Le handicap, un marché comme les autres ?

Le handicap n’est pas encore un marché, encore moins une économie au sens organisé du terme. Pourtant en prenant l'exemple des sociétés anglo-saxonnes, il faudrait aider les "marchés du handicap" à se développer dans les conditions normales du marché.

Le handicap n’est pas encore un marché, encore moins une économie au sens organisé du terme. Au pire, un statut social (ce depuis la fin du XIXième siècle) au mieux une liste de normes et quotas à respecter afin de les accueillir pleinement dans les milieux professionnels et associatifs.
Le mot « handicap » prend sa source dans une expression anglaise de la moitié du XIXième Siècle, « hand in cap » ou « main dans le chapeau », un jeu d’échange d’objets personnels pratiqués au XVIe siècle en Grande Bretagne au cours duquel un arbitre évaluait le prix des objets, et surveillait l’équivalence des lots afin d’assurer l’égalité des chances des joueurs. Le terme fut ensuite utilisé pour exprimer l’application d’un désavantage sur les meilleurs concurrents (par exemple un supplément de poids sur les meilleurs chevaux) afin d’égaliser leurs chances avec les moins bons lors de « courses à handicap » ;
Le temps de traverser la Manche, ce terme remplace désormais dans la langue courante française les termes d’infirme, d’invalide ou d’inadapté.
Les racines anglo-saxonnes de ce mot à « l’impossible définition » (dixit Michel DELCEY dans l’ouvrage qu’il dirige pour l’APF « Déficiences motrices et handicaps) nous éclairent sur la différence d’approche qu’il existe entre nos voisins anglo-saxons pétris de doctrine libéral et de libre entreprise et notre pays plus frileux avec des sujets qu’il préfère traiter par le biais de la prise en charge et de l’éloignement des intéressés des principes de l’Economie réelle.

Dans les pays Anglo-saxons, l’approche est radicale : le handicap est une situation handicapante due aux barrières environnementales, économiques et sociales, qu’une personne, en raison de ses déficiences, ne peut surmonter de la même façon que les autres citoyens. Le handicap apparaît  ici dans l’interaction entre la déficience, la limitation fonctionnelle et une société qui produit des barrières empêchant l’intégration. Si le handicap n’est pas le seul fait de la personne mais est également imputable à la société, les luttes pour réduire les handicaps n’auront plus pour seule cible, les personnes (rééducation, prises en charge individualisées et catégorisées, accompagnement vers le travail etc.) mais aussi l’organisation sociale de la cité.
Adoptons ce point de vue et tout semble plus limpide d’un point de vue strictement économique. La personne handicapée, considérée comme un professionnel auquel il faut fournir les mêmes outils de performance professionnelle, sera naturellement un producteur de richesse et donc un acteur en puissance des flux d’échanges financiers, commerciaux qu’il travaille, consomme ou cotise à nos systèmes de prise en charge.
Prenons l’exemple des grandes entreprises. Mon entreprise qui fournit des outils de performance à destination des sourds et malentendants a tout d’abord été sollicitée  par de très grandes entreprises. Nous avons développé nos premières solutions pour elles.
De cette expérience, j’ai tiré ma conviction qu’il faut sortir de la logique de compensation du handicap qui a montré ses limites. Nous préférons y substituer le concept d’expression des talents. Une personne handicapée qui ne travaille pas, ce sont des compétences qui ne sont pas utilisées. La solution que nous avons développée règle autant le problème de l’entreprise que celui du salarié handicapé. C’est du gagnant gagnant. Sinon ça ne marche pas durablement. Le handicap c’est comme le développement durable, les entreprises n’y vont pas de gaîté de cœur. Elles n’y iront que si elles pensent y gagner.
Avoir une politique handicap active et volontaire, c’est aussi un moyen de se différencier de ses concurrents. Certains de nos clients indiquent dans leurs appels d’offres que leurs centres de contacts sont accessibles aux sourds, et cela peut contribuer à faire la différence. Aujourd’hui, il y a une prime pour les pionniers. Je suis convaincu qu’ensuite cela se diffusera.
Observons ce qui se passe avec les produits dits équitables. Au début, on a regardé avec un certain amusement et même dédain les premier supermarchés qui ont ouvert un rayon « bio ». Aujourd’hui, tout le monde en a un !

Si je reste convaincu que les acteurs économiques privés se convertiront tôt ou tard à « l’économie du handicap », je reste plus prudent vis-à-vis des pouvoirs publics, même si les politiques ont fait franchir un pas énorme à la mise en place de systèmes d’accessibilité. Pour rappel, la loi du 2 février 2005  sur l’égalité des droits et des chances (communément appelée loi du handicap) impose à partir de mai 2012 une mise en œuvre de l’accessibilité pour les services de communication publique en ligne des sites administratifs de l’Etat
. Les entreprises du secteur privé n'auront l'obligation de se plier à cette législation qu'à partir de 2015.
La question n’est elle pas réglée du côté des organismes de prise en charge de la formation. En effet derrière cette « révolution économique du handicap » se profilent des milliers de création d’emploi dans tous les territoires français.

Il est désormais urgent d’associer les institutionnels au travail des acteurs privés, afin d’obtenir la labellisation, la certification et la prise en charge par les fonds de formation de ces nouvelles activités. On estime que si ces conditions étaient réunies plusieurs milliers de personnes pourraient être recrutées et formées.
Bienvenue dans l’économie réelle !