Le projet de loi Olivennes : un marché de dupes ?

Le rapport Olivennes avait deux objectifs : "désinciter l'offre illégale" et "inciter au développement de l'offre légale sur internet". La loi Création et Internet permet d'atteindre le premier, tandis que de simples promesses servent le second.

Le rapport de la mission Olivennes, qui a servi de base à l'élaboration de la future loi "Création et internet", recommandait aux pouvoirs publics d'avancer simultanément   dans deux directions :

- "Inciter au développement de l'offre légale sur internet"

-  "Désinciter l'offre illégale"


A lire le texte du projet de loi adopté le 18 juin dernier par le Conseil des Ministres, à l'évidence,  le compte n'y est pas !

 

Rien en effet dans les articles de la future loi sur la facilitation des offres légales mais  tout ou presque sur la "désincitation"... avec force détails sur la composition et les pouvoirs de sanction de la Haute Autorité pour le développement des oeuvres et la protection des droits sur internet, la déjà célèbre Hadopi.

 

Depuis la publication du projet de loi, le débat se focalise sur la conformité du dispositif de sanctions proposé avec les principes généraux de notre droit. Rien ou presque en revanche sur le déséquilibre de la réforme et le renoncement aux objectifs de départ.

 

Pourtant, le Président de la République, Nicolas Sarkozy, en recevant le rapport de la mission Olivennes le 23 novembre dernier,  avait lui-même insisté sur la nécessaire réciprocité des mesures et promis la fin des brimades imposées aux acheteurs de musique numérique:  "Fini, les musiques achetées sur une plateforme A et qu'on n'arrive pas à lire sur un lecteur B ou sur son téléphone portable, alors qu'on pouvait le faire sans problème pour un fichier piraté (ce qui est quand même le comble)..."

 

Réciprocité sans doute mais pas dans la loi : d'un côté, de simples promesses  de démantèlement des freins techniques au développement de l'offre de musique légale - les fameux DRM - (ou, du côté du cinéma, un "engagement à entamer rapidement des négociations") et de l'autre, des mesures répressives très précises, inscrites dès cette année dans le marbre de la loi.

 

Pourquoi un tel déséquilibre ? Et comment croire à la concrétisation des promesses des majors de la musique dont certains dirigeants continuent aujourd'hui  à proclamer haut et fort, leur hostilité à tout démantèlement des DRM  ?

 

Pourquoi ne pas garantir dans la loi, au nom du respect des intérêts du consommateur, l'interdiction de "tous les verrous techniques qui empêchent de copier et de transporter la musique achetée légalement", comme le demandait haut et fort le Président de la République.

 

Car oui, il y a de la place pour un vrai développement d'une offre de musique légale sur les nouveaux canaux de distribution numérique mais à condition qu'on n'entasse pas les obstacles sous les pieds des consommateurs. A condition qu'on puisse acheter en ligne de la musique à télécharger avec la même liberté d'usage que si l'on achetait un CD !


C'est dans la loi - et pas dans des engagements, sans sanction aucune, qu'il faut inscrire ces garanties, préalable indispensable au développement d'une vraie offre légale : une offre sans DRM, avec une totale interopérabilité. Car aujourd'hui, on ne sait toujours pas ce qu'on achète  : combien  de fois on peut utiliser la musique que l'on achète, sur quels lecteurs, si on a acheté le morceau une fois pour toutes ou si tout s'efface quand on arrête de payer son abonnement internet ou quand on change de fournisseur d'accès.

Dans sa version actuelle, le projet de loi s'apparente donc surtout à un marché de dupes. Puisse son examen au Parlement permettre de rétablir un minimum d'équilibre entre les droits et les devoirs des uns et des autres.

 

A défaut, ce serait une nouvelle occasion ratée dans une histoire déjà longue ...