ePub : un milliard d'euros de plus au premier semestre… dans la poche des GFA

ePub : un milliard d'euros de plus au premier semestre… dans la poche des GFA La croissance phénoménale du marché, +43% entre les premiers semestres 2020 et 2021, profite d'abord à Google, Facebook et Amazon.

Alors qu'on commence à parler d'un nouveau confinement en France, la crise du coronavirus semble, elle, bien loin pour un marché qui avait été touché de plein fouet début 2020 : la publicité digitale. "Le secteur a capté 1 milliard d'euros d'investissements de plus sur un an, c'est énorme", se félicite le patron de l'Udecam, Gautier Picquet. Au premier semestre 2021, le marché de la publicité digitale a effectivement atteint un niveau de croissance jamais vu, selon l'Observatoire de l'epub. Ses recettes se sont établies à 3,834 milliards d'euros net, soit une hausse de 42% par rapport au 1er semestre 2020, qui avait, il est vrai, était sanglant. La performance reste néanmoins bluffante lorsqu'on met en perspective ces mêmes recettes avec celles du premier semestre 2019 qui était un exercice classique. La hausse est de 37% entre les deux périodes et témoigne, à en croire Emmanuel Amiot, associé chez Oliver Wyman, d'une rupture de marché. "On passe d'une croissance annuelle d'environ 14% entre 2013 et 2019 à 17% entre 2019 et 2021."

Comment expliquer une telle accélération ? "Le coronavirus, qui a forcé la digitalisation des usages et de l'économie, est grandement responsable", analyse Emmanuel Amiot. C'est particulièrement vrai pour les innombrables PME et TPE qui étaient loin d'être aussi matures que les grands comptes sur tout ce qui touche au numérique. Et cela explique pourquoi cette croissance profite d'abord aux géants que sont Google, Facebook et Amazon. Un trio que l'observatoire rebaptise en GFA et qui s'impose comme une évidence pour des petits annonceurs qui, faute de moyens et parfois d'accès aux outils, vont au plus simple, au plus rapide… et au plus efficace. "Les GFA sont les grands gagnants de cette bascule digitale", observe Emmanuel Amiot. Le premier A de GAFA, Apple, n'est, à en croire l'Observatoire de l'epub, pas de ceux-là. La firme à la pomme a beau cristalliser nombre de reproches du marché concernant le développement de son offre publicitaire, "son poids est très marginal par rapport au trio", constate Emmanuel Amiot.

"La part de marché de Google, Facebook et Amazon croît de 3 à 4 points chaque année"

Le social, essentiellement Facebook, est en hausse de 58% sur un an et 77% sur deux . Le search, pour beaucoup Google et, de plus en plus, Amazon, croît lui de 43% sur un an et 29% sur deux. Les GFA captent, cette année encore, près de 80% de la croissance. "Leur part de marché croît de 3 à 4 points chaque année", constate Emmanuel Amiot. Ce qui a, sans surprise, le don d'agacer la patronne du Syndicat des régies Internet, Sylvia Tassan-Toffola. "Le marché du numérique a doublé en l'espace de 5 ans, essentiellement au profit des GFA qui assèchent une bonne partie du marché plurimedia", s'inquiète celle qui est également la directrice générale de TF1 Publicité. Et d'ajouter : "Il faut que les acheteurs comme les régulateurs prennent conscience de l'urgence de la situation."

"Même si la croissance est telle qu'il n'y a pas de cannibalisation vis-à-vis des autres acteurs du digital, cette hégémonie pose problème au regard de la pluralité des médias", abonde Emmanuel Amiot. Gautier Picquet pose le problème en d'autres termes : "Est-on aujourd'hui serein de donner un tel poids, soit 70% des investissements publicitaires, à ce trio ? Je ne le pense pas." Le représentant des agences médias appelle toutefois à éviter le GFA bashing et insiste sur l'importance du trio dans le processus de transformation digitale des entreprises françaises. "Ces acteurs sont des partenaires incontournables. Si on investit autant chez eux, c'est qu'ils ont des produits qui répondent à nos attentes." Et de rappeler que la mission des agences médias n'est pas d'investir "par mécénat mais bien selon une logique de performance"

Sylvia Tassan-Toffola espère néanmoins un rééquilibrage des investissements. "On n'est pas naïfs, on ne revendique pas un 50-50 mais on veut notre fair share, et on veut que les annonceurs gardent en tête que des alternatives existent, comme le Digital Ad Trust, qui sont toutes aussi performantes." La bonne nouvelle c'est que les investissements alloués à ce label imaginé par le SRI augmentent de 14% sur un an. L'autre bonne nouvelle, c'est que le retail media est en plein essor et que cette croissance ne profite pas qu'à un seul acteur américain, Amazon, mais aussi à toute une batterie d'acteurs qui ont su mettre sur pied des offres efficaces. Citons RelevanC, l'offre de Casino et Cdiscount, Carrefour Links, d'Auchan Retail ou encore Retailink de Fnac-Darty. Porté par l'explosion du e-commerce et la structuration de ces régies, le retail media est en croissance de 41% entre les premiers semestres 2020 et 2021. Il représente désormais 298 millions d'euros d'investissements, dont 63% vont au search.

"On vient de connaître notre meilleur semestre depuis 10 ans", se félicite Gautier Picquet. La deuxième partie de l'année devrait être au diapason de cette hyper croissance. Oliver Wyman a d'ailleurs décidé de revoir ses prévisions pour l'année 2021, en tablant sur une hausse des recettes qui se situera entre 25 et 30% par rapport à l'exercice précédent, là où les prévisions se situaient initialement autour de 10 à 15%. "L'enthousiasme des acheteurs ne va pas se démentir", assure Emmanuel Amiot. Une tendance moins certaine pour 2022, alors que les effets des nouvelles recommandations de la Cnil et de la politique ATT d'Apple pourraient se faire sentir. "2021 reste, de ce point de vue, une année de transition", reconnait Emmanuel Amiot. "Une fois de plus, le marché du digital va faire face à de nombreux défis, à nous de les adresser de manière collégiale", conclut Gautier Picquet.

Voir le 26ème Observatoire de l'e-pub