Comment Morning s'est éveillé au BtoB

Comment Morning s'est éveillé au BtoB 80% des revenus de la fintech proviennent de ses offres aux entreprises. Un essor qui découle du rachat de l'activité de cartes prépayées de BNP Paribas Personal Finance en septembre 2018.

Morning voit enfin le bout du tunnel. Après le bras de fer entre son fondateur Eric Charpentier et son actionnaire Maif, puis le rachat par la Banque Edel, la néobanque s'est progressivement repositionnée vers le BtoB. Mais tout s'est accéléré fin 2018 quand la fintech a racheté l'activité de cartes prépayées de BNP Paribas Personal Finance en septembre et a obtenu dans la foulée son agrément d'émetteur de monnaie électronique (elle avait jusqu'alors celui d'établissement de paiement, plus restrictif). Ce rachat permet de renforcer dans le monde du prépayé la place de Banque Edel, qui délivre déjà "plusieurs millions de cartes cadeau par an", selon Frédéric Senan, CEO de Morning. Pour la fintech, c'est un tout nouveau business qui s'ouvre. La société toulousaine propose désormais des cartes privatives pour les enseignes qui souhaitent proposer des cartes cadeau et des cartes Visa rechargeables.

Morning compte générer "plusieurs millions de cartes d'ici deux à trois ans"

 

Pour les commercialiser, elle privilégie trois canaux : de la vente physique dans les magasins et les galeries commerçantes, de la vente via des bornes et de la vente en ligne. Pour ce dernier canal, il existe la carte cadeau dématérialisée (un code barre) et une offre exclusivement dédiée aux comités d'entreprises. Concrètement, le CE choisit les cartes cadeau qu'il souhaite sur le site de Morning et les fait livrer dans ses locaux. Morning ne communique pas sur le nombre et le nom de ses clients et indique seulement que son portefeuille est principalement composé de grandes enseignes du jouet et de la consommation et des foncières opérant en France. Au total, 80% des revenus de Morning sont tirés de son activité BtoB (elle ne divulgue pas son chiffre d'affaires). Seule fourchette donnée : "générer plusieurs millions de cartes d'ici deux à trois ans", confie son patron. La fintech veut se poser en challenger de géants du secteur comme Edenred.

Cloner une plateforme Morning en un mois

Morning a une autre corde à son arc BtoB. Elle propose ses applications BtoC en marque blanche, à savoir la cagnotte (rebaptisée Wipliz), les comptes de paiement Morning Pay et Morning Jump (pour les adolescents). "Nous nous adressons aux retailers, banquiers, assureurs et toute société de services qui souhaitent soit proposer des comptes de paiement, soit proposer de la carte cadeau, soit de la cagnotte en marque blanche", précise Frédéric Senan. Pour ce faire, la jeune entreprise a bâti un catalogue d'API finalisé à l'automne dernier. "Toutes les applications sont apisées. Toutes nos technologies sont basées en micro-services, c'est-à-dire qu'on est capable d'assembler technologiquement des offres comme on le souhaite sans qu'on ait besoin de tout redévelopper. Cela nous garantit deux choses : des coûts raisonnables car on ne facture pas le redéveloppement d'une plateforme mais juste le paramétrage et un time-to-market très rapide", argue le dirigeant. Pour cloner une plateforme de Morning, il faut environ un mois à un mois et demi. Des développements spécifiques peuvent également être tarifés.

"Toutes nos technologies sont basées en micro-services, c'est-à-dire qu'on a pas besoin de tout redévelopper à chaque fois" 

 

Pour cette toute nouvelle activité, Morning n'a pas encore de clients mais des prospects "très avancés car le cycle de décision est très long dans le BtoB", justifie Frédéric Senan. En 2019, le CEO espère stabiliser toutes les plateformes, les rendre scalables pour accueillir des gros volumes et booster le commerce en se focalisant sur la France mais aussi dans les pays européens où la fintech est passeportée. "On espère atteindre l'équilibre ou être légèrement positif fin 2019", ajoute le dirigeant.

Mais la fintech n'abandonne pas son activité BtoC pour autant. En décembre 2018, elle a sorti une nouvelle cagnotte, désormais uniquement disponible sur mobile. Une trentaine d'enseignes comme Sephora, Zalando, Galeries Lafayette et La Redoute sont partenaires et viennent l'abonder sous forme de cashback. Une fois l'enseigne choisie, l'utilisateur reçoit un email contenant un bon d'achat chargée du montant. "Si vous avez collecté 100 euros sur la cagnotte, selon le partenaire, vous pourrez sortir entre 102 et 110 euros", illustre Frédéric Senan. La tarification a également été revue. Si l'organisateur de la cagnotte veut virer l'argent sur un compte Morning c'est gratuit mais s'il souhaite effectuer un virement sur un compte externe il doit payer deux ou quatre euros (en fonction du montant collecté). S'il n'est pas utilisateur de Morning, alors il y a une commission de 1,8% en plus des deux ou quatre euros. 

Le compte Morning Pay n'a en revanche pas beaucoup changé mais des évolutions sont à venir. "On va intégrer l'instant payment en avril ou mai prochain. Nous allons aussi demander un agrément initiation paiement et faire de l'émission de cartes virtuelles qui seront utilisables immédiatement sur le téléphone", confie Frédéric Senan. Mais pour ce business, pas de grosses performances financières attendues. "Ce n'est un secret pour personne, les comptes de paiement ne rapportent pas grand-chose. C'est logique quand on fait de la carte quasi gratuite. Pour nous, cette activité c'est de la vitrine, on l'a toujours assumé." A ce jour, Morning revendique 140 000 comptes de paiement en France. A titre de comparaison, N26 clame en avoir recruté 600 000 et Revolut 550 000.