Mobilité 2.0 : l’autopartage communautaire

Face aux problématiques de mobilité urbaine, des solutions se développent en lien avec la mutation numérique. On peut imaginer un système d’autopartage communautaire, proche de la location entre particuliers mais qui apporte en plus l'immédiateté : « j’ai besoin d’une voiture, j’en trouve une à proximité et je l’utilise ».

Vous êtes parisien, vous possédez une voiture et, comme nombre de parisiens qui en ont une, vous faites moins de 5000 km par an. En lean management, votre voiture constitue un « encours » : quelque-chose qui prend de la place et coûte de l’argent. Combien vous coûte cet encours ? En « frais fixes », si vous cumulez la décote, l’assurance et la location du parking, votre voiture vous coûte de l’ordre de 5 000 € par an avant même d’avoir parcouru le moindre kilomètre.

Une voiture peu utilisée prend de la place en ville alors qu’on préférerait libérer cette place non seulement pour le stationnement mais aussi pour le logement, les bureaux, les surfaces commerciales, bref, tout ce qui permet d’avoir localement de l’activité et de la vie !
Aussi, une voiture demande de l’énergie pour être fabriquée et (idéalement) pour être démantelée en fin de vie. Une partie des pièces qui la composent se retrouveront potentiellement dans la nature si elles ne sont pas recyclables… ou sont mal recyclées ! Contrairement à ce que l’on pourrait penser (cf. pollution atmosphérique), une voiture peu utilisée n’est donc pas favorable à l’environnement : l’optimum écologique est d’avoir peu de voitures bien utilisées plutôt que beaucoup de voitures peu utilisées.

Face cette problématique, il n’existe pas de solution unique mais plutôt un éventail de solutions qui se complètent

  • Le covoiturage serait devenu le premier concurrent de la SNCF sur l’« intercité » et se développe sur les trajets domicile/travail. A l’ère numérique de l’information en temps réel et géolocalisée, on peut aussi imaginer une évolution du covoiturage vers une utilisation plus immédiate et spontanée, une sorte d’ « auto-stop 2.0 » : une application vous informe qu’une personne qui se trouve à 2 km a l’intention comme vous de partir à Nantes cet après-midi et a encore deux places dans sa voiture (c'est ce qu'on appelle aussi le covoiturage dynamique).
  • En complément d’un réseau de transports en commun déjà dense et performant, Paris est en pointe sur les offres basées sur la mutualisation : Vélib et Autolib. Ces systèmes reviennent en effet à mutualiser un parc de vélos et de voitures électriques qui seront utilisés chacun plusieurs fois par jour. D'après Vincent Bolloré (Autolib), cela convainc un certain nombre d’utilisateurs de ne pas renouveler leur véhicule personnel. Ces systèmes s’exportent : Bolloré vient de remporter un contrat à Londres. On peut noter au passage que la capacité à penser en termes de solutions de mobilité urbaine est un véritable domaine d’excellence pour la France : outre la mutualisation que nous venons de voir (qui pèse encore peu en comparaison), nous avons des opérateurs de premier plan sur la scène mondiale pour les transports en commun : RATP, SNCF/Kéolis et Véolia/Transdev.
  • La location de voitures entre particuliers (Drivy, Ouicar…) permet d’accroître le taux d’utilisation de leurs véhicules et présente l’avantage pour les propriétaires de mieux amortir les frais fixes. Vous pouvez par exemple décider de louer le week-end la seconde voiture que vous n’utilisez qu’en semaine. En facilitant la mise en relation entre particuliers, Internet a donc favorisé l’émergence d’une génération spontanée de concurrents aux loueurs traditionnels (Avis, Hertz…) et ce, sans réseau d’agences dédié.
  • Enfin, l’introduction d’une dose de télétravail peut limiter les déplacements. Cela fonctionne très bien dans certaines entreprises, éventuellement sur la base du volontariat et en se limitant à un ou deux jours par semaine pour conserver un contact suffisant avec les collègues.
Vous n'êtes pas totalement convaincu par ce qui précède : pour vous, l’automobile c’est la liberté et vous souhaitez conserver la possibilité de partir sur un coup de tête vous balader avec les enfants en forêt de Fontainebleau ou chercher une étagère Billy chez Ikéa. Cela est tout à fait respectable et les offres citées précédemment ne vous offrent pas réellement cette flexibilité.

Il existe bien dans certaines villes des systèmes d’autopartage avec des voitures conventionnelles (moteurs thermiques). Cependant, la nécessité d'investir dans des véhicules et des installations (places de parking) dédiées freine le développement de ces offres qui n’atteignent pas de ce fait la taille critique pour être utilisées largement.
En complément des solutions qui précèdent, on peut imaginer un système d’autopartage communautaire permis par les technologies numériques :
  • Une communauté de propriétaires particuliers mettent leur voiture en partage. Les clients, eux-mêmes propriétaires ou non, paient au prorata de l'utilisation (comme pour une location). Les propriétaires peuvent se réserver des créneaux (gratuits !) pour leur utilisation personnelle.
  • Une application indique la position des véhicules disponibles à proximité. L'accès et le démarrage se font via smartphone (comme cela existe pour la location). Contrairement à la location, nul besoin de prendre rendez-vous ou de réserver à l'avance.
  • Se pose alors la question du parking : où laisser les voitures, sans créer d'installations dédiées qui freineraient le développement du système? Ce service pourrait être mis en place par des mairies, en incluant le stationnement à des conditions avantageuses (voire gratuit), ce qui ne garantit cependant pas de trouver une place dans la rue. Peut-être mieux que les mairies, les sociétés de parking souterrain (Vinci Park, Effia...) pourraient mettre à profit la densité de leur réseau pour proposer ce type de service à leurs abonnés moyennant un prélèvement (20% environ) sur les transactions entre particuliers.
Pour conclure, on peut penser que des solutions de mobilité multimodales, flexibles et attractives vont continuer à se développer, bien aidées par les technologies numériques (pourquoi ne pas imaginer des applications de calcul d'"itinéraires multimodaux" utilisant les informations de trafic en temps réel?). Ces solutions laisseront la liberté d'utiliser l'un ou l'autre des moyens de transports, au gré de ses envies ou de ses besoins, ou encore de posséder ou non une voiture.
Dans ce contexte, l’autopartage communautaire permettrait aux propriétaires de véhicules de mieux amortir leurs frais fixes et à une fraction des utilisateurs de ne pas investir dans une voiture : soit moins de voitures en ville et des voitures mieux utilisées !