La BCE répète-t-elle les erreurs commises lors de la Grande Dépression ?

La crise des années 30 et la crise européenne d'aujourd'hui. Même schéma ?

Le Fonds Monétaire International a récemment lancé un appel à la Zone Euro pour que soient prises des mesures drastiques, en pointant le doigt la dangerosité de l’attente dans cette course contre la montre. La monnaie unique perd, de manière régulière et continue, de sa valeur face au dollar américain. Criblée de dette, la Zone Euro amorce un tournant néfaste pour son économie. De toute évidence, les mesures déjà mises en place sont insuffisantes et incapables d’endiguer une contagion de tous les pays membres.

La BCE a déjà indiqué qu’elle était capable de mettre en œuvre des politiques pouvant stimuler la chancelante économie européenne. Cependant, la mise en œuvre de telles politiques n’est pas susceptible d’avoir lieu tant que la banque centrale ne sera pas assurée que les conditions restent inchangées. Si les données économiques rendues publiques début octobre montrent qu’il existe un risque considérable que la Zone Euro rentre en récession – et il semble bien que ce soit le cas –, la BCE pourrait réagir. La question est de savoir s’il ne sera pas trop tard ?

La politique monétaire de la BCE l’oblige à maintenir la stabilité des prix. Ce faisant, les décideurs politiques ont pris une position belliqueuse face aux pressions inflationnistes. La BCE a ainsi relevé deux fois ses taux cette année, alors que les Etats-Unis et l’Angleterre ont privilégié une stratégie de taux d’intérêt bas à moyen terme.  Cependant, la BCE a été critiquée pour ne pas avoir fourni assez de liquidités ni enrayé la contagion de la crise de la dette dans toute l’Europe.

Comme la croissance économique dans cette région ralentit de plus en plus, les économies membres subissent une pression croissante de leur dette. Les investisseurs, qui se méfient, préfèrent placer leur argent dans des valeurs refuges. Le risque d’assèchement des liquidités est réellement présent. Pour préserver un système financier sain dans la Zone Euro et éviter la récession ou pire, certains outils, que seule la BCE (qui a le monopole de l’offre de monnaie de la zone) peut fournir, doivent être mise en place. Toutefois, la BCE semble réticente à procéder à des mesures monétaires supplémentaires.

Ces derniers jours, la BCE  a acheté, de manière significative, des obligations espagnoles et italiennes pour combler le fait que les gouvernements de ces pays aient échoué à convaincre des investisseurs potentiels qui auraient pu leur permettre de rembourser leurs créanciers.  En conséquence, les rendements obligataires espagnols et italiens  ont commencé à augmenter dangereusement, à des niveaux insoutenables. Malgré les appels lancés pour agir davantage sur chaque marché obligataire, la BCE semble être en attente de confirmation que la croissance de la Zone Euro devienne stagnante.

En outre, il existe un problème encore non résolu impliquant le Fonds Européen de Stabilité Financière. Celui-ci s’apprête à acheter plus de dette publique à ces économies tendues. La promulgation de ces mesures exigerait un renforcement signification du fonds d’urgence. Le problème est que les différents gouvernements de la Zone Euro tergiversent sur les modalités de l’approbation ; aujourd’hui, seul 6 des 17 pays membres l’ont ratifiée.

Les dirigeants européens font l’objet de vives critiques sur leur gestion de la crise de la dette : beaucoup de forme mais très peu d’action.  La balle est, désormais, dans le camp de la BCE. Deux options se présentent à elle pour augmenter l’offre de monnaie : fournir des liquidités ou réduire les taux d’intérêt.

La leçon de la Grande Dépression

Les conséquences du manque de liquidités sont catastrophiques; preuve en est la Grande Dépression des années 1930. Durant cette période, qui s’étend d’ailleurs sur bien plus d’une décennie, le chômage aux Etats-Unis s’est maintenu à des niveaux record et l’économie s’est immobilisée. Pourtant, la leçon de cette période semble être largement ignorée.

Tout comme la manière dont, au milieu de la crise financière actuelle, la BCE a relevé ses taux d’intérêt, bien que les répercussions de cette catastrophe financière ne soient pas encore dissipées. 

En 1928, la Réserve Fédérale Américaine avait relevé ses taux, ce qui provoqua un ralentissement significatif de l’économie. Les coûts élevés des emprunts créèrent un environnement financier extrêmement critique où les prêts interbancaires étaient essentiellement au point mort. La masse monétaire s’en trouva drastiquement contractée. Cela précipita le krach boursier le 14 octobre 1929.

En nombre considérable, les investisseurs réduisirent leurs avoirs en dollar américain et acquirent de l’or en tant que valeur refuge. D’où une dépréciation sensible du billet vert.  Afin d’éviter un dollar faible, la Réserve Fédéral augmenta ses taux d’intérêt, entraînant une contraction de l’offre de monnaie et un emballement de l’économie dans la spirale de la panique. Les transactions quotidiennes de matières premières furent également touchées. Cela, combiné à une ruée sur les banques des particuliers et investisseurs pour retirer leurs liquidités, conduisit à la disparition de plus de 30% de la masse monétaire. En 1933, le chômage grimpa alors à 25% et le PIB se trouva presque réduit de moitié.

Augmenter la masse monétaire fut un échec monumental pour la Réserve Fédérale et fit entrer le pays en situation de dépression économique jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale. Beaucoup pensent que la FED aurait pu intervenir à tout moment pour stopper cette catastrophe, mais ne l’a pas fait. Ben Bernanke, Président de la FED, a reconnu qu’il s’agissait d’un faux-pas inacceptable dans la politique économique du pays, une « doctrine erronée » selon ses dires, entraînant la Grande Dépression des Etats-Unis et, par voie de conséquence, des répercussions dans le monde entier.

La BCE condamne-elle la Zone Euro ?

Il y a de nombreuse similitudes dans l’absence d’action de la BCE, mais aussi beaucoup de différences. Pour commencer, l’intégration économique des banques et des économies est plus complexe aujourd’hui qu’il y a 80 ans et les banques centrales peuvent toujours fournir de nombreuses liquidités.

La BCE, fermement installé dans sa position d’attentisme, est réticente à s’engager dans des mesures stimulantes pour la croissance. En faisant cela, elle ignore les leçons de l’Histoire. Son inaction pourrait bien impulser le démantèlement du système financier de la Zone Euro, engendrant alors la Grande Dépression de l’Europe.