Oui, les services financiers utilisent des techniques de gestion industrielle (2/3) : les flux et les stocks

Cette tribune en 3 volets, co-écrite avec Anne Vinagre, Présidente de Check’nDo, est le 2ème volet qui illustre les parallèles possibles entre une organisation industrielle et une banque en ligne. Nous montrons que les principes sont rigoureusement communs, seuls le vocabulaire et la dématérialisation pouvant diverger. Le 1er volet mettait en lumière la Planification, ce 2ème volet fait un focus sur la gestion des flux et des stocks.

Si les vocables de flux et de stocks sont couramment utilisés dans le monde Industriel ou dans la Distribution, ces termes sont rarement évoqués tels quels dans le monde des services en général, et en particulier dans les services administratifs.

Un flux est un débit, c’est à dire une quantité ramenée à un temps. Ainsi une usine va employer par exemple le terme de « takt time » pour évoquer une cadence de 20 pièces fabriquées à l’heure, correspondant à une demande client de 20 pièces dans la même période.  De même, dans les services,  nous pouvons parler d’un « flux » de 20 factures traitées par heure et par personne, chaque facture prenant en moyenne 3 minutes pour être traitée. Le flux est une notion importante, car il est lié à la capacité d’absorption des demandes. En faisant le ratio entre le temps à valeur ajoutée (ex : 1 heure) et le délai total d’instruction (ex : 1 semaine), il est possible de mesurer la réactivité potentielle, de s’ajuster aux demandes des clients et aussi optimiser le processus lorsque le délai total de traitement de la demande est trop long et ne correspond pas à la voix du client.

Dans le cas de traitements en cascade par diverses unités/équipes,  il importe d’équilibrer les flux afin d’éviter la formation de « stocks ». La « théorie des contraintes » de E. Goldratt nous indique qu’il est même indispensable d’identifier le goulet d’étranglement, car toute heure perdue sur le goulet est perdue pour l’ensemble du système /du processus.

Les stocks industriels sont des matières premières (MP), des semi-finis (SF) ou des produits finis (PF). Les stocks dans les services financiers sont respectivement des demandes clients non encore traitées (« MP »), gérées par exemple par un 1er service, mais en attente de traitement d’un 2nd service, (« SF »), et finalisées par un 3ème service  avant que la demande soit complètement exécutée et confirmée au client (« PF »). Par exemple, pour une demande de clôture de compte, plusieurs services doivent intervenir pour effectuer le traitement complet de la demande client.

Les encours de production (inflow) correspondent à des dossiers dont le traitement a commencé par un service mais n’est pas  terminé par ce dernier. En divisant le stock (ex : 400 dossiers) par le flux (ex : 20 dossiers par jour), on en déduit une rotation ou une couverture, à savoir 400/20 = 20 jours ouvrés soit 1 mois de stock.  

La configuration standard des services est celle que nous appelons « ateliers » (job shop) dans une usine : les services sont regroupés en général par compétences/expertises homogènes. Cette organisation du travail se manifeste par des temps de traversée/délais plus ou moins longs et des stocks. Si l’on veut traiter au plus vite un dossier complet, il faut être en logique de flux : les opérations s’enchaînent sans tarder, sans allers-retours, sans stock intermédiaire, comme sur une ligne de production.

Cette logique de flux peut être altérée lorsque les allers-retours sont liés aux clients (demandes incomplètes). Seule la compréhension de la cause de cette incomplétude peut amener à des solutions ad-hoc d’optimisation du processus et du flux.

En industrie, on est très souvent en flux équilibrés, car dans une configuration en flux, le déséquilibre saute vite aux yeux.

Équilibrer des postes opérationnels dans les services suppose d’avoir défini des temps standards de traitement des tâches, puis de simuler à partir des  volumes,  la charge de travail afférente.

Il est intéressant de transposer un certain nombre de pratiques issues de la « théorie des contraintes » au monde des services. Par exemple :

Identifier la contrainte via une cartographie des flux.Exploiter la contrainte: augmenter son utilisation et son efficience. Dans les services, la polyvalence est souvent le meilleur moyen d'augmenter la capacité de l'équipe. Cela pose parfois des contraintes de séparation des fonctions pour des raisons de contrôle interne.

Augmenter la capacité du goulet en augmentant les effectifs ou en améliorant le processus à cette étape.

Identifier l'unité critique dont la capacité est habituellement suffisante (ce n'est pas le goulet), mais qui arrête tout le système quand elle est indisponible (système d'information par exemple).
Nous verrons dans un 3ème volet de cette tribune, la transposition de la notion d'indicateurs comme le TRS ("taux de rendement synthétique") pour évaluer la productivité.