Pour des Etats-Unis d’Europe dans monde régulé
Les entrepreneurs souhaitent que l’intégration européenne passe une nouvelle étape avec un marché intégré fonctionnant sans entrave. Ce cadre fédéral offrant un socle à partir duquel les entreprises, petites ou grandes, seront compétitives sur les marchés extérieurs.
Le Medef milite pour une intégration européenne forte ; faisant la proposition d’une Europe fédérale ayant un président élu au
 suffrage universel. En effet, tout ce qui n’a pas été « fédéralisé » a stagné ou échoué.
Il
 s’agit donc aujourd’hui d’avancer. 
Sortons d’une approche minimaliste 
et défensive de l’Union européenne et voyons en grand ! La 
transformation constitutionnelle en États-Unis d’Europe
 prendra du temps. Mais la voie peut être d’ores et déjà ouverte. 
Nous proposons d’aller vers cette Europe fédérale en suivant quatre étapes :
1. Élaborer une doctrine économique européenne claire
L’Europe
 doit penser sa compétitivité et retrouver un temps d’avance, en 
créativité et en productivité. Ce « projet compétitivité » doit être le 
cap donner à l’Europe ; cap qu’elle devra garder
 et assumer.
Elle
 le fera en remettant de l’ordre dans ses finances publiques, en 
assurant la coordination entre les orientations budgétaires et les 
orientations monétaires et en engageant une sorte de « révision
 générale des politiques budgétaires européennes » permettant d’éviter 
le saupoudrage.
La
 priorité faite à la compétitivité doit se manifester par la création 
d’un commissaire aux PME, ayant rang de vice-président,
 interlocuteur privilégié au service des entreprises. Le Medef propose 
également une réforme en profondeur de la Commission pour créer un 
portefeuille de « commissaire à l’économie et aux finances » ayant 
autorité sur les dossiers de fiscalité, économie, concurrence
 et budget. Celui-ci fera l’objet d’un vote d’investiture du Parlement 
européen. Dans une seconde étape et sous réserve d’un amendement du 
Traité, ce « ministre » assurerait la présidence du Conseil des 
ministres européens des finances (Ecofin) et participerait
 au Conseil européen des chefs d’États.
Ce
 projet de compétitivité européenne devra également être revendiqué. 
Après l’Agenda de Lisbonne voici UE 20-20. Ce programme
 2010-2020 pose les principes d’une croissance « smart » (économie de la
 connaissance), « durable » (sobre en carbone) et « inclusive » (taux 
d’emploi élevé et cohésion sociale) qui sont à la hauteur de nos 
espérances d’Européens. Pour éviter l’écueil qui a
 fait échouer l’Agenda de Lisbonne, le Medef demande que la stratégie UE
 20-20 fasse l’objet d’un véritable contrat politique. Au demeurant, 
cette stratégie représente le véritable volet « croissance » du Pacte de
 stabilité et de croissance. Les responsabilités
 partagées de son exécution entre la Commission et les États impliquent 
un contrôle de chacun des acteurs.
Pour
 se donner toutes les changes de réussir, la Commission européenne devra
 oser un changement de doctrine en matière de concurrence. Le
 moment est plus que jamais venu de prendre en compte les réalités de la
 mondialisation. C’est au niveau mondial que doivent s’apprécier les 
marchés. Et parce que la mondialisation est en marche avec des 
entreprises qui ne respectent pas toujours toutes les
 règles du jeu, la Commission doit se montrer intransigeante à l’égard 
de celles-ci. Des pratiques déloyales ou des aides d’État à peine 
masquées de concurrents issus de pays émergés ne sont pas tolérables.
2. Accélérer les convergences et finaliser les harmonisations
Les
 entreprises souhaitent que l’intégration européenne franchisse une 
nouvelle étape grâce à la mise en place un marché européen
 intégré fonctionnant sans entrave. Ce cadre fédéral sera pour les 
entreprises – petites et grandes – un socle à partir duquel elles seront
 compétitives sur les marchés extérieurs.
Ce
 que souhaitent les entreprises, c’est un système de brevet unique, 
valable dans toute l’Union. C’est une harmonisation des
 bases de la fiscalité frappant les sociétés. C’est un meilleur accès au
 crédit : après le choc de l’automne 2008, l’Union européenne a placé le
 financement des entreprises en haut de ses priorités. L’Europe prend 
des initiatives pour encourager le capital-risque,
 soutenir le financement des petites et moyennes entreprises, simplifier
 l’accès aux fonds communautaires. C’est le bon choix. Tout comme la 
toute récente initiative de la Banque européenne d’investissement et du 
Fonds européen d’investissement pour créer l’instrument
 de partage des risques : une enveloppe de 1,2 milliards d’euros afin de
 garantir des prêts bancaires aux PME innovantes.
Il
 est possible et indispensable de faire plus encore et de tripler cette 
enveloppe. Reste un danger : que les nouvelles régulations dont vient de
 se doter l’Union pour assurer un marché financier
 robuste et défragmenté aboutissent à restreindre l’accès au crédit des 
entreprises.
3. Le socle social
L’Europe
 ne sera pas compétitive si elle ne se construit pas sur un socle 
social. Celui-ci repose d’abord sur le dialogue avec les partenaires 
sociaux européens. Ce dialogue est une composante
 essentielle de l’Europe sociale en particulier, et de la démocratie 
européenne en général.
Aujourd’hui
 nous demandons un nouveau pas en avant : celui de la convergence 
sociale. Par le dialogue social. Avec quelques pays plus déterminés si 
certains de nos partenaires s’obstinent à opposer
 leur veto. Les sujets qui sont partie intégrante du modèle social 
européen s’inscrivent dans l’actualité : libre circulation des 
travailleurs, protection sociale, emploi, formation professionnelle, 
négociation collective, etc. Les priorités d’une convergence
 sociale touchent tous les citoyens européens : l’emploi, la formation 
et le marché du travail d’une part, nos systèmes de retraite d’autre 
part.
Le
 succès de l’Europe le plus apprécié, c’est probablement Erasmus, c’est à
 dire la libre circulation des étudiants. En contrepoint,
 l’échec le plus avéré parait celui de la libre circulation des 
travailleurs. Dans le marché unique européen coexistent vingt-sept 
marchés du travail fragmentés. La réponse à la question de l’emploi 
passe par l’interconnexion des formations dès l’apprentissage,
 des qualifications professionnelles, des régimes de protection sociale 
et par la mobilité et la simplification des procédures. Pour les 
entreprises comme pour les travailleurs en Europe, la meilleure garantie
 d’emploi est la constitution de cet espace commun
 de travail.
La
 préoccupation sur l’avenir des retraites est partagée dans les 
vingt-sept pays européens. La démographie européenne va poser à chacun 
de nos systèmes des difficultés humaines, politiques et
 économiques inédites mais semblables partout. Il ne saurait y avoir de 
tabou à aborder cette question entre Européens. La Commission européenne
 a d’ailleurs présenté un livre vert sur le sujet voici deux ans. Il y a
 certes de multiples aspects techniques du
 dossier : assurer les conditions d’un marché européen des pensions, 
rétablir des compatibilités entre des régimes transnationaux tous 
spécifiques. 
Mais se pose surtout la question de la convergence des 
politiques. Quel peut-être le modèle social européen où
 chaque État a des règles d’ouverture de droits, de liquidation et des 
prestations divergentes ? Pourquoi vouloir faire converger les règles 
fiscales et économiques si on n’aborde pas, avec sérieux et sans 
préjugés, la question non pas de l’harmonisation des
 régimes de retraite mais de leur convergence.
4. Préparer l’union politique
Le Medef a pour ambition une Europe fédérale, celle des États-Unis d’Europe.
Beaucoup
 de chefs d’entreprise participent, acteurs ou témoins, aux mouvements 
du monde d’aujourd’hui. À l’intérieur de l’Europe des équilibres 
géopolitiques bougent, des peuples retrouvent leur
 juste place telle la Pologne qui s’affirme comme un grand pays qu’il 
est et qui connait un essor économique exemplaire. D’autres, dynamiques 
et animés de l’esprit de conquête tournent leurs regards vers 
l’Amérique, la Russie ou l’Est du continent. Chacun selon
 sa culture et son histoire. Et pourtant nous mesurons bien que nous 
avons tous une identité de destin. Nous ne nous sentons peut être pas 
toujours Européens mais nous le devenons dans le regard des autres. 
Les 
grands pays du G20 nous regardent nous Français,
 Italiens, Allemands et même Britanniques comme les membres d’une même 
famille. Dans les négociations commerciales, climatiques, c’est l’Europe
 qui s’exprime. Notre engagement européen est de cœur et de raison. La 
crise de 2008 et la crise de l’euro ont démontré
 que la solidarité européenne était une obligation. 
La
 compétitivité n’est qu’un moyen indispensable au service de la 
prospérité et du développement. Elle ne saurait être désincarnée.
 L’Europe que nous voulons pour demain doit trouver une assise 
démocratique plus forte pour être plus proche des citoyens et des 
entreprises. Le modèle n’est pas si lointain, ce sont même les Européens
 eux-mêmes qui ont exporté les principes démocratiques vers
 les États-Unis. 
Un jour, un président de l’Union européenne sera élu au
 suffrage universel par les citoyens. Il dirigera un exécutif dont 
l’actuelle Commission constitue la forme originelle. Le pouvoir 
législatif sera exercé conjointement par le Parlement
 européen, représentant les citoyens et par un sénat des nations 
d’Europe. Les compétences de l’Union seront celles des grands États 
fédéraux : la régulation économique, la politique monétaire, la défense 
et la sécurité, le budget. Cette Europe-là commencera
 avec ceux qui voudront s’engager. 
Pour une gouvernance mondiale
Le
 libre-échange ne peut être juste et efficace que s’il se développe dans
 un cadre équitable. Chacun doit avoir sa chance. Pour
 cela il convient de définir des règles internationales acceptées et 
respectées par tous. Ceci vaut notamment pour les marchés financiers, le
 système monétaire, l’accès aux matières premières, les obligations 
environnementales et les droits sociaux.
L’enjeu
 des prochaines décennies est de consolider les approches multilatérales
 qui permettent à la fois à la concurrence de jouer
 pleinement son rôle bénéfique et en même temps d’éviter les zones de 
non-droit, les abus et les distorsions. Une refonte à terme du système 
monétaire international relève d’une logique voisine. Les nouveaux pays 
qui participent au commerce international doivent
 accepter pour leur monnaie la flexibilité et la convertibilité que les 
autres pratiquent. La politique chinoise qui consiste à maintenir la 
valeur du yuan à un niveau artificiellement faible est largement à 
l’origine des excédents commerciaux de la Chine vis-à-vis
 du reste du monde. Peser pour convaincre progressivement les autorités 
publiques chinoises d’adopter un taux de change flexible doit faire 
partie des priorités politiques des États-Unis et de l’Europe.
Le B20, une nouvelle organisation internationale qui compte
La
 complexité des différents enjeux et leur imbrication conduisent les 
entreprises à travailler avec les gouvernements d’une manière de plus en
 plus étroite. La nouveauté réside dans la dimension
 internationale de cette nouvelle forme de coopération. Le monde du 
business a besoin d’engagements cohérents et de long terme. 
* Quelle 
approche les grands États veulent-ils encourager en matière de sécurité 
alimentaire ? 
* Comment entendent-ils organiser sérieusement
 la lutte contre la corruption ? 
* Peut-on garantir l’accès aux 
principales matières premières ? 
* Comment fait-on pour définir des normes
 internationales de sûreté nucléaire ? 
Voilà quelques exemples de 
problèmes dont la résolution pourrait être accélérée par
 une étroite collaboration entre entreprises et gouvernements.
Le
 Medef, associé à ses principaux homologues (US Chamber of Commerce pour
 les États-Unis, BDI pour l’Allemagne, CBI pour le Royaume-Uni, 
Confindustria pour l’Italie), a très vite installé, à
 côté du G20, un B20. B pour business. Il s’agit de faire en sorte que 
les acteurs du secteur privé puissent également exprimer leurs 
diagnostics et leurs recommandations. Le B20 doit ancrer la communauté 
des entreprises et leurs organisations représentatives
 comme partenaires
compétents, légitimes et responsables des États.
A
 Cannes, en novembre 2011, près de cinq cents CEO d’entreprises 
d’envergure mondiale ou de PME à la pointe ont présenté la conclusion de
 leurs travaux aux chefs d’État et de gouvernement. Les
 recommandations étaient claires pour dire aux chefs d’État, 
premièrement d’adapter la gouvernance mondiale aux nouvelles réalités, 
deuxièmement de débloquer les freins à la croissance, troisièmement de 
s’assurer que les bénéfices de la croissance globale soient
 durables et partagés. L’objectif est désormais de pérenniser et 
d’institutionnaliser le B20 à côté du G20
Quand l’Europe veut la régulation mondiale
Dans
 25 ans, plus de 80 % de la population mondiale vivra en dehors de 
l’Europe et des États-Unis. C’est dire à quel point nous devons 
reconsidérer notre rôle et revisiter nos relations avec le
 reste du monde. Nous voulons une Europe solidaire et compétitive, fière
 d’elle-même et offensive pour ainsi jouer un rôle moteur dans la 
gouvernance mondiale.
Défendons
 la libre concurrence mais au bon niveau. Le projet de fusion entre 
NYSE-Euronext et Deutsche-Börse, rejeté à ce stade
 par la Commission européenne pour cause de possible position dominante,
 permettrait pourtant de renforcer le poids de l’Europe dans le système 
financier mondial. Le reste du monde ne nous attend pas : ce n’est plus 
qu’une question de temps avant que les bourses
 asiatiques, ou encore sud-américaines, ne développent une ambition 
mondiale.
Soyons
 force de propositions à l’échelle mondiale. Dans les négociations 
internationales agissons en équipe et non pas en ordre
 dispersé. Considérons sérieusement l’hypothèse que face aux numéros 1 
chinois et américain, il y ait un numéro 1 européen. Les rapports de 
force s’en trouveraient radicalement changés.