Avec le passeport financier, les fintech boostent leur compétitivité

Avec le passeport financier, les fintech boostent leur compétitivité Ce dispositif permet de vendre des produits dans l'UE en étant agréé seulement par le régulateur de son pays d'origine. Résultat : les start-up peuvent plus facilement s'exporter.

Alors que le cinquième round des négociations du Brexit se poursuit à Bruxelles, la City est restée bloquée sur une phrase prononcée par la première ministre britannique Theresa May en début d'année : "Nous ne chercherons pas à être membre du marché unique." En fermant la porte à la libre circulation des biens et services, le Royaume-Uni fait une croix sur un laissez-passer cher aux banques et fintech, le passeport financier. Ce sésame permet à un organisme détenant un agrément dans son pays d'origine d'obtenir simplement des passeports pour distribuer ses produits dans toute l'Union européenne.

Les fintech britanniques devraient donc perdre ce graal et seront obligées de demander un agrément dans un autre pays, ce qui requiert temps et argent. Cette situation profite aux fintech françaises. "C'est une mauvaise nouvelle pour l'Europe mais une très bonne pour nous. Nous allons pouvoir faire émerger des champions français", s'enthousiasme Alain Clot, président de l'association France Fintech.

Même sans l'effet Brexit, le passeport financier est un avantage compétitif pour les jeunes sociétés du secteur. "Les fintech françaises pensent au marché européen dès leur création. Or, demander un agrément dans un pays européen est souvent trop gros pour leurs épaules. Le passporting leur permet de grossir plus vite", résume Franck Guiader, directeur de la division Fintech, innovation et compétitivité à l'Autorité des marchés financiers (AMF). "La fintech est transnationale par essence. Celles qui veulent s'internationaliser commencent par ouvrir deux ou trois pays européens", souligne de son côté Alain Clot.

"Comme l'agrément est valable partout en Europe, on peut se concentrer sur le business, cela nous facilite la vie"

IBanFirst illustre bien ce phénomène. "Une fois notre agrément obtenu en Belgique, nous avons demandé plusieurs passeports. Nous avons reçu des lettres de régulateurs étrangers européens disant qu'ils avaient pris actes de nos services chez eux. C'est donc assez simple. Nous n'avions plus qu'à procéder à l'onboarding pour le KYC (processus permettant de vérifier l'identité des clients, ndlr)", précise Pierre-Antoine Dusoulier, fondateur d'iBanFisrt, une société franco-belge spécialisée dans les transactions multidevises pour start-up et PME. "Quand on a une opportunité dans un pays européen, on y va tout de suite. C'est ce qui est arrivé  en Hongrie, du coup on va s'y développer. Comme l'agrément est valable partout en Europe, on peut se concentrer sur le business, cela nous facilite la vie. D'ailleurs, nous réfléchissons à nous développer dans d'autres zones", complète-t-il.

Même constat du côté de Leetchi, et sa filiale de paiement Mangopay, qui a obtenu un agrément au Luxembourg en janvier 2013. "Nous avons pu lancer notre activité de paiement cinq mois après dans toute l'Europe. Aujourd'hui, sur nos 2 000 clients, 60% sont hors de France", illustre Romain Mazeries, general manager de Mangopay.

Bientôt un nouveau statut ?

Pour encore simplifier le déploiement des fintech françaises en Europe, l'AMF propose dans le cadre d'une consultation la création d'un nouveau statut "chapeau" européen destiné aux acteurs qui proposent des services de conseil en gestion de patrimoine (type robo-advisor) et de distributions de produits financiers. A ce statut serait évidemment associé un mécanisme de passeport. "Ce statut simplifierait les processus existants qui nécessitent un agrément. L'objectif serait d'établir des règles européennes valables pour tous. On ne changerait rien à l'organisation actuelle des régulateurs nationaux mais on faciliterait l'agrément et le passeport", précise Franck Guiader.

"Nous avons pu lancer l'activité de MangoPay en cinq mois dans toute l'Europe"

De son côté, Pierre-Antoine Dusoulier plaide pour une meilleure équivalence entre les différents états européens. " Il faudrait une supervision des régulateurs locaux. Certains font preuve de laisser aller. Un agrément français, belge ou polonais doit être le même en théorie mais ce n'est pas le cas. Il serait pertinent d'avoir un système qui ne permette pas d'accepter de passporting à tout-va", estime le dirigeant.

L'AMF est aussi en faveur de la création d'un régime européen du crowdfunding pour harmoniser les différents régimes nationaux. "Ce régime viendrait a minima harmoniser les exigences d'informations des plateformes mais pourrait également inclure un passeport de commercialisation", précise l'AMF. Pour l'heure, les acteurs du financement participatif ne bénéficient pas de ce dispositif puisque la majorité d'entre eux ne sont pas soumis à des agréments. "C'est assez étrange car le financement participatif est un des premiers modèles de fintech. En plus, la plupart des crowdfunders ont des visions transversales", déplore Alain Clot. En ce qui concerne la création du statut "chapeau", la régulation des acteurs du crowdfunding et d'autres sujets concernant les fintech, la Commission européenne annoncera des mesures au premier trimestre 2018.