Grèce : « Pas de programme, pas d’achats ! »

A l’occasion de sa réunion du mois d’octobre, la BCE a dévoilé de nouveaux détails de son programme d’achat d’ABS. Des ABS chypriotes et grecs pourront faire partie des actifs éligibles, à condition que leurs Etats soient couverts par un programme UE-FMI.

  • A l’occasion de sa réunion du mois d’octobre, la BCE a dévoilé de nouveaux détails de son programme d’achat d’ABS.
  • Des ABS chypriotes et grecs pourront faire partie des actifs éligibles, à condition que leurs Etats soient couverts par un programme UE-FMI.
  • Cette condition renvoie aux dérogations particulières octroyées au pays sous programme dans les opérations de refinancement auprès de la BCE.
  • Beaucoup d’interrogations demeurent, cependant, soulignant l’absence de consensus sur le sujet.
A l’occasion de la réunion de politique monétaire du mois d’octobre, la Banque Centrale Européenne (BCE) a dévoilé certains détails concernant son programme d’achats de titres adossés à des actifs (Asset-Backed Securities, ABS). A partir du T4 2014 et pendant au moins deux ans, la BCE achètera sur les marchés primaire et secondaire des tranches « senior » et « mezzanine » d’ABS. Pour être éligibles, les tranches « senior (1) » devront être acceptées comme collatéraux dans les opérations de refinancement auprès de la BCE et être notées au minimum BBB-/Baa3/BBBL par les agences de notation, c’est-à-dire classées en catégorie investment (par opposition à speculative). Ces deux critères a priori équivalents - les actifs apportés en collatéraux pour les opérations de refinancement doivent être notés au minimum BBB-/Baa3/BBBL - peuvent, en pratique, être distincts, et c’est précisément cette distinction qui est invoquée lorsqu’il s’agit des cas chypriote et grec.Des conditions spécifiques seront appliquées pour les achats ABS chypriotes et grecs. Ces Etats étant notés en catégorie speculative (2) et la note souveraine constituant un plafond pour celle des ABS, ces derniers ne respectent pas la règle de la notation minimum. Afin de les intégrer dans le programme, la BCE introduit un principe de prudence, avec deux implications: d’une part, le montant des achats d’ABS sera moindre pour Chypre et la Grèce, d’autre part, ces pays devront être couverts par un programme UE-FMI, une condition résumée explicitement dans la conférence de presse par « no programme, no purchases».Graphique 1 - Source: Eurostat, Bloomberg, ECBC

L’annexe technique sur les détails du programme (3) fait le lien entre l’existence d’un programme UE-FMI et les conditions d’éligibilité au programme d’achat d’ABS. Il y est précisé que les ABS chypriotes et grecs feront l’objet d’une dérogation aux règles générales duprogramme tant que les critères d’éligibilité des actifs apportés en collatéraux aux opérations de refinancement de la BCE seront suspendus pour ces Etats. Afin d’assurer l’approvisionnement en euros des systèmes bancaires des pays les plus durement touchés par la crise la BCE avait suspendu les conditions de notation minimum en cas de programme UE-FMI4. En résumé, la BCE pourra acheter des ABS chypriotes et grecs notés en catégorie speculative tant que ce critère ne sera pas retenu dans les opérations de refinancement, c’est-à-dire tant que les Etats chypriote et grec seront sous un programme UE-FMI.

Cette condition ne manque pas de soulever des interrogations, notamment sur le cas grec. La fin officielle des versements de prêts de la part de l’UE est programmée pour décembre 2014, celle des prêts du FMI pour mi-2016; faut-il considérer que le pays est sous- programme jusqu’à la fin de l’année ou jusqu’en 2016 ? Malgré l’arrêt des versements, le pays continuera de faire l’objet d’une supervision particulière (post programme surveillance), cette dernière permet-elle la suspension des critères de notation pour les collatéraux utilisés dans les opérations de refinancement ? Si la Grèce avait besoin d’un troisième programme européen pour être éligible, une ligne de précaution à conditionnalité limitée suffirait- elle ? Que se passerait-il si, comme récemment envisagé, le gouvernement décidait de sortir de son programme avant son terme, et ce après le début des achats des ABS grecs ? Serait-elle alors contrainte de procéder à la vente des titres déjà acquis ?

A ces questions, ni la conférence de presse ni l’annexe technique qui a suivi n’ont apporté de réponse. De même que pour les critères d’éligibilité des tranches « mezzanine », l’absence de détails reflète la difficulté pour la BCE d’élargir le champ de son action tout en ménageant les oppositions politiques à ce sujet.


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(1) Les critères d’éligibilité pour les tranches « mezzanine » n’ont pas encore été publiés.
(2) La Grèce est notée B/Caa1/B ; Chypre est notée B/Caa3/B.
(3) https://www.ecb.europa.eu/press/pr/date/2014/html/pr141002_1_Annex_1.pdf