A l'ère post-ITP, la cohérence des données est le nouveau casse-tête des marketers

Les nouvelles fonctionnalités de contrôle des paramètres de confidentialité de Chrome, annoncées récemment, sont-elles une bonne réponse aux dernières versions de l’Intelligent Tracking Prevention (ou ITP) d’Apple ?

Les nouvelles fonctionnalités de contrôle des paramètres de confidentialité de Chrome, annoncées récemment, sont-elles une bonne réponse aux dernières versions de l’Intelligent Tracking Prevention (ou ITP) d’Apple ?

Que l’on trouve Apple trop restrictif ou Google trop laxiste, il n’en reste pas moins que les spécialistes du marketing digital sont à présent confrontés à un écosystème à deux vitesses qui d’une part génère des jeux de données incohérents et de l’autre fait comparer l’incomparable, donnant lieu à de mauvaises décisions marketing.

Pour rappel, avec ITP 2.2, Apple bloque désormais automatiquement les cookies tiers, qui sont utilisés pour contrôler la fréquence publicitaire, pour le retargeting, et pour modéliser l’attribution post-view. Le système limite également la durée de vie de la plupart des cookies first-party (de 1 à 7 jours maximum). Avec les nouvelles fonctionnalités de confidentialité de Chrome, Google permettra aux développeurs de décider si les cookies qu’ils configurent peuvent être utilisés comme des cookies tiers. De plus, les utilisateurs auront la possibilité de les bloquer facilement grâce à un dispositif d’opt-in. Quelles seront donc les conséquences de ces nouvelles mesures ? Prenons l’exemple d’un responsable marketing qui souhaite mesurer l’impact d’une campagne sur les revenus de son site e-commerce en utilisant l’une des meilleures infrastructures tech disponibles sur le marché. Imaginons qu’un utilisateur soit exposé à une publicité display le premier jour de la campagne, qu’il consulte directement le site pour la première fois le deuxième jour, puis que la conversion ait lieu le huitième jour lorsqu'il clique sur une annonce payante de la  marque dans son moteur de recherche. Sur Safari, où l’attribution post-view est impossible et où les données de navigation expirent au bout d’un à sept jours, le parcours utilisateur serait fragmenté et la performance des canaux serait donc rapportée de la manière suivante :

● Publicité display : une impression, pas de visite ni de conversion assistée

● Trafic direct : un nouveau visiteur, pas de conversion last-click ni de conversion assistée

● Référencement payant : un nouveau visiteur, une conversion last-click

Sur Chrome, où les cookies tiers ne sont bloqués que pour les utilisateurs qui le demandent et où les cookies de webanalyse ne sont pas affectés, le parcours ne serait pas du tout le même :

● Publicité display : une impression, une conversion assistée

● Trafic direct : un nouveau visiteur, pas de conversion last-click, une conversion assistée

● Référencement payant : un visiteur de retour, une conversion last-clickDans ce cas de figure, les informations dont dispose le responsable marketing sont inexactes sur Safari alors qu’elles sont correctes sur Chrome. 

Mais le plus problématique, c’est qu’il ne sera sans doute pas en mesure de déterminer sur quel jeu de données baser ses décisions, les données étant faussées pour une partie des internautes. Malheureusement, la validité des données importe peu dans ce cas, puisqu’il n’y a aucun moyen de remédier à la situation. La mesure ITP n’est pas près de disparaître, et l’attribution post-view sur Safari est bel et bien une pratique révolue. En outre, reconfigurer tous vos cookies de web-analyse pour contourner la politique d’expiration sous un à sept jours n’est sans doute pas une bonne idée. En effet, on ignore encore si Google finira ou non par mettre en place une politique de protection des données plus stricte, et mieux vaut ne pas se perdre en conjectures.

En revanche, nous avons tous intérêt à connaître les modalités de collecte des données, les contraintes techniques de chaque environnement et les risques liés à l’agrégation des métriques tirées de Safari et de Chrome.

Les professionnels du marketing doivent savoir quand et comment segmenter leurs rapports par navigateur ou par système d’exploitation ; ils doivent savoir s’il est pertinent de transposer le comportement des utilisateurs de Chrome aux autres navigateurs, et pourquoi la taille d’un segment d’audience varie entre une solution de webanalyse basée sur les cookies first-party et un DSP.Campaign Manager et Google Ads, les outils de la Google Marketing Platform,  proposent depuis peu une fonctionnalité native d’estimation des conversions, afin d’aider les équipes marketing à mieux évaluer la performance de leurs campagnes dans un univers cross-device dépourvu de cookies. Mais on continue d’élaborer des plans média en partant du principe que le retargeting peut contribuer à toucher tous les visiteurs passés, que la fréquence publicitaire va augmenter d’une unité à chaque fois qu’un même utilisateur sera exposé à une annonce, et que les expositions peuvent déboucher sur des conversions. Ce qui est (souvent) le cas sur Chrome, mais plus sur Safari. Plus vite les professionnels de l’écosystème publicitaire prendront ce facteur en compte, et plus leurs estimations seront précises et intéressantes.

Ainsi, la question n’est pas de savoir si Apple est en train de détruire l’industrie publicitaire ou si Google a une bonne raison d’essayer de la sauver : il s’agit de trouver comment éviter de prendre de mauvaises décisions marketing en se focalisant sur des données agrégées, qui ne sont plus aussi fiables qu’auparavant.