Sébastien Berten (Backelite) "Le mobile n'est qu'une composante d'un écosystème d'écrans"

Alors que les systèmes d'exploitations et les nouveaux types d'écrans se multiplient, le cofondateur et PDG de l'agence Backelite donne sa vision de la convergence Web-mobile.

JDN. Backelite s'est historiquement positionné uniquement sur le mobile. Ce parti pris n'est-il pas dangereux aujourd'hui, alors que la tendance est de plus en plus à la convergence des écrans ? 

Sébastien Berten. Non. Historiquement, nous étions très proches de Fullsix [qui détient encore 24 % du capital de Backelite, ndlr]. Nous avions créé ce rapprochement avec Fullsix sur la base de la convergence Web-mobile. Nous nous sommes aperçus qu'il ne s'agissait pas d'une préoccupation de nos clients. Sur la cinquantaine de clients que nous comptons, seuls quatre sont communs avec Fullsix. Il existe vraiment une démarcation dans la tête des clients entre le Web d'un côté et le mobile de l'autre. Le Web est aujourd'hui un canal considéré comme étant maîtrisé. Sur le mobile et les nouveaux écrans en revanche, il y a encore un besoin d'accompagnement et de conseil. 

Quelle vision ont vos clients de la convergence ? 

Aujourd'hui, nos clients ne nous parlent pas de convergence entre le mobile et le Web. En revanche, ils nous parlent de multi-écran. La multiplication des écrans dans l'environnement des consommateurs les pousse à se demander comment passer d'un smartphone à une tablette, par exemple, puis d'une tablette à une télévision. Etonnamment ils font confiance aux agences mobile pour analyser ce qu'ils ont déjà sur le Web et l'intégrer dans une stratégie de mobilité. Ils ont souvent l'impression que les agences Web n'ont pas encore intégré le mobile, que ces acteurs subissent le mobile comme un canal plein de contraintes par rapport au Web, une sorte de punition. Au contraire, c'est un canal plein d'opportunités. 

"Les applications hybrides sont une solution à la multiplication des OS"

Comment percevez-vous la multiplicité des systèmes d'exploitation mobiles ? 

En termes d'OS les choses sont déjà très compliquées et l'arrivée de Windows Phone 7 ne simplifie pas les choses. Si l'on regarde l'équation globale pour un annonceur, il y a un réel problème de coûts. S'il veut atteindre un certain ROI, il doit être très vigilant à ses investissements.  

Quelles solutions voyez-vous à ce problème ? 

L'une des solutions vient des applications hybrides, qui intègrent dans une application des éléments d'un site mobile. Concrètement, ce type d'application peut s'apparenter à une coquille vide dans laquelle on ne code en langage natif que les pages les moins chères à développer, généralement celles sur lesquelles on cherche à intégrer des effets d'animation. Mais les pages qui coûtent le plus cher à un client, celles qui sont fortement connectées à son système d'information, peuvent être de simples pages Web. Il devient possible par la suite de réintégrer ces pages Web sans réel surcoût dans la déclinaison de l'application pour un autre OS. L'ensemble donne une impression de navigation "sans coutures", c'est-à-dire invisible pour l'utilisateur. Ce n'est donc pas parce que l'on dispose d'une ou plusieurs applications qu'il faut par ailleurs se passer d'un site Internet mobile. 

Et comment percevez-vous l'émergence ce nouveaux écrans, tablettes et télévisions connectées ? 

Nous sommes convaincus qu'il y a un vrai marché pour ces terminaux, dont certains permettront aussi de téléphoner. On se rend compte qu'un écosystème d'écrans, dont le mobile n'est qu'une composante, est en train de se mettre en place autour de nous. 

"Faire tourner différentes informations entre différents écrans"

Comment cet écosystème va-t-il influencer les comportements des marques et des consommateurs ? 

Je pense qu'il va conduire à l'abandon de ce que l'on appelle le phénomène de l'application "me too" qui désigne un simple portage d'une application d'un OS à l'autre ou d'un type de terminal à un autre. La technologie et les différents types d'écrans sont aujourd'hui suffisamment intelligents pour pousser la convergence plus loin que cela : faire tourner différentes informations entre différents écrans, au lieu de faire tourner la même information sur tous les écrans. 

C'est-à-dire ? 

En présentant l'iTV en septembre dernier, Apple a montré comment un utilisateur d'iPad pouvait, sans fil, diffuser sur son écran de télévision, un film lu depuis la tablette. Ce type de fonctionnalités est aujourd'hui possible pour les applications, permettant à leurs utilisateurs de basculer tout ou partie du contenu, textes, images, vidéos, d'un écran à un autre. Les précurseurs de cette tendance ont été les "applications télécommandes", qui permettent par exemple de commander une box à distance depuis un smartphone. 

Quelle est la finalité de cette tendance ? 

On se rend compte que des écosystèmes concurrents sont en train d'apparaître. D'un côté celui d'Apple, avec Mac OS, l'iPhone, l'iPad et l'iTV. De l'autre, Microsoft avec Windows, Windows Phone et la Xbox sur la télévision, Mais il y a aussi Google avec Android pour smartphones et tablettes et Google TV. N'oublions pas Samsung, qui dispose de fortes parts de marchés à la fois dans la vente de terminaux mobiles et de télévisions et qui possède aussi son OS mobile, Bada. Chaque acteur essaie de capter l'utilisateur et de le garder le plus possible dans son univers technologique. Notre vision est que ces univers sont bénéfiques car ils encouragent l'innovation. 

Au milieu de tout cela, il y a les marques... 

Elles n'ont pas envie de se faire happer par un écosystème technologique et cherchent des moyens de les décloisonner. Ces systèmes ont tous une constante : ils sont connectés par l'IP. Les adresses IP de ces écrans permettront à l'annonceur de les faire communiquer entre eux, quel que soit l'écosystème technologique auquel ils appartiennent. C'est cela l'avenir de la convergence. 

Ingénieur Epita, Sébastien a commencé sa carrière chez Atos en tant que consultant sur les sites de home banking du crédit Lyonnais. Il a par la suite pris la tête des équipes de développement d'Internet Telecom où il a travaillé à la mise en place des FAI de grandes marque (M6Net, SG / VooNoo, PPRi / Magéos, Cegetel?). Sébastien a ensuite rejoint Vizzavi en tant que responsable des développement puis SFR en tant que responsable des équipes techniques des portails web et mobiles. Depuis décembre 2006, Sébastien Berten est le Président cofondateur de la société de développement de services mobiles Backelite.