Qui tient les Terres rares, détient la matière première technologique
L'UE, les États-Unis et le Japon viennent de déposer une nouvelle plainte à l’Organisation Mondiale du Commerce contre la politique de restriction par la Chine de ses exportations de Terres Rares – un groupe de minerais essentiel pour de nombreux produits de technologie avancée.
Une nouvelle fois, ce conflit reflète le décalage entre une approche libérale que la Triade (UE + USA + Japon) considère comme une norme universelle, et une stratégie économique chinoise qui en diffère profondément.
Le nœud du problème posé aujourd’hui par les Terres
Rares, réside dans l’explication de la domination écrasante de ce marché par
Beijing.
L’extraction par la Chine, aujourd’hui, de plus de
90% du total mondial estimé de ces minerais stratégiques, pourtant relativement
répandus à la surface du globe, n’a en effet rien d’une donnée
« naturelle ». En 1990, la Chine comptait pour moins de 30% de la
production mondiale de ces mêmes Terres Rares.
Mais les vingt années suivantes ont été celles de la
globalisation, et de la recherche par les entreprises multinationales des
meilleurs coûts dans tous les domaines. Et elles ont également vu ce principe
appliqué à ce secteur.
Les États-Unis et l’Australie, qui à eux deux
comptaient pour 50% de la production mondiale de Terres Rares en 1990, ont
fermé des mines dont l’exploitation, extrêmement polluante et réglementée,
était de ce fait coûteuse. Les entreprises occidentales ont préféré, sur ces
deux décennies, se tourner vers une Chine dans laquelle l’extraction, dans des
régions reculées et peu soumises aux contrôles environnementaux, permettait
d’obtenir des coûts d’exploitation nettement moindres.
Au bout de vingt ans de développement qui ont vu la
production chinoise de Terres Rares multipliée par sept (alors que, dans le
même temps, la production mondiale ne faisait que doubler), la logique libérale
prônée par la « Triade » voudrait que toutes les entreprises, sans
discrimination, profitent de cet avantage compétitif. Mais c’est ici que les
modèles se heurtent.
La stratégie industrielle portée par l’Etat chinois
obéit en effet à une logique différente, et veut exploiter au bénéfice du pays
ce nouvel avantage dérivé de la mondialisation.
La Chine, qui veut monter en gamme dans tous les
domaines industriels, ne veut plus laisser partir des Terres Rares qui seront
transformées en produits intermédiaires à haute valeur ajoutée au Japon, aux États-Unis ou en Europe. Elle veut que cette valeur soit ajoutée sur son sol, par
des usines obligées de se délocaliser pour contourner ses quotas à
l’exportation.
Face à cette situation, les économies occidentales
cherchent des alternatives. La réouverture de la mine californienne de Mountain
Pass, qui assurait l’essentiel de la production américaine avant sa fermeture
en 2002, est engagée, ainsi que celle de sites australiens. Mais en attendant
ces redémarrages, une nouvelle fois, dans le choc entre
« laisser-faire » occidental et stratégie industrielle chinoise, la
seconde est en position de force.