La vérification d'identité, nouvelle manne des regtech

La vérification d'identité, nouvelle manne des regtech Les start-up françaises spécialisées dans la gestion du KYC, know your customer, signent leurs premiers contrats avec des institutions financières.

Vérifier l'identité d'un client n'est pas une simple formalité pour les banques et assureurs. Communément appelé le KYC, pour know your customer, ce processus peut parfois prendre plusieurs semaines pour la clientèle entreprise. Et coûter beaucoup d'argent. Selon une étude de Thomson Reuters auprès de banques britanniques, elles dépensent chacune en moyenne 47,8 millions d'euros par an pour la conformité KYC. Pour réduire cette charge, les établissements financiers se tournent vers les regtech, ces fintech de la conformité, qui s'occupent de vérifier l'identité des consommateurs. Selon le cabinet britannique FinTech Global, entre 2012 et 2017, 23,1% des investissements dans des solutions regtech concernaient celles du KYC. Un chiffre qui s'explique notamment par le contexte réglementaire avec notamment l'entrée en vigueur du règlement européen sur la protection des données (RGPD) en mai 2018.

"On assiste à une explosion des exigences réglementaires et les complexités qui vont avec. Les plus grands groupes bancaires ont désormais des équipes de compliance qui comptent des milliers de personnes", souligne Paul Mizrahi, partner chez BlackFin Capital Partners, un fonds d'investissement spécialisé dans les services financiers européens. Même si le business autour de la vérification d'identité ne date pas d'hier, il connait un boom depuis quelques mois. "Il y avait déjà un secteur existant avec des éditeurs de logiciels financiers qui faisaient notamment du KYC. On voit apparaître une nouvelle génération de regtech qui apporte de vraies évolutions technologiques comme la biométrie, l'identification vidéo, l'intelligence artificielle et évidemment la blockchain", indique Paul Mizrahi. Créées ces dernières années, ces start-up sortent progressivement leurs produits depuis début 2017 et commencent à signer leurs premiers contrats avec des institutions financières.

"Une nouvelle génération de regtech apporte de vraies évolutions technologiques comme la biométrie et l'IA"

C'est le cas de Chekk. Fondée fin 2013, cette entreprise qui a conçu une application regroupant les données personnelles d'une personne (documents d'identité, moyens de paiement...) s'apprête à boucler ses premiers deals. "Cinq banques mondiales dont une française", précise Pascal Nizri, cofondateur français de la start-up, sans révéler les noms des établissements. Chekk a opté pour un modèle BtoBtoC : elle distribue sa solution auprès des banques et assureurs qui la proposent eux-mêmes à leurs clients. "Quand ils souhaiteront faire une mise à jour des données de leurs clients, les établissements financiers leur soumettront l'option Chekk. Ces derniers pourront alors télécharger l'application gratuitement et renseigner leurs données de façon sécurisée", explique Pascal Nizri. "Comme notre outil prouve qu'il y a une trace de consentement de la part du consommateur puisqu'il valide lui-même ses données, c'est donc en parfait accord avec le GDPR", ajoute-t-il. Pour maximiser l'adoption de l'application, Chekk compte sortir une version "plus simple et plus design" d'ici la fin de l'année ou début 2018.

Basée à Paris, Hong-Kong et Sydney, l'entreprise fait partie des dix start-up sélectionnées par l'accélérateur de Facebook, situé à Station F. Elle est en train de boucler une levée de fonds de deux millions de dollars, menée par un investisseur hongkongais.

La blockchain, preuve d'identité irréfutable

MatchUpBox est aussi en train de lever des fonds (environ 30 millions d'euros) mais en initial coin offering (ICO), une levée de fonds en crypto-monnaies. Cette start-up franco-américaine basée à Montpellier et Boston a développé une plateforme d'échange de données basée sur une blockchain semi-privée. "Cela signifie que notre client décide de la gouvernance de sa chaîne, à savoir qui peut jouer dans son bac à sable", explique Didier Collin de Casaubon, CEO de l'entreprise. Lancée au printemps 2017, cette solution certifie les données personnelles et permet de réaliser des transactions anonymes entre différentes entités. MatchUpBox revendique des clients français dans le secteur de la banque et l'assurance, sans préciser les noms. "Un de nos clients, une banque française, nous a sollicités pour un de ses départements. Nous avons donc commencé par intégrer notre solution à ce service, ce qui lui a fait économiser beaucoup d'argent car cela facilite les transferts de dossiers entre départements. Maintenant, on étend la solution à d'autres filiales qui ont besoin des mêmes données et ensuite on le fera pour d'autres pays du groupe", indique Didier Collin de Casaubon. MatchUpBox table sur un chiffre d'affaires de 2,7 millions d'euros en 2018.

Cinq minutes en vidéo

L'autre technologie qui donne un coup de jeune au secteur est la vidéo. L'entreprise allemande IDnow propose une solution intégrée dans les applications des banques. Elle a notamment signé avec la néobanque allemande N26. "Quand vous ouvrez un compte bancaire en ligne, vous rentrez vos informations personnelles. Evidemment, le client ne sort pas de l'application ou du site de la banque. Ensuite, vous faites un chat vidéo avec un agent qui s'occupe de vérifier les documents, l'identité... Après vérification, l'agent approuve votre demande et le compte bancaire s'ouvre immédiatement. Il faut environ dix minutes pour ouvrir un compte chez une néobanque, dont 5 minutes sont dédiées au processus de vérification d'identité", détaille Rupert Spiegelberg, CEO de l'entreprise.

IDnow prévoit d'ouvrir un bureau en France début 2018, sous réserve d'un accord de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Pour le moment, l'identification par vidéo n'est pas autorisée en France car considérée comme peu sécurisée. IDnow est plutôt confiante car elle a signé des contrats avec des clients français, dont les noms ne sont pas communiqués. "Je peux juste dire que ce sont des banques et des sociétés de prêts", glisse le dirigeant. BPCE a investi 2 millions d'euros dans la regtech en novembre 2016 via son fonds Seventure Partners. Si l'ACPR donne son feu vert, des entreprises françaises pourraient à leur tour attaquer le marché.

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