Matt Keiser (Liveintent) "Bientôt l'essentiel de notre inventaire display dans les emails sera vendu en programmatique"

Liveintent permet d'envoyer des messages ciblés au sein des newsletters. Son fondateur explique comment ce canal peut booster la performance des actions CRM des marques.

JDN. La popularité de Liveintent n'a pas encore traversé nos frontières. Pourriez-vous présenter votre société ?

Matt Keiser, PDG de Liveintent. © Matt Keiser, Liveintent.

Matt Keiser (Liveintent). Liveintent est une société américaine localisée à New-York et située à l'intersection du marketing et de la publicité. Nous aidons les marques à engager avec leurs clients et à en toucher de nouveaux, en leur permettant d'envoyer des messages ciblés au sein des newsletters de près de 2 000 éditeurs partenaires. Parmi eux : le New York Times, le Wall Street Journal ou encore Ticketmaster. Nous revendiquons actuellement un reach de près de 180 millions d'utilisateurs par mois.

Nous nous sommes lancés dans le secteur de l'emailing en 2010 en partant du constat que le cookie ne permettait pas de proposer une expérience cross-canal aboutie aux marques. Ce dernier ne fonctionne en effet qu'au sein du Web alors que l'email, en tant qu'identifiant, permet à une marque de proposer une expérience "seamless", c'est-à-dire sans couture, entre plusieurs appareils. Un email permettant, une fois qu'il est transformé en identifiant anonymisé, de reconnaître que l'utilisateur X d'un smartphone Android est le même que celui qui correspond au cookie Y d'un navigateur Chrome.

Comment réalisez-vous concrètement ce travail de matching ?

Nous avons développé une technologie propriétaire qui nous permet de synchroniser un email avec un cookie pour réussir à combler ce "trou" dans le parcours entre plusieurs devices. C'est en fait une approche de "people based marketing" comme Facebook l'a popularisée en 2012. Cela nous permet d'exploiter des données comportementales Web fournies par nos clients (navigation sur Web, abandon de panier, ndlr) à des fins de ciblages emailing.

Les messages ciblés que vous envoyez le sont via des inventaires display situés au sein de newsletters de vos partenaires. Tout se fait en programmatique ?

Je viens de l'univers de l'email et j'ai toujours été animé par cette volonté d'en faire un canal d'activation aussi fluide que les autres canaux digitaux, dont le display. C'est pour ça que nous avons développé notre propre SSP par lequel transite 99% de l'inventaire programmatique que nous vendons et qui est connecté aux principaux DSP du marché : DBM de Google, Criteo, Mediamath, Taboola. C'est pour l'instant 50% de notre inventaire qui transite par ce mode d'achat mais l'objectif est d'arriver à en commercialiser l'essentiel par ce biais.

"Le taux de clic d'un email CRM ne dépasse que très rarement les 10%"

Vous l'aurez compris, nous nous positionnons sur l'emailing sans envoyer d'email nous-même. Il faut savoir que le taux de clic d'un email CRM ne dépasse que très rarement les 10%. Nous donnons aux marques la possibilité de toucher les clients et prospects qui n'ont pas ouvert cet email sans avoir à renvoyer cet email mais simplement en achetant de l'espace au sein de l'email d'un éditeur partenaire. Ces éditeurs, souvent des médias, ont des bien meilleurs taux de clic. Cela nous permet de booster de 500% l'interaction avec le message de la marque. C'est ce que nous appelons du CRX pour customer relationship extension. Un complément au customer relationship management.

A quel niveau se situent les CPM ? Et quels sont les annonceurs intéressés ?

On obtient des CPM deux à quatre fois supérieurs à ceux du display classique car les performances sont bonnes comme je vous l'ai montré. Nos plus gros annonceurs sont également ceux qui mettent leurs newsletters à disposition comme Livenation ou plus récemment des groupes comme Fareportal ou Flight Nework, qui ont décidé de placer des publicités dans les emails qu'ils envoient à leurs consommateurs.

Vous voulez également jouer un rôle important dans le marché du people-based marketing en mettant votre ID graph à disposition des marques qui veulent optimiser l'ensemble de leurs actions marketing….

Nous disposons au total de près de 2,5 milliards de cookies et 600 millions d'emails qui nous ont permis de bâtir notre ID graph, en mixant approche déterministe (données collectées grâce à ces identifiants, ndlr) et probabiliste (le fingerprinting, par exemple, ndlr). L'email est la nouvelle ID car vous l'utilisez pour vous inscrire à l'ensemble des services que vous utilisez, qu'il s'agisse d'Uber, d'Amazon ou Spotify.

Le modèle de l'attribution display est cannibalisé par Facebook et Google dont les très bon "device graph" leur permettent de revendiquer beaucoup de leads. Les impressions réalisées en dehors de Facebook sont, elles, pénalisées par cette absence d'ID graph stable. Nous voulons permettre aux annonceurs de mieux comprendre le parcours du consommateur pour établir un cycle d'attribution le plus juste possible. Au contraire de Facebook et Google qui sont des plateformes de type "walled garden", nous essayons de construire une alternative ouverte, en multipliant les partenariats avec des sociétés comme Liveramp, Datalogix, Nielsen ou Exelate qui nous permettent d'enrichir notre graph.

Où en êtes-vous économiquement ? A quand une arrivée en France ?

Nous avons déjà atteint la rentabilité. En Europe, nous sommes pour l'instant présents uniquement au Royaume-Uni où nous avons un bureau. Notre technologie n'est pas encore bilingue mais le jour où elle le sera, nous réfléchirons bien évidemment à nous attaquer au marché français.