Philip Barrar (Moka) "Notre appli d'investissement Moka se lance en France"

L'application canadienne d'investissement à l'arrondi, qui revendique 500 000 clients, a choisi l'Hexagone pour sa première implantation étrangère.

JDN. Pour ceux qui ne vous connaissent pas, pouvez-vous présenter Moka (ex-Mylo) ?

Philip Barrar, CEO de Moka. © Moka

Philip Barrar. Moka est une application canadienne lancée en 2017, qui permet d'épargner et d'investir facilement son argent. Elle arrondit vos achats au dollar supérieur et investit la différence dans des fonds. Il suffit de quelques minutes pour s'inscrire. L'utilisateur doit répondre à quelques simples questions et connecter son compte bancaire à l'application. Moka s'adresse aux personnes qui ont du mal à épargner, qui n'ont juste pas le temps ou qui n'ont pas d'expérience dans l'investissement. En particulier les millennials. Aujourd'hui, les jeunes veulent la même expérience dans l'investissement que sur une application de voyage ou de dating. Moka propose aussi de faire de l'arrondi et le reverser à des associations. A ce jour, plus de 500 000 Canadiens utilisent Moka.

Comment simplifiez-vous le monde assez complexe de l'investissement ?

Quand vous vous inscrivez, vous renseignez un ou plusieurs objectifs d'investissement comme un mariage, des études, un voyage, la retraite… Chaque objectif est ensuite associé à un profil de risque. Au Canada, nous en proposons cinq, cela va du profil conservateur (peu risqué, ndlr) à celui d'agressif. Nous proposons uniquement des ETF (exchange-traded fund, des fonds qui répliquent l'évolution d'un indice boursier, ndlr) car ce sont des produits stables et accessibles. Nous ne pratiquons pas l'effet de levier car nous voulons que nos utilisateurs visualisent facilement leurs investissements. Nous proposons plusieurs fonds d'investissement responsables car la génération actuelle et celle de demain sont très préoccupées par leur impact social.

Comment vous rémunérez-vous sur de si faibles montants ?

Nous avons opté pour une tarification compréhensible. Nous facturons un abonnement mensuel de trois dollars, sans restriction d'utilisation et sans frais cachés. Il n'y a également pas de frais pour retirer son argent. Il nous faut donc faire du volume pour être rentable.

Les nouvelles applications de trading comme Robinhood explosent aux Etats-Unis. Est-ce un pays que vous visez ?

"Le prix de l'abonnement en France s'élève à 2,99 euros par mois"

Je suis né aux Etats-Unis. En tant qu'américain, j'ai accès à de super fintech qui ne sont pas disponibles au Canada. J'ai donc voulu créer une application d'investissement canadienne. Le marché américain est déjà très bien servi. L'Europe, en revanche, a d'énormes besoins. C'est pour cette raison que nous nous lançons en France. D'après une étude réalisée par Opinion Way pour Moka, 64% des jeunes français se disent anxieux de ne pas réussir à financer leurs objectifs de vie et 65% d'entre eux estiment que les offres des banques ne sont pas adaptées. En plus, nous avions déjà une application en français pour nos clients canadiens francophones.

Avez-vous dû beaucoup adapter votre produit ?

Les Français vont pouvoir bénéficier de la majorité des fonctionnalités de Moka, notamment les objectifs, l'investissement responsable et le multiplicateur qui permet d'accélérer votre épargne en multipliant jusqu'à huit fois vos arrondissements. Nos produits ne sont pas forcément universels et doivent être adaptés au niveau local. Nous travaillons avec des acteurs locaux comme Treezor, qui fait partie de Société Générale, et Budget Insight. Tous deux travaillent avec beaucoup de fintech. Nous sommes sur le point de racheter une société de gestion européenne. Nous avons déjà racheté une société de gestion canadienne, Tactex Asset Management, en juin 2017 (ce qui permet à Moka de gérer ses propres fonds d'investissement dans lesquels est placé l'argent de ses utilisateurs, ndlr). Le prix de l'abonnement en France est presque le même qu'au Canada puisqu'il s'élève à 2,99 euros par mois.

Comment comptez-vous acquérir des clients, sachant que les Français ne prennent pas le temps de gérer leurs finances personnelles et ont tendance à privilégier le livret A ?

"Nous avons un bureau en France depuis septembre 2019"

Nous appliquerons les mêmes recettes qu'au Canada. Nous partons du principe que notre proposition de valeur est très bonne et que tout le monde la comprend. La preuve, nous comptions 10 000 personnes sur la liste d'attente en France, juste avant le lancement. Nous allons évidemment faire de la publicité sur les réseaux sociaux comme Facebook, Instagram et TikTok. Et nous comptons sur notre programme de parrainage (cinq euros pour le parrain et le parrainé, ndlr). Nous souhaitons aussi nouer des partenariats avec des start-up, comme nous l'avons fait au Canada. 

Avez-vous ouvert un bureau en France ?

Oui, depuis septembre 2019 et nous en ouvrirons un autre en Europe plus tard. Pour l'instant, nous comptons cinq salariés en Europe et recruterons des personnes en fonction de notre succès. Au total, nous sommes 53 chez Moka.

Quels sont vos objectifs en France ?

Nous n'avons pas de prévisions précises. Le marché français des 18-35 ans est trois fois plus grand que le marché canadien. Nous espérons donc surpasser le Canada très rapidement et faire de la France notre tête de pont. Mais je ne peux pas vous dire quand cela arrivera.

Quelle est la roadmap pour les prochains mois ? 

Nous travaillons sur deux produits qui permettent d'épargner encore plus son argent et d'optimiser ses finances personnelles. Le premier est Moka Perks, un programme de cashback. Le second est Moka Advisor, qui permettra à un utilisateur de chatter avec un conseiller financier.

Philip Barrar a fondé Moka (ex-Mylo) en février 2016. Auparavant, il était entrepreneur en résidence au sein du fonds d'investissement canadien Ferst Capital Partners, spécialisé dans les fintech. En 2014, cet américano-canadien a créé MyPiece, une start-up qui permet aux restaurants de remplir leurs sièges pendant les heures creuses grâce à des offres spéciales.