Pourquoi ‘Facebook Connect’ nuit à la diversité des opinions publiées sur le Web
Facilité d’inscription, viralité, … les avantages qu’offre Facebook Connect aux éditeurs sont nombreux. Mais en supprimant l’anonymat des commentaires, ce module met en péril la diversité des opinions publiées sur le web. En voici les raisons.
Plantons le décor.
Ce matin, au gré de votre surf quotidien sur la toile, vous
tombez sur un nouveau site d’actu passionnant ou sur un blog prometteur
traitant de vos centres d’intérêt. Vous commencez par lire les échanges… jusqu’à ce que l’un d’eux vous
interpelle : vous aussi, vous souhaitez donner votre opinion. 5 minutes
pour remplir un formulaire indiscret afin de vous inscrire ? Ce n’est plus
vrai depuis que le module Facebook Connect s’est répandu sur la toile. Via
votre compte Facebook, 2 clics suffisent pour rejoindre la communauté. Un
exemple ? Essayez de commenter cette chronique du Journaldunet.com !
Des millions de sites et de blogs dans le monde auraient
adopté le Facebook Connect et dans une moindre mesure l’équivalent chez Twitter. Ce dernier étant moins répandu mais bien plus rassurant car les données personnelles partagées sont moins
nombreuses.
Certains sites ont même abandonné leur propre système d’inscription pour ne
proposer que ce module.
Et à chaque fois on observe le même scénario :
1) Un plus grand nombre d’inscrits,
2) Mais le volume de commentaires chute nettement,
3) Un pourcentage de messages « hors charte » et de trolls en baisse,
mais qui reste significatifs,
4) Mais un appauvrissement de la diversité des opinions et de l’intensité des
débats.
Voyons ces points un à un :
1) Un plus grand nombre
d’inscrits…
Pour l’internaute désireux de s’inscrire, on l’a vu, c’est
un gain de temps appréciable. L’inscription impulsive en est facilitée.
Pour l’éditeur(ou le blogueur), cela va bien au-delà. Ce qu’un membre publiera
sur le site (ou le blog) a de bonne chance de se retrouver sur le Wall Facebook
de ce membre. Et d’être ainsi partagé avec ses amis ! Viralité
garantie : démultiplication des lecteurs dont une partie sera tentée de
devenir membre à son tour. C’est un cercle vertueux.
2) Mais le volume de
commentaires chute…
Paradoxal ? Pas tant que cela.
On parle de 38 millions d’internautes pour 25 millions de comptes actifs
Facebook. En admettant qu’il n’y ait qu’un individu derrière chaque compte
Facebook, cela fait au bas mot 13 millions de personnes sur le bas-côté. Et pas forcément celles qui
ont le moins de chose à dire ! En outre, il ne suffit pas d’avoir un
compte Facebook pour savoir se connecter via Facebook Connect (ou vouloir le faire). On serait surpris de connaitre le
nombre d’internautes qui pensent ne pouvoir accéder à leur webmail que depuis
leur propre PC !
Résultat : une part importante des internautes ne peut plus (ou ne
souhaite plus) commenter.
3) La fin des trolls et
des messages « hors charte » ?
Un certain nombre de rédacteurs en chef Web ou de blogueurs
que j’ai pu interviewer pensent que l’absence d’anonymat suffit à chasser les
Trolls. Privé d’anonymat, le troll devrait passer son chemin et aller « troller »
ailleurs. Qui imaginerait qu’un internaute logué avec son compte Facebook
puisse se transformer en troll ? Et pourtant… Facebook Connect ne réduit
que partiellement le trollisme et les débordements « hors charte ».
Il y a de multiples exemples mais citons-en deux récents.
Le premier : la
page Facebook de Charlie Hebdo, version Charia Hebdo, attaquée par des milliers
de commentaires extrêmement violents, souvent racistes … et tous signés par un
compte Facebook avec prénom, nom et avatar.
Deuxième exemple : l’affaire
DSK. Sur sa propre page Facebook, DSK se fait régulièrement agressé par des
« Fans ». L’un de ces internautes s’est même permis un commentaire
d’une rare violence, sans prendre de pseudo et avec un avatar le montrant en
photo avec ses enfants ! Plus globalement, il suffit de surfer sur certains
Groupes Facebook pour s’en rendre compte.
4) Mais un appauvrissement de la diversité des opinions exprimées
Facebook Connect prive donc les gens d’anonymat. Et là, on
entre dans un débat sensible. Combien de reporters TV masquent le visage des
gens qu’ils interviewent ? Combien de journalistes de la presse écrite
change le prénom d’un témoin ? Pourquoi cela devrait-il être différent sur
le web ? Je peux être syndiqué, membre d’une secte ou d’un parti politique
qualifié d’extrême. Je peux avoir un avis non conventionnel et l’envie d’entrer
dans le débat pour défendre mes opinions… sans que tous mes « amis
Facebook » (famille, amis, collègues…) le sachent.
Faudra-t-il créer un faux compte Facebook pour cela ?
Sans anonymat, les langues ne se délient pas.
Et certaines opinions ne
sont pas exprimées...
La profusion d’information n’a jamais était aussi forte.
Tous les médias traditionnels ont d’excellents sites d’actualités et de
nouveaux « pure players » font parler d’eux (Huffington Post version
française, Newsring, Quoi.info…).
La diversité des articles est assurée… mais celle des
débats ?