Aux Etats-Unis, enfin la consolidation des télécoms ?

Aux Etats-Unis, enfin la consolidation des télécoms ? Les troisième et quatrième opérateurs télécoms du pays, Sprint et T-Mobile, ont annoncé une fusion à 26 milliards de dollars. Un troisième essai de leur part et un pari risqué au plan réglementaire, mais ils n'ont pas d'autre choix pour investir.

Jamais deux sans trois, et la troisième sera peut-être la bonne. Dimanche, T-Mobile et Sprint, les numéros trois et quatre du marché des télécoms américains, ont annoncé une fusion à 26 milliards de dollars. L'opération se fera uniquement en titres : T-Mobile obtiendra 9,75 actions Sprint, si bien que Deutsche Telekom, maison mère du premier, détiendra 42% du nouvel ensemble – mais aussi 69% des droits de vote et neuf administrateurs sur 14 - et Softbank, propriétaire de Sprint, sera actionnaire à 27%. Le groupe, qui représente plus de 80 milliards de dollars de capitalisation boursière, sera dénommé T-Mobile et le nouveau CEO sera celui de T-Mobile, John Legere.

Il s'agit de la troisième tentative pour les deux groupes, dont les dernières discussions en fin d'année dernière, avaient échoué pour des raisons de prix et surtout de contrôle. Deutsche Telekom souhaitait rester majoritaire du nouveau groupe, mais les deux opérateurs ont semble-t-il choisi de transiger, notamment en raison d'une concurrence féroce dans le secteur et des besoins d'investissement dans le réseau. D'un côté, Softbank abandonne certes un actif stratégique dans un marché qu'il affectionne, mais les investissements nécessaires en réseau ont creusé la dette, qui a atteint 32 milliards de dollars, si bien que son patron, Mazayoshi Son, appelait cette fusion de ces vœux depuis plusieurs années. En face, T-Mobile a, comme Free, misé sur la guerre des prix et engrangé les abonnés, mais cela a un coût et sa croissance est en train de faiblir.

Les deux opérateurs ont d'ores et déjà donné des gages : ils se sont engagés à investir 40 milliards de dollars dans leur réseau et l'activité dans les trois premières années après le closing du deal, mais aussi 6 milliards de dollars d'économies de coûts annuelles. Mais aucune casse sociale : "C'est l'une de ces rares fusions qui vont en réalité être positives en termes d'emplois dès le départ. Nous allons construire un réseau formidable qui est bon pour l'économie", a assuré Marcelo Claure, le CEO de Sprint.

Les deux opérateurs investiront 40 milliards de dollars dans leur réseau et l'activité dans les trois premières années après le closing du deal

Il faut dire que l'enjeu est de taille au plan réglementaire, car l'administration a mis un feu rouge à plusieurs reprises dans le passé ; elle a ainsi annulé le mariage entre AT&T et T-Mobile en 2011, puis entre Sprint et T-Mobile en 2014, lorsque la FCC (Federal Communications Commission), le gendarme américain des télécoms, avait jugé que le marché américain devait garder quatre acteurs pour des raisons de concurrence et de prix. Aujourd'hui, le dirigeant de l'institution semble moins tranché sur le sujet, et la décision de cette dernière d'annuler la règle de neutralité d'Internet montre qu'elle est favorable à la déréglementation. Mais il y a encore loin de la coupe aux lèvres, dans un gouvernement Trump réputé imprévisible et qui a attaqué en justice l'union entre AT& T et Time Warner, officiellement pour des raisons de concurrence, dans un contexte très politique – Time Warner est propriétaire de CNN, un média honni par le Président.

Cette fusion est donc loin d'être finalisée, mais peut-elle donner des idées aux acteurs du marché français ? Les rumeurs reviennent régulièrement sur une possible consolidation du secteur, la dernière en date tenant au rachat de SFR par Bouygues le mois dernier. Martin Bouygues avait pourtant rejeté l'idée d'un tel projet à court terme, expliquant que les quatre groupes avaient vu une amélioration de leur rentabilité l'an dernier. "Ce n'est en aucun cas moi qui serai l'artisan ou à la manœuvre sur une quelconque consolidation", avait-il déclaré lors de l'AG du groupe en février.

Article originel publié sur WanSquare par Anne-Laure Peytavin le 30/04/2018.

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