Renaud Visage (Eventbrite) "Nous allons investir dans le mobile pour accroître l'engagement"

L'avenir de la billetterie en ligne est sur le mobile, assure le co-fondateur et CTO français d'Eventbrite. Rencontré par le JDN lors de la French Touch Conference, à New York, il décrypte la stratégie de la start-up qui a levé 200 millions de dollars depuis sa création.

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Renaud Visage, CTO d'Eventbrite. © S. de P. Eventbrite

JDN. Où en est Eventbrite de son développement ?

Renaud Visage. En 2013, Eventbrite a vendu 59 millions de billet pour un milliard de dollars dans 187 pays. Les Etats-Unis représentent 80% du business, l'Angleterre 10%. Le reste est réparti entre la France, l'Allemagne, l'Amérique du Sud, le Brésil, l'Italie, l'Australie, le Canada... Tous les moyens de paiement ne sont pas encore disponibles dans tous les pays. Actuellement, on peut payer via Eventbrite dans 36 c'entre eux. Pour les autres, seuls des billets gratuits sont disponibles.

Envisagez-vous d'introduire des publicités pour monétiser ?

Non je ne pense pas qu'on va s'orienter vers un modèle d'advertising. On l'a testé mais cela gâchait un peu l'expérience utilisateur sur le site. On préfère que le modèle freemium nous rapporte des évènements payants qui vont générer des revenus et ainsi monétiser sur quelques évènements. Les évènements gratuits sont totalement gratuits, l'utilisation et l'inscription sur la plateforme le sont aussi. Pour les évènements payants, la commission varie selon les pays et le type de paiement choisi. [Aux Etats-Unis, par exemple, 2,5% de commission + 0,99 dollars par ticket et 3% de commission pour payer par carte de crédit, ndlr]

A terme, voulez-vous remplacer l'évènement FB ?

Devenir un outil de recommandation

Je pense que l'évènement Facebook a avant tout sa place comme espace de promotion. Ses "events" touchent un certain nombre de personnes qui ont "liké" une page ou sont amis sur le réseau social mais le "reach" est limité, contrairement à ce que nous proposons. On a aussi des personnes qui nous utilisent pour des évènements entre amis, mais ce n'est pas notre objectif de base. Nous voulons que passer par Eventbrite pour trouver ce que l'on va faire le mois prochain devienne un réflexe. Les utilisateurs doivent y dénicher des évènements qui leur conviennent, en rapport avec leurs passions. Des évènements Tech jusqu'aux festivals de musiques énormes ou classes de yoga... Nous disposons déjà d'un grand éventail d'activités. Et si, pour l'instant, le gros de notre inventaire d'évènements reste cantonné aux Etats-Unis et en Angleterre, je pense qu'on est en bonne voie pour le renforcer. Notre objectif est de faire des recommandations précises et pertinentes pour nos utilisateurs partout dans le monde.

Vous avez récemment levé 50 millions de dollars pour une valorisation d'un milliard de dollars. Vous entrez ainsi dans le très fermé "billion dollar start-up club"...

On a vendu pour un milliard de dollars de billets en 2013 et nous sommes maintenant valorisés un milliard : je pense que c'est cohérent et que cela suit nos résultats. Chaque année on se fixe des objectifs assez ambitieux que l'on arrive à atteindre.

Les rumeurs parlaient plutôt d'une IPO en 2014. L'annonce de la levée a surpris les observateurs. Aviez-vous vraiment besoin de lever des fonds ? N'avez-vous pas plutôt accepté parce qu'il s'agissait d'une valorisation et de conditions que vous ne pouviez pas refuser ?

Tout à fait. Cette levée a été proposée par nos investisseurs historiques, T. Rowe Price et Tiger global, qui voulaient monter au capital. Nous n'avions pas vraiment besoin d'argent mais l'offre nous a semblé très intéressante. Le critère, c'est bien sûr la valorisation qu'ils donnent à l'entreprise, mais aussi qui sont les investisseurs. Tiger est très connecté dans tous les pays où l'on veut se développer et renforcer notre lien nous permettra en profiter. Cette levée nous laisse aussi le temps de voir venir. On ne sera pas forcés de faire une IPO si on n'en a pas envie. On ne veut pas être acculés parce que l'on a plus assez de fonds. Je pense que nous avons beaucoup de choses à faire pour entrer en bourse avec le meilleur scénario possible. On ne va pas se presser, maintenant qu'on a tout ce capital en banque pour réaliser nos projets. L'IPO aura peut-être lieu en 2015, en 2016 ou après...

A quoi vont servir les fonds ? Quels sont ces projets de développement dont vous parlez ?

Nous voulons bien sûr continuer notre croissance et nous internationaliser. C'est pour ça qu'on a levé de l'argent. Nous sommes présents dans 14 pays et disponibles en 7 langues différentes. L'expansion coûte cher : il faut ouvrir des bureaux un peu partout, ajouter les méthodes de paiement qui ne sont pas encore disponibles... On a ouvert trois bureaux cette année, racheté deux boites l'an dernier [Le service de billetterie latino-américain Eventioz et la start-up de data londonienne Lanyrd, ndlr]. Ça fait partie de notre politique de croissance.

"Aujourd'hui, l'expérience sur mobile est minime"

Nous voulons aussi développer de nouveaux produits. Si nous voulons changer de modèle et devenir plus qu'une plateforme de réservation -une plateforme de recommandation d'événements, nous devons investir en ce sens. Pour devenir la place de marché de référence de l'événementiel dans le monde, nous devons attirer les consommateurs vers tous nos services. Nous voulons notamment accroître l'engagement mobile sur notre application. Pour l'instant, son utilisation se limite surtout à la gestion des billets : l'utilisateur va sur le site, achète son billet, et l'expérience s'arrête là. Nous voulons maintenant lui recommander des évènements qui lui plaisent et le pousser vers le mobile. L'achat direct sur le mobile en un clic, c'est le futur. C'est là où nous investirons le plus dans les années à venir.

Quels sont les prochains pays visés ?

Nous voulons renforcer notre présence en Europe. Nous avons déjà beaucoup investi en Angleterre et Irlande, où nous avons par exemple ouvert un bureau. Nous allons répliquer ce modèle en Allemagne, en France, en Italie et en Espagne. On  s'intéresse aussi beaucoup à l'Asie : nous avons ouvert un bureau en Australie qui nous permet de regarder les marchés asiatiques de plus près. Enfin, en Amérique du sud, nous avons racheté la start-up Eventioz et ouvert des bureaux en Argentine et au Brésil.

Le JDN a rencontré Renaud Visage à l'occasion de la French Touch Conference, qui se tenait à New York en juin dernier.

Ingénieur en génie civil passé par Centrale Lyon, Renaud Visage décroche aussi un Master of Engineering aux Etats-Unis, à Cornell University. Il s'installe à San Francisco et y travaille pour une entreprise de conseil en environnement avant de se lancer dans le Web en 2000. En 2006, il cofonde Eventbrite, plateforme de gestion d'évènements.