L'application Sync débarque en France pour faire de l'ombre à Bankin' et Linxo

L'application Sync débarque en France pour faire de l'ombre à Bankin' et Linxo Fondée par un des premiers employés de Revolut, cette start-up qui agrège comptes et cartes bancaires est disponible en France depuis août.

Il est l'un des premiers employés de Revolut. Après trois années passées chez la néobanque britannique, Ricky Lee a décidé de partir pour créer sa propre fintech. "Revolut est un super produit, sa carte bancaire est très adaptée pour voyager. Mais comme toutes les néobanques, elle ne challenge pas les banques", lâche le dirigeant, qui met notamment en avant la large gamme de produits offerts par les établissements financiers traditionnels. Lancée en août dernier, Sync est une application de gestion des finances personnelles qui se connecte aux comptes bancaires de ses utilisateurs. "Nous sommes là pour fournir une meilleure expérience bancaire, comme Apple l'a fait dans son domaine. Mais nous voulons pas remplacer les banques", souligne le CEO. L'application permet entre autres d'agréger tous ses comptes bancaires. Rien de nouveau puisque des acteurs français comme Bankin' (4,4 millions d'utilisateurs) et Linxo (3 millions) proposent le même service depuis plusieurs années.  

"Revolut est un super produit. Mais comme toutes les néobanques, elle ne challenge pas les banques"

Mais Sync se différencie des fintech tricolores sur plusieurs points. Tout d'abord, elle permet d'ouvrir un compte courant (en livres ou en euros) qui est associé à une carte bancaire. Linxo avait pour ambition de lancer un compte courant en 2020 mais entre le Covid-19, le rachat par le Crédit Agricole et le chantier DSP2 (directive sur les services de paiement) qui n'en finit pas, le projet a été repoussé à une date indéterminée. Deuxième fonctionnalité phare développée par Sync : l'agrégation de cartes bancaires. Cette technologie est pour l'instant proposée seulement par l'application britannique Curve, disponible en France depuis mars 2019, et la néobanque d'Arkéa, Aumax pour moi. La fintech britannique permet également d'échanger de l'euro contre de la livre sterling (25 devises seront ajoutées courant 2021)à bas coût, de bénéficier de cashback entre 4 et 10% et d'effectuer un virement d'un compte à l'autre au sein même de l'application. Ce qu'on appelle dans le jargon, l'initiation de paiement (ou virement). Bankin' propose cette option de virements inter-comptes depuis quelques années. 

Une connexion difficile en France

Sync propose pour l'instant une formule gratuite et prépare une offre payante pour début 2021. Dans ce package, une batterie de fonctionnalités comme de l'assurance voyage et de l'assurance de téléphone seront intégrées, le tout pour 15 livres sterling par mois. La start-up compte beaucoup sur cette offre premium pour engranger des revenus, puisque la commission d'interchange, assez faible, ne permet pas d'avoir un business model pérenne. Tout comme les faibles commissions prévues pour le change de devises. Sync prévoit d'ajouter une autre source de revenus avec un futur système de recommandation (dont la disponibilité n'est pas encore prévue). Grâce à toutes les données collectées, elle pourra recommander à un utilisateur de changer de fournisseur d'électricité et de téléphonie s'il paie trop cher. A chaque changement de contrat, Sync pourra toucher une commission. Exactement, ce que proposent Bankin', Linxo et Arkéa. 

"J'aimerais que les gouvernements aident plus les fintech comme la nôtre à disrupter les réseaux de paiement carte"

Après s'être lancé au Royaume-Uni en août 2020, Sync s'est étendu en France quelques semaines plus tard. A ce jour, l'application est en anglais, mais la version en langue française sera disponible en novembre prochain. En revanche, Sync n'est pas en mesure de proposer aujourd'hui toutes les fonctionnalités dans l'Hexagone, notamment l'initiation de paiement. Pour se connecter aux banques françaises, elle a choisi d'utiliser les API de Truelayer, fintech britannique présente en France depuis avril 2020. Cette dernière a une moins bonne couverture que Bankin' et Linxo, qui sont présents sur le marché français depuis de nombreuses années et peuvent faire plus de tests avec les banques françaises. La start-up a un autre obstacle en vue : le Brexit. Actuellement régulée au Royaume-Uni, Sync ne pourra plus utiliser son passeport européen d'ici fin 2020. Bruxelles ayant laissé une transition aux acteurs financiers pour être régulé dans un autre pays européen. "Il y a des rumeurs qui disent qu'ils vont laisser encore 18 mois à l'industrie car de nombreux établissements ne sont pas prêts", nuance Ricky Lee, qui a demandé un agrément d'établissement de paiement aux Pays-Bas et en Lituanie, plus facile à obtenir.

Une fois le passeport sécurisé, Sync devra convaincre des Français toujours frileux sur les questions de gestion de finances personnelles. Surtout, peu de Français sont multibancarisés (mis à part avoir un compte courant et un compte joint). Même si la part de marché des néobanques augmente d'année en année, peu de Français les utilisent quotidiennement. La start-up compte sur d'autres fonctionnalités comme le paiement entre particuliers à l'international.

Pour financer tous ces chantiers, Sync cherche actuellement à lever 15 millions de livres sterling. Ce qui complèterait son tour de table de 5,5 millions de livres réalisé en août 2020. Elle pourra ainsi recruter 25 personnes, dont une majorité de développeurs, en 2021. Actuellement, la fintech compte 31 salariés entre Londres et l'Espagne, dont une partie sont issus de Lyk Card, une entité de Thomas Cook Money fermée en avril 2020.

Au premier trimestre 2021, la fintech lancera des comptes business et sortira d'autres offres pour les particuliers au sein d'une marketplace. "Nous voulons développer un hub d'API. Nous sommes encore loin du potentiel qu'offre l'open banking", estime Ricky Lee. "Nous voulons montrer qu'un jour nous n'aurons plus besoin de Swift, Visa ou Mastercard. J'aimerais que les gouvernements aident plus les fintech comme la nôtre à disrupter les réseaux de paiement carte", ajoute-t-il. Le message est déjà un peu passé puisque l'Europe planche sur un réseau européen baptisé EPI.