Geneviève Fioraso (ministre de l'Enseignement supérieur) "Nous lançons la première plateforme francophone de MOOC"

La ministre de l'Enseignement supérieur détaille son projet "France Université Numérique" et présente la plateforme nationale de MOOC qui sera lancée fin octobre.

Quel regard portez-vous sur la réussite des MOOC outre-Atlantique ? France Université Numérique (FUN) est-il à un MOOC à la française ?

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Geneviève Fioraso est ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche © S. de P. ministère

L'offre numérique aux Etats-Unis est importante et diversifiée : 80 % des établissements américains mettent des cours en ligne, alors que seulement 3 % des universités françaises proposent une offre de formation numérique. Le Président de la République et le Gouvernement ont voulu faire de la révolution numérique une priorité du quinquennat. J'ai donc souhaité placer cette dynamique au cœur de l'enseignement supérieur et mobiliser l'ensemble des acteurs autour de cet enjeu crucial pour l'avenir de notre jeunesse.

L'agenda numérique que j'ai présenté prévoit 18 actions pour développer le numérique dans l'enseignement supérieur et la recherche. C'est dans ce cadre que se décline le projet France Université Numérique (FUN), avec le lancement de la première plateforme francophone de MOOC. Il ne s'agit pas de se substituer aux initiatives des sites universitaires mais bien d'accompagner les établissements d'enseignement supérieur dans cette révolution numérique en marche dans le monde entier. Il s'agit de susciter et d'accompagner, par appels à projets successifs, des initiatives territoriales pouvant associer des start-ups ou des éditeurs.

Quel sera le fonctionnement de France Université Numérique ? L'accès sera-t-il gratuit ? Sera-t-il réservé uniquement aux étudiants ? Quels types de cours pourra-t-on y trouver ? 

Une première plateforme mutualisée sera disponible 7 jours sur 7, ouverte 24 heures sur 24. Dès la rentrée de janvier 2014, une vingtaine de MOOC seront accessibles dans des disciplines très diverses : mathématiques, histoire, biologie, technologies, numérique, santé, philosophie, développement durable, physique, management. Dans un deuxième temps, cette plateforme expérimentale s'ouvrira à des partenariats avec tous les acteurs de l'écosystème. Certains cours pourront être intégrés dans des formations universitaires et seront des composantes à part entière de cursus de formation.

Mais France Université Numérique ne s'adresse pas seulement aux étudiants. Il vise aussi l'ensemble des personnes qui sont désireuses d'apprendre et de se former, dans le cadre de la formation initiale ou continue. Elle s'adresse donc à un public élargi (étudiants, lycéens, salariés, retraités, grand public) sans restriction d'accès. Un exemple, aujourd'hui, si un lycéen hésite dans son orientation il pourra grâce aux MOOC suivre des cours d'initiation, et donc connaître plus facilement les métiers, les débouchés mais également les cursus offerts par l'université.

France Université Numérique est une chance pour une Université en mouvement : celle de repenser l'élaboration et la transmission des savoirs, de manière interactive, en accompagnant les jeunes tout au long de leur parcours.

"Tous les cours magistraux qui sont dispensés dans des amphithéâtres bondés, dans de mauvaises conditions, tels les cours de médecine de première année, peuvent être remplacés par des cours en ligne", avez-vous déclaré dans Les Echos. L'objectif est-il à terme de supprimer les cours magistraux à l'université ?

L'objectif n'est bien entendu pas de supprimer tous les cours magistraux ou de réduire le nombre d'enseignants. Au contraire puisque nous créons 1 000 emplois par an dont 10% seront fléchés pour le numérique. L'idée est de faire du numérique un levier de la rénovation pédagogique. Ainsi, le numérique, notamment en premier cycle, peut permettre de substituer progressivement les cours magistraux par un enseignement plus personnalisé, en travaux dirigés, en tutorat... L'offre de formation sera davantage interactive, adaptée aux générations dites "numériques" avec un enjeu : favoriser la réussite du plus grand nombre.

Je prendrai pour exemple l'université Joseph Fourier à Grenoble qui, depuis déjà sept ans, numérise des cours de PACES (première année de formation médicale), en dispensant dans le même temps plus de 5 000 heures de tutorat et 800 heures de travaux dirigés.

Comment s'effectuera l'évaluation des cours en ligne ? Sera-t-elle réalisée par les étudiants eux-mêmes ?

"France Université Numérique est une plateforme ouverte à tous"

Les étudiants ne sont pas seuls. Les MOOC offrent la possibilité de développer un enseignement interactif, avec de l'auto-évaluation mais aussi un échange avec les enseignants à distance ou sous forme de tutorat. Par ailleurs, les enseignants chercheurs conçoivent et élaborent leurs contenus en collaboration avec l'ensemble de la communauté universitaire.

Quelle sera la part de l'enseignement numérique dans l'obtention du diplôme ? Pourra-ton envisager l'obtention d'un diplôme en suivant uniquement des cours en ligne ? Y aura-t-il des examens en ligne ?

Aujourd'hui, il n'existe pas de diplômation en ligne, ni en Europe, ni dans les pays anglo-saxons. C'est une réflexion qui est en cours en Europe et dans le monde. Nous la menons avec tous les acteurs concernés et le comité d'experts et les établissements en prendront eux-mêmes l'initiative.

D'autres partenariats avec des MOOC américains, comme celui qu'a conclu Polytechnique avec Coursera, sont-ils dans les tuyaux ?

Il ne s'agit pas de se mettre en compétition avec Coursera ou d'autres plateformes dans le monde, pas plus que de nous replier sur nous-mêmes. France Université Numérique se veut une plateforme ouverte à tous, à la disposition de l'ensemble des établissements et universités qui souhaitent développer une offre de cours numérique en ligne en France, dans le monde, et tout particulièrement dans les pays francophones.

Un certain nombre d'établissements ont déjà fait le choix de rejoindre l'initiative France Université Numérique : l'UNT Unisciel-Lille 1, le CNRS, Sorbonne Paris Cité, l'Ecole Centrale Paris, Paris 10 et l'EHESS, le CNAM, l'Ecole Polytechnique, Sciences-Po, HEC, l'Institut Mines Telecom. Des partenariats peuvent être noués avec nos partenaires européens et internationaux. L'université de Paris V et celle de Berlin ont pris une initiative en proposant dès janvier 2014 un MOOC dans le domaine de la santé.

Peut-on envisager des partenariats avec des universités francophones sur la Toile. Par exemple la mise en commun de cours ou de cursus avec des universités suisses ou canadiennes ?

"Le développement des cours en ligne redéfinira la carte universitaire internationale"

Cela fait évidemment partie de la stratégie internationale de la France. La révolution numérique ne se joue donc pas, en effet, sur le seul terrain national. Par nature, elle transcende les frontières. Le développement des cours en ligne (Massive Open Online Course) dans les dix prochaines années redéfinira la carte universitaire internationale. C'est pourquoi la France a un rôle important à jouer, à la hauteur de la qualité de son enseignement et de sa recherche, à la hauteur aussi de son histoire universelle, en termes de coopération avec les pays en développement et les pays francophones.

La diffusion de cours en ligne, en français, demeure une expression forte de sa politique en faveur de la francophonie. France Université Numérique permettra de fédérer et de développer les partenariats avec les universités francophones, en nous appuyant sur les réseaux et partenariats existants.

FUN bénéficiera d'un fonds de financement spécial. Quels sont les détails de ce financement ?

Un fonds de 12 millions d'euros dans le cadre de la première vague des Investissements d'avenir gérés par le CGI permettra de financer le développement des MOOC sous la forme d'appels à projets, mobilisables par vagues successives, pour amorcer la création de cours et de cursus numériques. Cette dynamique s'inscrit dans une logique de partenariat entre académique et privé.

Par ailleurs, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a signé une convention avec la Caisse des dépôts pour faire du numérique une priorité dans l'aménagement des campus d'avenir.

Comment concrètement atteindre le taux annoncé de 20% de cours en ligne dans 5 ans ? N'est-ce pas illusoire vu le retard français ?

L'objectif est que chaque étudiant puisse bénéficier, à chaque étape de son cursus, d'un accès à des cours en ligne de qualité à l'horizon 2017. Pour relever ce défi, l'un des enjeux de France Université Numérique est de former les équipes pédagogiques, de les accompagner pour que le numérique soit effectivement un allié des enseignants, au service de pratiques pédagogiques innovantes et de la réussite étudiante.

Avec France Université Numérique c'est une nouvelle dynamique qui s'engage, au service des étudiants, de la démocratisation de l'accès à l'enseignement supérieur. Cela renforcera l'attractivité de l'Université française dans le monde, dans un contexte mondial de développement rapide de l'e-éducation. C'est aussi un formidable outil de rayonnement et de diffusion de la francophonie au service d'un projet solidaire.

Née le 10 octobre 1954, Geneviève Fioraso est diplômée d'une maîtrise en anglais et en économie. Elle enseigne durant près de 3 ans à partir de 1975. Responsable de la documentation-presse au cabinet du maire de Grenoble à partir de 1979 elle devient ensuite directrice du cabinet de Michel Destot, celui-ci devenu maire de Grenoble en 1995. Entre temps, elle confonde une association d'insertion de jeunes, puis rejoint l'équipe dirigeante d'une start-up du CEA. Elle est député de la première circonscription de l'Isère depuis 2007 et ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche depuis le 16 mai 2012.