Le programmable au secours du programmatique ?

Face aux derniers freins du mode d’achat programmatique, l’émerge du Programmable advertising permet la mise en place de solutions véritablement sur mesure, à l’opposé des black box du "tout machine". Il s'agit d’extraire toute la valeur de l'achat média en valorisant la complémentarité de la puissance de calcul d'une machine avec l’expérience humaine.

Avec 50% des achats display réalisés en France, l’achat média programmatique aux enchères et en temps réel s’est imposé en portant une promesse dont rêvent tous les annonceurs : individualiser leur communication auprès de chacun de leurs prospects et clients, à échelle industrielle et sans surcoût. Malheureusement, si la plupart des barrières technologiques sont tombées, des freins subsistent qui empêchent encore la complète réalisation de cet objectif.

 

Le premier est lié au cycle de vie de la technologie : pour s’imposer et permettre aux annonceurs de tous niveaux de maturité de goûter à son efficacité, les acteurs programmatiques ont dû simplifier les fonctionnalités proposées, au risque d’occulter la richesse des possibilités offertes par la technologie, avec comme conséquence de limiter la performance des annonceurs les plus matures.

 

Le second est le règne proclamé du "tout machine" : une conscience supérieure et omnisciente, en mesure de prédire chaque comportement individuel avec un risque d’erreur négligeable et verrouillé dans une boîte opaque. Les annonceurs sont otages de cette dictature assumée qui les empêche de personnaliser leur ciblage, de mieux comprendre leurs prospects digitaux et de construire leur propre courbe d’expérience programmatique ; ils sont en quelque sorte esclaves d’un système ou la machine, après avoir aidé l’homme dans ses tâches répétitives, devient l’horizon indépassable.

 

Repositionnement inévitable du marché

 

Pourtant, le marché aborde une période charnière : les annonceurs deviennent plus matures et cherchent toujours à améliorer l’efficacité de leurs investissements média. Les choix technologiques (DMP, analytics…) ont été actés et les profils recrutés pour répondre aux nouveaux besoins et explorer les nouvelles opportunités. Ils sont aujourd’hui mûrs pour exploiter la plus grande vertu du RTB : la possibilité de reprendre la main sur la machine pour appliquer sans filtre leur stratégie marketing à leur stratégie média. Cet objectif en apparence simple ne peut être réellement atteint qu’avec une solution technologique suffisamment ouverte et flexible, une solution qui permet in fine de valoriser l’expertise métier par delà l’expertise scientifique et technologique déjà acquise.

 

Cette promesse est portée par le Programmable advertising, qui s’expose dans la presse US comme le prochain stade de l’évolution du programmatique. Dans les faits, on pourrait penser que le programmable n’a rien de neuf et qu’il s’agit juste d’un parti-pris soutenu par quelques acteurs, mais le changement de paradigme est bien plus profond : il s’agit véritablement de repenser le rôle de l’expertise humaine dans son interaction quotidienne avec des machines de plus en plus puissantes. 

Seul ce nouveau paradigme permet la mise en place de solutions optimales, car véritablement sur mesure, à l’opposé des black box purement algorithmiques qui sont par essence génériques. Cette interaction d’un nouveau genre entre la machine et l’homme (et non plus l’homme et la machine) permet de converger plus rapidement et plus efficacement vers l’objectif, davantage de liberté dans l’élaboration des stratégies de ciblage et d’achat, et d’enseignements sur le comportement des cibles exposées à un message publicitaire.

 

Le programmable au service de la performance

 

Dans une approche programmable où le sur-mesure prédomine, l’expert programmatique intervient à différentes étapes du processus d’implémentation : avec l’annonceur et l’agence, il mène d’abord une réflexion sur les enjeux de l’annonceur, sa cible marketing et ses attributs les plus discriminants parmi toutes les données collectées et modélisables : situation familiale, centres d’intérêts, distance au point de vente, période de diffusion, etc. Le bon sens marketing et la connaissance de la cible sont déterminants dans l’identification de ces attributs, qui sont souvent de puissants prédicteurs de l’intérêt, de la visite ou de l’achat.

 

S’ensuit l’élaboration d’un algorithme sur-mesure fondé sur ces attributs, qui permettra à l’annonceur de personnaliser son ciblage, son prix d’achat et son message. En d’autres termes, cet ensemble de critères déterminants constitue une architecture initiale de conditionnement des enchères et de la diffusion média propre à chaque annonceur.

 

Une fois la campagne mise en ligne, la machine reprend alors la main, sous le contrôle de l’expert, et enrichit cet algorithme initial au fur et à mesure qu’elle collecte des données de performances, en détectant des attributs supplémentaires et en affinant le modèle initial.

 

Cette architecture évolutive reste ouverte : elle permet à l’expert et à l’annonceur de décomposer les performances de campagne sur chacun des attributs sélectionnés, de vérifier les hypothèses posées en amont et d’arbitrer les choix de la machine. Elle permet également d’interpréter les nouveaux attributs détectés par la machine, qui peuvent enrichir la connaissance de la cible digitale de l’annonceur.

 

L’âge d’or de l’homme et de la machine : « Hominis Ex Machina »

 

Le programmable advertising ne nie pas la valeur ajoutée de la machine, bien au contraire : seule une machine est en mesure de détecter de micro-signaux, parfois peu intuitifs, mais en partie prédictifs du comportement futur de l’internaute. Inversement, seul un responsable marketing est à même de connaître les attributs les plus discriminants de sa cible, dont certains ne seraient détectés, même par la plus puissante des machines, qu’après une longue phase d’apprentissage (et coûteuse en média).


C’est la complémentarité de l’expérience humaine et de la puissance de calcul de la machine qui permet d’extraire toute la valeur de l’achat média programmatique : c’est le principe du programmable.


Vincent Mady, CTO, Tradelab
Guillaume Valicon, Head of Business Solutions, Tradelab