"La force de Dot Corp est d'être constitué d'opérationnels"

Les fondateurs de Pixmania ont créé Dot Corp, un fonds d'investissement qui a notamment misé sur Deezer. Steve Rosenblum nous explique les ambitions et le fonctionnement de ce fonds.

Quand avez-vous crée ce fonds, et pourquoi ?

Mon frère Jean-Emile et moi avons crée Dot Corp Private Equity Fund tout début 2007, mais les prémices datent en réalité d'avril 2006, lorsque nous avons fait un premier investissement en LBO. Nous avions récemment cédé quelques titres dans Pixmania et avions donc un peu d'argent à investir. Or, très régulièrement, des personnes venaient nous voir avec des dossiers et des propositions d'investissement dans leur société ou dans des projets à développer. Mais nous n'avions pas de moyen pour y investir autrement qu'à titre personnel. On a donc décidé de créer un fonds pour que d'autres personnes puissent aussi investir à nos côtés.

Quel est le montant de ce premier fonds et son positionnement ?

Le fonds s'élève à 16 millions d'euros. Quant au positionnement, je le qualifierais d'opportuniste sur le monde d'Internet. Il peut s'agir aussi bien de l'amorçage d'un projet, de son développement après une première levée de fonds, ou d'une levée plus significative pour un développement à l'international ou une acquisition. Les investissements peuvent donc aller de 500.000 à 5 millions d'euros. L'important est que nous puissions toujours avoir un poids significatif dans les choix du management. Avec Pixmania, nous avons connu des crises, or nous savons inévitablement que les mêmes crises, qu'elles soient informatiques, financières ou d'organisation, pourraient survenir dans les projets que nous suivons. Nous souhaitons par conséquent profiter de notre expérience pour bien les orienter et faire fructifier nos investissements.

Jusqu'où vous investissez-vous dans le fonctionnement de Dot Corp ?

Nous n'avons pas voulu ouvrir un fonds trop important dès le début, parce que nous avons aussi nos fonctions de dirigeants de Pixmania et de Fotovista à assumer. Nous avons donc décidé de créer un fonds où nous serions en mesure de suivre les investissements, tout en constituant une équipe dédiée à leur suivi quotidien. La présidente de la structure est une ancienne directrice générale d'un fonds d'investissement de la place de Paris.

Quel est alors votre rôle dans le fonds ?

Il a plusieurs niveaux ou étapes dans la vie d'un fonds. Il faut en premier lieu trouver les dossiers et c'est surtout à ce niveau là que nous intervenons mon frère et moi. Il est important que nous 'sentions' le dossier. Pour cela nous rencontrons le management, nous observons le positionnement du projet... : c'est là qu'est notre valeur ajoutée ! Pour ce qui est de la réalisation de l'opération en elle-même, nous intervenons beaucoup moins, car ce sont des questions surtout juridiques. Les deux étapes suivantes sont la maintenance et le suivi de la participation. Dans la première, nous intervenons pour les choix stratégiques en participant aux conseils d'administration. Nous veillons aux possibilités de croissance et conseillons les dirigeants en les aidant à faire la part des choses.

Qui participe à votre fonds ?

Ils y a six personnes qui ont toutes réalisées une part de leur patrimoine et qui nous font confiance pour en allouer une partie à ce type d'investissements. Il a aussi bien des entrepreneurs, que des gens qui viennent de la finance ; des jeunes, que des plus vieux... Il n'y a pas de profil type en somme, si ce n'est qu'ils ont tous confiance en notre lecture de l'e-commerce et d'Internet en Europe.

Participent-ils aux décisions ?

Oui, une partie d'entre eux fait partie d'un comité stratégique d'investissement. Comité au sein duquel nous discutons des dossiers, et où nos savoirs professionnels respectifs se complètent et permettent d'analyser les projets aussi bien du point de vue du risque économique et financier que des opportunités entreprenariales à terme.

Comment vous différenciez-vous d'autres fonds, peut-être plus connus ?

Notre principale force est d'être constitués d'opérationnels au sein d'entreprises. Nous n'avons pas forcément un pedigree d'investisseurs en capital, mais venons au contraire de l'entreprise en général. Et lorsque nous sommes en compétition avec d'autres fonds, nous intéressons les managers parce que nous parlons le même langage qu'eux et nous nous intéressons à des problématiques qui leurs sont quotidiennes.

Comment choisissez-vous les dossiers ?

Nous n'analysons pas les sociétés comme les grands fonds, en faisant faire une analyse stratégique du marché par une société de consulting. Nous essayons plutôt de voir si le projet a du sens et de comprendre comment les clients ressentent le produit ou service de la société. Nous discutons donc avec des clients, avec les fournisseurs et surtout avec le management. Il s'agit de jauger s'il est capable de relever le défi. Car si généralement les projets sont bons, les managements ne sont pas toujours aptes à relever le défi. C'est vraiment cette relation de personne à personne qui compte pour nous.

Sur quel dossier avez-vous investi ?

A peu près 50 % du fonds sont aujourd'hui investis, notamment sur Deezer (lire article Deezer signe avec Universal dans 35 pays, 15/05/08) et Le Guide des Promos (lire article Guidedespromos et Brozengo mettent le commerce offline sur le Web, 07/08), mais aussi sur le LBO Primavista, une ancienne activité de Fotovista que nous avions cédée à un fonds et qui est en train d'opérer une mutation vers l'e-commerce. Trois dossiers purement Web sont par ailleurs en cours de signature, les négociations devraient être terminées d'ici la fin de l'été. Nous avons aussi investi dans une structure en Israël, dénommée Alone, qui ne touche pas Internet mais plutôt le secteur de l'automobile.

Vous avez d'autres projets ?

Nous travaillons à un deuxième fond, dont la collecte devrait débuter au dernier trimestre 2008 et se finaliser en mars ou avril 2009. Nous visons une cinquantaine de millions d'euros pour des tickets entre un et dix millions d'euros. Il s'agira de financer des projets de sociétés en phase de développement ou d'acquisition, partout dans le monde. Nous étudions déjà des dossiers en Israël, en Suède et en Angleterre. Le positionnement sera similaire à celui du premier.

PARCOURS :

Steve Rosenblum a pris la tête du groupe Fotovista - crée par son père et son oncle - en 2001, à 27 ans, après l'avoir racheté avec un fonds d'investissement. Il fait prendre alors au groupe, avec son frère Jean-Emile, le tournant d'Internet en lancant Pixmania.com. Auparavant, il s'était chargé au sein du groupe familial de son développement à l'international. Il a parallèlement développé une cellule d'achats en Asie du Sud-Est, et une société de montres personnalisées en Inde, à Hong-Kong, Taiwan et en Thaïlande. Sa première expérience date de 1995, lorsqu'il crée une société de photographies au Canda, et la revend un plus tard pour rentrer en France. Il est titulaire d'un Bachelor of Commerce de l'université Concordia de Montréal, au Canada.