Les énergies renouvelables, nouvelle mine d'or du crowdfunding

Les énergies renouvelables, nouvelle mine d'or du crowdfunding Enerfip, Lendopolis et Lendosphère sont les trois plateformes de financement participatif qui dominent le marché du green. Et profitent de projets aux volumes conséquents et qui ne connaissent ni retard ni défaut.

Dans la grande famille du crowdfunding, le financement d'énergies renouvelables est l'adolescent en pleine croissance. Entre 2017 et 2018, les volumes collectés dans ce secteur ont augmenté de 89% en France, d'après le baromètre annuel de GreenUnivers en partenariat avec Financement Participatif France (FPF). Un chiffre bien au-dessus du marché total du crowdfunding qui a enregistré une hausse de 40% des volumes collectés à la même période. "Ce n'est pas surprenant car les projets d'énergies renouvelables ont un bon rendement, entre 4 et 6%, et sont peu risqués", explique Stéphanie Savel, présidente de FPF.

Cette croissance devrait se poursuivre. Tout d'abord, parce que le nombre de projets dans les énergies renouvelables (ou ENR) ne fait qu'augmenter (66 en 2016, 92 en 2017, 153 en 2018). Ensuite, parce que la réglementation va dans leur sens. La loi Pacte, adoptée définitivement par le Parlement en avril dernier, a acté le relèvement du plafond du financement participatif qui est passé de 2,5 millions d'euros à 8 millions d'euros par projet sur douze mois consécutifs. Enfin, parce que le gouvernement actuel vise une électricité à 40% renouvelable d'ici 2030.

Aujourd'hui, une dizaine de plateformes françaises (généralistes ou spécialisées) proposent de financer des projets ENR, mais trois d'entre-elles se partagent le gros du gâteau écologique : Enerfip, Lendopolis et Lendosphère. En 2018, elles ont collecté 76% des volumes de crowdfunding ENR en France.

Enerfip et Lendosphère ont toujours été spécialisées sur l'ENR tandis que Lendopolis a commencé par le financement des TPE-PME puis rajouté l'ENR et l'immobilier… avant de "mettre en sommeil" son activité TPE et PME en mars dernier. Mais ce trio pourrait vite se transformer en quatuor ou quintette. Depuis plusieurs mois, d'autres plateformes de crowdfunding sont arrivées sur ce secteur. "Cela intéresse de plus en plus d'autres acteurs car on fait des volumes conséquents et on n'a jamais eu de retard et de défaut", justifie Amaury Blais, président et cofondateur de Lendosphère. "Ils suivent la tendance", renchérit Nicolas de Feraudy, directeur général de Lendopolis.

"Les projets d'énergies renouvelables ont un bon rendement, entre 4 et 6%, et sont peu risqués"

En juillet 2018, la plateforme Tudigo qui met en relation les habitants d'un territoire avec des TPE-PME près de chez eux a lancé une filiale dédiée : Tudigo Energie. Elle a profité d'une réglementation de la commission de régulation de l'énergie qui a promis de majorer le prix de rachat de l'électricité pour les projets qui s'engagent à recourir en partie au crowdfunding... à condition que les investisseurs résident dans le département du projet ou dans un département limitrophe. En un an, Tudigo a permis de financer une dizaine de projets pour un total de deux millions d'euros. "Malgré la concurrence et les pure players ENR, on arrive à toucher les investisseurs en région", se félicite Stéphane Vromman, cofondateur de Tudigo. "Nous visons une collecte comprise entre 3 et 5 millions d'euros en 2019 juste sur l'ENR", ajoute-t-il. 

Miimosa, plateforme spécialisée dans l'agriculture et l'alimentation, a lancé Miimosa Transition début 2019. Elle consiste à financer des projets éoliens, photovoltaïques et de méthanisation sur des exploitations agricoles. "En France, 54% des territoires sont couverts par l'agriculture, on a donc une bonne base", fait remarquer Florian Breton, CEO de Miimosa, faisant référence à la surface agricole utile, un concept statistique mondial destiné à évaluer le territoire consacré à la production agricole. La plateforme a aussi l'avantage d'être la seule sur cette niche agricole. En quatre ans, elle a accompagné 2 200 projets (entre 80 et 120 tous les mois). Elle vise une collecte de 100 millions d'euros dans les trois prochaines années seulement sur les ENR. La levée de fonds qu'elle prépare pour fin 2019 servira notamment à atteindre ce chiffre.

La guerre des prix

La multiplication des acteurs sur l'ENR a entraîné chez certains une baisse des commissions prélevées sur les projets. "Les plateformes baissent progressivement leurs taux. Certains projets sont maintenant à 4,5%-5%. Il y a un an, cela n'existait pas (plutôt 6-7%, ndlr)", assure Florian Breton. Le leader du secteur, Lendosphère, ne communique pas sur la commission qui dépend "des volumes de financement apporté et de la structuration juridique mise en place, car on se retrouve souvent à financer des projets avec des banques et des fonds", précise Amaury Blais. En revanche, il confirme que les commissions ont globalement baissé depuis le lancement de la plateforme en 2014 et que "c'est principalement lié au fait que nous effectuons des financements de montants unitaires plus importants. Pour les petites opérations, c'est à dire jusqu'à 200 000 euros environ, les commissions sont restées stables", précise le dirigeant.

"Je ne pense pas qu'il y ait de la place pour cinq plateformes mais plutôt deux ou trois"

La plateforme spécialisée Lumo, une des pionnières du secteur, n'a pas baissé l'ensemble de ses taux mais a supprimé la commission de 1% qu'elle prélevait sur l'épargnant. Lendopolis, de son côté, facture aux emprunteurs une commission s'élevant généralement entre 3 et 4% HT et une commission de 1% HT est appliquée sur les mensualités de remboursements pour les coûts de gestion et de paiement. Même chose du côté de Miimosa qui assure avoir "une grille tarifaire attractive" mais qui est équivalente à Lendopolis, soit 4% HT du montant total de l'emprunt ainsi que "1/12% du montant facturé mensuellement, dans le cadre de la gestion des flux financiers", comme il est précisé sur le site. Tudigo ne communique pas la commission pour des "raisons concurrentielles", confie son dirigeant.

  Commission sur la collecte (succès) Autres commissions
Enerfip  3 à 7% TTC  - 0,2 à 0,5 % du montant total de l'émission pour la création du registre lors de l'émission
- 0,05 à 0,1 % de ce montant les années suivantes et pour toute la durée de la prestation
Lendopolis 4% HT 1% HT
Lendosphère Entre 2 et 6%  Des frais de mise en ligne détaillés par devis en amont des opérations.
Des frais inhérents aux opérations de communication 
Lumo 4 à 10% (dont une partie est payée en différé)  /
Miimosa Transition 4% HT 1/12% HT
Tudigo Energie  4 à 6% HT 1% HT + frais inhérents aux opérations de communication 

La tarification n'est pas le seul élément différenciateur. Il faut une assise financière solide. Aucune plateforme ne communique son chiffre d'affaires. Certaines, comme Tudigo, assurent qu'elles sont rentables. D'autres bénéficient d'un soutien fort. KissKissBankBank, maison-mère de Lendopolis, a été rachetée par La Banque Postale en juin 2017. Une acquisition qui permet à la plateforme d'ENR de proposer certains projets aux clients de la banque privée. "Il y a une très bonne base d'investisseurs, on peut faire du volume", assure Nicolas de Feraudy.

La plateforme spécialisée Lumo a quant à elle été rachetée par Société Générale en juin 2018. "Pour avoir un impact, il fallait accéder à un public nombreux. C'est trop difficile de le faire en direct. Nous nous sommes donc approchés de Société Générale pour un partenariat de distribution car elle a de grands clients énergéticiens qui désiraient se faire connaître du grand public, et que c'est un groupe financier leader en Europe dans l'ENR", souligne le dirigeant de Lumo. Le réseau de la banque de la Défense fera de la promotion ciblée de Lumo dans les départements concernés par des projets, mais la souscription restera 100% en ligne. Est-il donc indispensable de se faire racheter ? "Si vous considérez que la qualité des projets est primordiale et donc que vous ne voulez pas faire de volumes à tout prix, il faut soit être milliardaire soit s'adosser à un grand groupe", estime Olivier Houdaille, directeur général de Lumo.

La concentration pourrait donc continuer. "Cela semblerait logique. Dans le secteur du financement participatif, certains n'ont pas tenu. Il pourrait se passer la même chose dans les énergies renouvelables", estime Stéphane Vromman. "Il va probablement y avoir trop d'acteurs. Je ne pense pas qu'il y ait de la place pour cinq plateformes mais plutôt deux ou trois", projette le patron de Lendosphère.

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