La voiture électrique en mode fixie

Au rythme actuel de renouvellement du parc auto, le remplacement des véhicules par des modèles de moins en moins polluants n'est pas à même de répondre aux problématiques immédiates de pics de pollution.

La nécessité de faire évoluer les véhicules existants pour les rendre moins polluants va dès lors devenir rapidement un enjeu majeur. Dans ce contexte, convertir des voitures à l’électricité est techniquement faisable et cela pourrait même devenir tendance !
La voiture électrique est une solution aux fameux pics de pollution que nous connaissons dans les grandes villes. Il s’agit en effet d’un véhicule « zéro émission » (1). Compte-tenu de son autonomie, ce type de propulsion est plus particulièrement adapté aux trajets urbains ou périurbains.
Cependant, au rythme actuel de renouvellement du parc, cela prendrait beaucoup de temps de remplacer les voitures à moteur thermique par des voitures électriques. Il ne serait pas non plus écologique, cette fois pour aller plus vite, d’envoyer des véhicules encore en état de marche à la casse. Produire un véhicule consomme en effet de l’énergie, le démanteler aussi, d’autant que certains de ses composants ne sont pas recyclés et se retrouvent de ce fait dans la nature.
Il est plus écologique de maximiser l’utilisation d’un véhicule (autopartage (2), covoiturage, etc…) et de prolonger sa durée de vie par un bon entretien. Il serait encore mieux de pouvoir le faire évoluer pour le rendre moins polluant. D’où la question : est-il possible de convertir à l’électricité un véhicule à moteur thermique ?
Techniquement, cette conversion électrique est faisable. De nombreux particuliers de par le monde s’y essaient avec plus ou moins de bonheur. La transformation leur coûte de l’ordre de 10 à 15 000 €… et de nombreuses heures de bricolage. Ils butent en général sur l’homologation, plus ou moins difficile selon les pays, souvent quasi impossible pour les initiatives isolées (c’est le cas en France). La société anglaise ECC (Electric Car Corporation) commercialise quant à elle une Citroën C1 (dûment homologuée cette fois) après avoir remplacé le moteur thermique par un moteur électrique (à noter : les batteries prennent place sous le capot et n’empiètent donc ni sur l’habitacle ni sur le coffre).

La voiture électrique obtenue par conversion électrique n’est pas un optimum de conception comme le sont les véhicules prévus dès l’origine pour ce type de propulsion (Renault Zoé, Nissan Leaf…)
mais peut constituer une solution à la fois écologique (réutilisation de l’existant tout en le rendant moins polluant) et complémentaire (les deux concepts peuvent coexister).
Mettre un moteur électrique dans une vieille voiture en perdant au passage de l’autonomie, cela peut toutefois sembler cher payé (au sens propre comme au figuré) pour avoir la satisfaction de contribuer à une meilleure qualité de l’air. Il y a peut-être là des idées à chercher du côté du fixie.
Le fixie (3) est une mode née à New York dans les années 80. Cette mode consiste à récupérer un vieux vélo, le repeindre et lui adjoindre des équipements minimalistes : plus de garde-boue, plus d’éclairage, un pignon fixe monovitesse (d’où le nom de « fixie ») et, pour les puristes, un freinage par rétropédalage. Oubliés les dérailleurs ou les freins à câble qui se dérèglent, le fixie est un vélo moins performant mais plus facile à vivre de par sa simplicité. Il est aussi plus élégant : la rénovation s’accompagne en effet d’accessoires tendance et colorés (selle, poignées, guidon, jantes profilées…), de sorte que chaque fixie est unique. Ces accessoires ne sont d’ailleurs pas bon marché : il serait souvent moins cher de racheter un vélo neuf… mais ce serait là perdre son âme !
Transposé à la voiture, cela peut revenir à remplacer un vieux moteur thermique devenu capricieux par un moteur électrique plus fiable et simple d’entretien. L’absence de boîte de vitesse rend la conduite plus facile. Si la carrosserie est défraîchie, la rénovation peut passer par un pelliculage protecteur (« total covering ») moins cher qu’une peinture neuve. Le pelliculage permet de choisir entre une teinte mate et une teinte brillante (il est même possible d’opter pour du velours !). L’intérieur peut être reconditionné avec des matières résistantes et facilement lavables : par exemple un skaï vintage pour les sièges. De cette manière, la voiture électrique est facile à vivre (entretien, conduite, nettoyage), à l’épreuve de la ville et personnalisée.
Comme le fixie, la voiture convertie à l’électricité peut donc devenir un objet tendance. Le prix de la transformation peut être réduit par l’industrialisation de kits homologués destinés à tel ou tel modèle de véhicule (Austin Mini, 2CV, Twingo…), kits montés ensuite soit par des professionnels soit par les particuliers eux-mêmes. La France dispose avec ses constructeurs (grands et petits) et ses équipementiers de tous les savoir-faire nécessaires mais les procédures d’homologation doivent y être adaptées (comme dans de nombreux pays) pour tenir compte d’une nouvelle donne : la nécessité de faire évoluer les véhicules existants pour les rendre moins polluants.

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(1) Pour être précis, la voiture électrique n’est un véhicule « zéro émissions » que s’agissant de la pollution locale, celle qui affecte l’air que nous respirons : particules fines, oxydes d’azote (les « NOx »), monoxyde de carbone, etc… Dans une approche du puits à la roue, elle peut en revanche avoir un bilan C02 équivalent à celui d’un véhicule thermique si son électricité est produite à partir d’énergie fossile. En clair,  elle contribue dans ce cas tout autant au réchauffement climatique, on parle alors de pollution globale. Pour résumer, la voiture électrique n’est pas toujours la panacée pour le réchauffement climatique (pollution globale) mais constitue une très bonne solution pour la qualité de l’air que nous respirons (pollution locale).
(2)    Voir aussi ma chronique  « Mobilité 2.0 : l’autopartage communautaire » dans le JDN.
(3)    A propos du fixie, voir aussi l’article très bien documenté de Justine Gay dans le JDN.