Fabrice Deblock (CCM Benchmark) "Qui formera les prochaines générations d'étudiants français ?"

A l'approche de la journée "MOOC et formation continue" de CCM Benchmark Group (éditeur du JDN), Fabrice Deblock , directeur de conférence, revient sur le phénomène des MOOC et leurs enjeux.

Qu'est-ce qui caractérise les Massive Open Online Course (MOOC) ?

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Fabrice Deblock, directeur de formations et de conférences. © CCM Benchmark Group

Les MOOC sont des cours gratuits proposés sur Internet par les plus prestigieuses universités américaines et, depuis très peu de temps, par des universités et grandes écoles françaises (Polytechnique, Ecole Centrale de Lille, Télécom Bretagne, La Sorbonne...). Une des principales caractéristiques des MOOC est leur recours intensif à la vidéo (vidéos de quelques minutes). Autres composantes importante du dispositif : des quiz, des forums et un système d'évaluation par les pairs qui permet de faire face au nombre élevé d'inscrits.

Pour les élèves, les avantages sont nombreux. Ils ont tout d'abord accès à un large catalogue de cours disponibles quand bon leur semble, sans avoir besoin d'être présent physiquement au sein d'une université ou d'une grande école. L'interactivité est par ailleurs très présente grâce aux forums proposés en ligne et sur les réseaux sociaux (Twitter, Facebook , Google+...). Ces derniers permettent de multiples échanges entre les étudiants entre eux et avec les professeurs. Certains MOOC, dits "connectivistes", reposent même sur le principe de la génération du savoir par les apprenants.

Quels sont les sites les plus connus ?

Les sites les plus connus et à vocation commerciale sont Coursera (dont les fondateurs sont des professeurs de Stanford) et Udacity (fondé lui aussi par un ancien de Stanford). Le MIT et Harvard ont créé un site à but non lucratif appelé edX. Le leader Coursera compte aujourd'hui plus de 3 millions de participants, soit un doublement en à peine 6 mois (1,7 million d'inscrits en novembre 2012).  Coursera se positionne comme un portail hébergeant les cours proposés par des universités tierces. A ce jour, on dénombre sur la plate-forme près de 330 cours produits par plus d'une soixantaine d'établissements dont la majorité sont américains mais aussi, de plus en plus, européens ou asiatiques (lire l'interview d'Andrew Ng, fondateur de Coursera, du 02/05/13).

Quels sont les enjeux derrière l'explosion des MOOC ?

Les MOOC soulèvent de nombreuses questions, celle notamment du rôle de l'enseignant dans le dispositif, de la qualité des cours dispensés ainsi que de leur notation. Sur ce dernier point, comment en effet s'assurer de la qualité de la notation de dizaines de milliers d'étudiants évalués par leurs pairs (car il est impossible de mobiliser suffisamment de tuteurs pour tous les inscrits) ou par un algorithme ? edX vient d'ailleurs d'annoncer la mise à disposition d'un logiciel de correction automatique des devoirs, capables de corriger QCM et questionnaires à réponses courtes mais aussi dissertations. Une centaine de copies corrigées par un humain sont néanmoins nécessaires pour permettre au programme de fonctionner correctement.

Au-delà de ces enjeux, la question de savoir par qui les prochaines générations d'étudiants français seront formées se pose aussi. Par des universités étrangères ou des établissements français ? Car quand la question de la reconnaissance des certificats – puis des diplômes – délivrés aura évolué, rien ou presque ne pourra empêcher un étudiant de suivre une formation auprès de Coursera ou d'une autre plateforme.

Ce phénomène touche-t-il aussi la formation continue ?

C'est effectivement un autre enjeu. La majorité des participants aux MOOC sont des personnes déjà diplômées, donc en recherche de compléments à leur formation initiale. La question qui se pose est de savoir comment les DRH doivent se positionner par rapport à cette activité pédagogique pratiquée hors temps de travail et hors plan de formation. Comment valoriser les certificats acquis par les salariés ? Doit-on intégrer les modules suivis dans le plan de formation de l'entreprise ? Des MOOC internes aux entreprises vont-ils voir prochainement le jour ? Plus globalement, comment les DRH doivent-ils aborder cette tendance de fond qui est celle de l'apprentissage tout au long de la vie ? Quand on sait que le budget français de la formation professionnelle est de plus de 30 milliards d'euros, on comprend pourquoi des acteurs internationaux sont tentés d'en prendre une part.

Quel est le modèle économique des MOOC ?

La plupart des MOOC sont construits sur un modèle freemium. Gratuits, accessibles à tous, les cours donnent lieu à la délivrance de certificats qui, eux, peuvent être payants. C'est une première source de revenus pour les plates-formes de type Coursera qui peuvent fonctionner en mode "partage de revenus" avec les universités partenaires. Coursera a ainsi réalisé 220 000 dollars de revenus au premier trimestre 2013, grâce notamment à ses "certificats d'achèvement" (vérified completion certificates). Un chiffre d'affaires additionnel peut être généré par des activités de coaching ou de placement de candidats (mise en relation des meilleurs élèves avec des recruteurs).