anti-intrusion pour assurer la sécurité, anti-chutes ou anti-fugue pour le suivi des patients, sans oublier que l'IoT favorise la télémédecine et la chirurgie connectée. La valeur ajoutée des capteurs est de pouvoir être multifonction, en gérant par exemple l'éclairage en fonction de la présence dans une pièce. La difficulté, c'est que pour être efficace, l'IoT doit être déployé comme un réseau complémentaire qui doit être pensé dès la construction du bâtiment hospitalier. Il faut savoir comment organiser et protéger ces réseaux. L'interopérabilité et l'interconnexion des équipements sont essentiels.

Quels sont les enjeux à venir ?

L'objectif de l'hôpital est de ne pas perdre le contact avec ses patients. L'IoT sera donc incontournable et sera déployé par dizaines de millions de devices. Il faudra aussi faire le lien entre le smart building et la smart city. Mais le milieu hospitalier n'en est qu'à ses débuts. La SBA entend ainsi expliquer, avec ses 500 adhérents issus de tous les corps de métier, ce qu'est le bâtiment intelligent et qu'il est nécessaire de le concevoir dès la construction du bâtiment. Les possibilités sont encore à imaginer, avec l'energy harvesting, l'intelligence artificielle et la 5G. C'est pourquoi des événements comme l'IoT Day France sont importants pour aider à comprendre et à maîtriser la technologie.

Retrouvez l'intervention de Christophe Clément-Cottuz lors de l'IoT Day, ce mercredi 5 avril à 17 heures, sur place ou en ligne.

Christophe Clément-Cottuz est expert du numérique pour la santé et des projets complexes. Il collabore avec le réseau Leader Health basé à Genève au développement du "Digital Hospital". Depuis 2006, il est intervenu dans de nombreux projets numériques hospitaliers avec des missions de conseil portant sur la conception du "Digital Hospital", le développement de logiciel, la construction de business case ou encore l'organisation des directions informatiques. Il est co-président de la commission Smart Hospital de la Smart Building Alliance. Il participe également aux travaux de la commission santé du Syntec Numérique et du HIMSS.